lundi 7 mai 2007

Flagrant délit de copinage

Mon ami Oan Kim expose au Centre Culturel Coréen (2 avenue d’Iéna) jusqu’au 23 mai.
Les photos d’Oan Kim sont soient très noires, soit très blanches, plutôt du « noir ou blanc » que du « noir et blanc ». Cette façon de pousser les contrastes fait naître un regard à la fois embrumé et ébloui sur une urbanité ordinaire, qui acquiert soudainement une dimension quasiment fantomatique. Peu de figures humaines, si ce n’est des silhouettes devant des façades qui paraissent sorties de décors de films muets, tant celles-ci se résument souvent à des à-plats ou à des volumes peu dégrossis.
La matérialité de la ville n’est pas tant rendue par une ambiance ou un pittoresque de rue que par une attention portée à son caractère insolite, éphémère, périssable voire sale. Ce sont une flaque, un chiffon abandonné, de la neige en train de fondre qui captent la lumière et l’attention du spectateur. Rien de spectaculaire là-dedans, simplement un effort réitéré pour révéler, à l’échelle de « l’infra-ordinaire », le sentiment d’inquiétante étrangeté tapie dans tous les coins ordinaires de la ville

Oan Kim est membre du collectif photo MYOP (porfolios visibles sur le site www.myop.fr), et c’est, peut-être de tous ses collègues photographes, à lui que s’applique le mieux cet adjectif. Ce n’est pas qu’il soit un manche, mais la vision de ses photos est toute proche d’une expérience que seuls ceux qui n’ont pas une vue parfaite peuvent comprendre. Retirez vos lunettes. Froncez vos sourcils. Vous cherchez à vous concentrer sur les formes et les objets devant nous. Vous avancez comme un somnambule, ou comme quelqu’un qui cherche à sortir du brouillard. C’est sûr. Vous voyez moins bien, mais votre perception élimine les fioritures. Vous ressentez avec plus d’acuité les reliefs et les contrastes. Vos yeux ont besoin d'agripper les matières pour les reconnaître. Votre vue devient tactile. Et partant, vous voyez à la fois mieux et moins bien. Vous voyez mieux les choses dont vous pensiez qu’elles ne méritaient même pas d’être regardées. Vous êtes un somnambule voyant. Vous êtes sortis de votre brouillard. Vous avez croisé le regard d’un photographe.
L'une de mes photos préférées est une vieille photo, qui n'est pas dans l'expo. Elle s'intitule "Montagne" et donne une dimension tout à fait inattendue à un carrefour parisien que j'ai arpenté des milliers de fois.

6 commentaires:

B* a dit…

Merci pour ces photos qui m'ont arraché quelques respirations, moi qui suis en apnée depuis le début du nouveau quinquennat. Oui, des photos, des images, quand elles sont riches, quand elles sont bien vues, permettent de respirer. Tant mieux parce que moi pour l'instant c'est l'asphyxie, je suis comme bloqué de partout à cause du résultat de l'élection présidentielle et je vois pas très bien ce qui pourrait se passer de favaorable à toute forme de sérénité et de plaisir.

Joachim a dit…

Cher Br
Quelque part, ces photos connectent avec la situation présente puisqu'elles témoignent d'une entrée dans le brouillard et d'une recherche de nouveaux repères. Tant mieux si elles vous ont arraché quelques "respirations" dans votre "apnée".

tss a dit…

la première photo d'oan kim on la croierait extraite du voleur de bicyclette donc même si c'est du copinage :
1) ça passe inaperçu sur un bolg de critiques de cinéma
2) c'est un copniage un peu moins tape à l'oeil d'accueillir un ami sur son blog que de l'acueillir sur son yacht.

KJ a dit…

Cela faisait des annees que je n'avais pas revu "Montagne"...
C'est etonnant comment cette photo m'avait marque a l'epoque.

Joachim a dit…

KJ
Tu connais Oan ? Un ami coréen ou quelqu'un de sa famille?

Joachim a dit…

TSS
Pas pensé au "Voleur de Bicyclette", mais le décor ferait plutôt pencher pour un remake. Un film du jeune cinéma argentin ? D'autant plus que la situation économique est presque proche de celle de l'Italie de la fin des années 40.