mardi 27 octobre 2009

Les naufragés

"Des îles désertes, on n'en trouve plus". C'est en gros ce que ne cesse d'entendre Jean-Arthur Bonaventure (Pierre Richard dans Les naufragés de l'île de la tortue - Jacques Rozier 1976). En bon messie robinsonnique, il s'échinera évidemment durant tout le film à nier les mises en garde et à vouloir prouver le contraire. Mais sans ce rêve, nous n'aurions jamais eu ce savoureux accostage sur un îlot (pas tout à fait) dépeuplé. Loin de nous l'idée de vouloir jouer aux tue-l'utopie, mais constatons simplement qu'au cinéma aussi, les îles désertes ne se trouvent pas forcément là où on les attend.

Figure 1 : L'île déserte en studio.


Saga of Anatahan (Joseph von Sternberg 1953)

Dénuement et méditation, sacralisation de l'apparition de chaque nouvel objet, devenus accessoires primordiaux de la tragédie annoncée.

Figure 2 : L'île déserte en chantier.


The world (Jia Zhang Ke 2005)

Le cœur de la mutation, c'est aussi l'éphémère. Bientôt ce chantier sera saturé, mais là, c'est un paradoxal îlot de paix : ses piliers d'où débordent des fers à béton deviennent de minéraux palmiers et si l'avion passe au-dessus de l'île sans la remarquer, les amants naufragés n'ont pas (encore) besoin d'appeler à l'aide.

Figure 3 : L'île déserte décrépite.


I don't want to sleep alone (Tsaï Ming Liang 2007)

Variante "vieillissement accéléré" de la précédente. Inversion des rapports de pleins et de vides. L'île n'est plus un plein au milieu d'un vide (l'océan), mais un vide préservé au milieu d'un plein (l'irrespirable Kuala Lumpur).

L'urbain stressé a peut-être les images de Rousseau et de Koh-Lanta en tête, mais beaucoup moins loin et beaucoup plus simplement, c'est bien au cœur des mégalopoles qu'est tapi le point terminal de cette quête chimérique du paradis perdu et non moins sauvagement brutal.

lundi 26 octobre 2009

Outrenoir

Visite de l'expo Soulages et le symptôme récurrent à la sortie de toute imposante exposition : imaginer (avec un certain orgueil que le regard de l'artiste a déteint sur le sien propre). S'il est assez commun et commode de trouver enseignes et vitrines soudainement pimpantes et inspirantes à la sortie d'une expo sur le pop art ou les nouveaux réalistes, qu'attendre de la vision d'un peintre qui n'a pour (quasi) unique matériau la couleur anthracite et ses textures goudronnées ? Cafard chronique ? Broyage de noir ? Rien de bien engageant, dites-moi !
C'est dans l'exact contraire que réside l'effet provoqué : quête de la luminosité dans les contrastes du noir, fixation picturale du geste et du mouvement, géométrie modelée qui devient calligraphie, profondeur spatiale méditative qui semble sourdre du néant.

Bref, fort de ces acquis plastiques, je me suis soudainement demandé ce que Soulages aurait fait avec une caméra et dégainant mon téléphone portable à l'entrée de la salle audiovisuelle, je fais le fier avec ce film soi-disant "éminemment soulagien".


Mouais, mouais, mouais...

Je me demande d'ailleurs si (numérique et facilité à filmer dans les basses lumières