vendredi 31 décembre 2010

Pour 2011...

... je formule la résolution d'être un peu plus présent en ces pages.

En attendant, un brillant ami a tenu à venir dire son petit mot.

(Si quelqu'un sait plus précisément d'où proviennent ces images, merci de laisser un petit mot).

A tous ces voeux, j'ajoute celui qui manque à la vidéo : le synchronisme ou, plus précisément et pour reprendre ce mot avec lequel le regretté Blake Edwards expliquait la magie des plus belles rencontres de sa vie (Henri Mancini, Peter Sellers, Julie Andrews) : serendipity.

samedi 18 décembre 2010

Motorcycles boys of my heart

Je n'ai pas dû l'entendre très souvent cette chanson, mais dès la première fois, un soir à la radio dans l'émission de Lenoir, j'avais la certitude qu'il s'agissait là de l'un des quelques titres, simple et dense comme je les chéris et que je n'oublierai jamais. Cette chanson, c'est un magnifique duo à distance et au téléphone entre Daniel Johnston (chanteur disons "instable" et de ce fait "retenu" dans la maison de ses parents) et le groupe Yo La Tengo (dans les studios de la radio WFMU, plus de détails sur la session ici).

Ce que j'adore dans ce titre, Speeding motorcycle, c'est la façon dont la voix de Johnston se lance toute seule, sans grand contrôle, et celle dont la (ou les) guitare(s?) de Yo La Tengo viennent la rattraper en douceur, profiter de ses à-coups pour établir des relances de rythme et dessiner au final une belle ligne de fluidité musicale.

Je ne sais pas trop pourquoi, mais une telle chanson me paraissait naturellement appeler des images. Peut-être parce que sa nudité même me procurait une émotion profonde, mais me donnait aussi un autre réflexe: avoir envie de la rhabiller. Je me disais "des images" sans savoir absoluement quelles images. Et puis, un petit déclic, il y a quelques jours. Le plus drôle, c'est que l'année où a été éditée cette chanson (enregistrée en 1990, donc mais seulement publiée sur disque en 1996) est la même que celle du film qui lui servirait de "clip involontaire" si j'ose dire.

Pour la meilleure chanson de deux-roues du monde, je propose donc le plus beau moment de moto flâneuse du cinéma mondial, à savoir Good bye south, goodbye (Hou Hsiao Hsien 1996).

Allez donc voir le trio Johnston-Yo La Tengo-HHH ici.
(évidemment, ne pas tenir trop tenir compte de l'image de gauche et moduler les sons en fonction).

A eux trois, les mots d'ordre "The road is ours, let's speed some more" prennent une autre résonance, pas tant basée sur la vitesse que sur une incroyable harmonie, qui n'oublie pas les détours serpentins et accidentés et les rend encore plus gracieux.

jeudi 16 décembre 2010

On prend les paris ?

Petite rétrospective sur les distributions des prix des années passées.

Prix Louis-Delluc 2008 : La vie moderne (Raymond Depardon)
Prix Louis-Delluc 2008 du premier film : L'apprenti (Samuel Collardey)
soit un package "Jeunes et vieux acteurs du monde agricole".

Prix Louis-Delluc 2009 : Un prophète (Jacques Audiard)
Prix Louis-Delluc 2009 du premier film : Qu'un seul tienne et les autres suivront (Léa Fehner)
soit un package "Aventures en milieu carcéral".

Avant même la remise des prix 2010, demain vendredi, je prends donc les paris pour un package intergénérationnel "Plus près de toi mon Dieu" regroupant Des hommes et des dieux (Xavier Beauvois) et Un poison violent (Katell Quillévéré).

MISE A JOUR: Complètement ratééééééééééééééé ! Ca m'apprendra à me moquer !
(Et pour qui veut quand même thématiser, doublé Léa Seydoux).

dimanche 5 décembre 2010

La minute où Godard vous dit pourquoi on va au cinéma

Pour répondre à l'invitation du Godard blogathon.

Tiens, je m'aperçois en regardant la colonne "sous-blog" qui note les occurrences de cinéastes cités que Godard arrive en tête. Pourtant, si on me posait la question de mon "cinéaste préféré", pas sûr du tout que mes premières réponses le désigneraient, lui. Mais c'est comme ça. Mon rapport à son oeuvre a beau être imparfait, lacunaire, inconfortable, il y a même finalement peu de ses films que "j'aime totalement, tendrement, tragiquement" du début à la fin, j'y reviens sans cesse.

L'un des multiples paradoxes Godard, c'est pour aller vite, une oeuvre est à la fois très intimidante mais finalement très appropriable, une sorte de monument malléable et déconstruit, constitué de quantité de fragments que l'on peut attraper du coin de l'oeil et de l'esprit. C'est finalement par ses fragments, voire ses anecdotes que l'oeuvre (me) parle, surtout par les disjonctions, les échos, les contradictions qu'ils opèrent entre eux. Evidemment, pour s'y retrouver, on peut rediviser ce tout en périodes chronologiques, mais ce n'est pas si simple, tant l'oeuvre de critique, préexistante aux longs-métrages, prend de nouvelles résonances une fois confrontées aux images proposées par ce cinéma. Somme toute, toute l'oeuvre est affaire de réinjections successives (de la critique dans le long-métrage, de l'expérimentation dans le star-system, de la vidéo dans le cinéma, de la mémoire dans le présent) qui, à chaque fois, produisent autant de réactions chimiques stimulantes pour le spectateur.

Bon, ce petit propos est très rapide et assez allusif, mais j'espère dans les prochains jours, avoir le temps d'expérimenter un peu plus en détail d'autres évocations de mon rapport personnel avec Godard.

En attendant, je vous livre LA minute où Godard vous dit pourquoi on va et on ira, encore et toujours, au cinéma :



Cette parfaite mécanique du plaisir cinéphile (où l'enthousiasme de la découverte s'allie souvent à une certaine insatisfaction voire déception), c'est aussi celle qui alimente un certain rapport avec le Godard de la Nouvelle Vague: la promesse de continuer à ressentir, malgré l'éloignement du temps, la vibration intacte des années 60 que nous n'avons pas vécues, et recevoir aussi en même temps, quelque chose d'irrémédiablement fané, déjà envolé. Mais en même temps, ce "film que plus secrètement encore, ils auraient voulu vivre" ne concerne pas tant un hypothétique "chef d'oeuvre ultime du septième art" mais de manière plus détournée une utopie, clairement concrétisée par Godard dans les années 60, où vie personnelle et fabrication de cinéma s'imbriquent profondément. Si Tarantino dit que Godard, c'est le Dylan du cinéma, c'est bien que tous les deux ont conquis leurs statuts de "poètes prophètes" par une immersion totale au sein de leur art : au "never ending tour" de Dylan répondrait le "never ending filming and editing" de Godard.

Notons au passage que la voix-off désabusée de Jean-Pierre Léaud est tirée d'un extrait des Choses (Georges Perec 1965), soit un roman exactement contemporain du tournage de Masculin Féminin. Cette circulation miraculeuse et immédiate entre un film et un livre exactement contemporains l'un de l'autre, ce dialogue entre deux grands observateurs ludiques de leur époque, c'est aussi la preuve d'un art godardien jamais démenti: celui de placer d'infinis miroirs. Et en matière de miroir, nul doute que Godard, la Nouvelle Vague et "autres modernes d'alors" se sont plus que reconnus dans ces quelques lignes précédant le passage en question :

"Il y avait surtout le cinéma. Et c'était sans doute le seul domaine où leur sensibilité avait tout appris. Ils ne devaient rien à des modèles. Ils appartenaient, de par leur âge, de par leur formation, à cette première génération pour laquelle le cinéma fut plus qu'un art, une évidence; ils l'avaient toujours connu, et non pas comme forme balbutiante, mais d'emblée avec ses chefs-d'oeuvre, sa mythologie. Il leur semblait parfois qu'ils avaient grandi avec lui, et qu'ils le comprennaient mieux que personne avant eux n'avait su le comprendre."

C'est drôle. Je n'ai pas vérifié, mais il me semble que dans un épisode d'Histoire(s) du Cinéma (le deuxième, je crois), un dialogue entre Daney et Godard dit exactement la même chose.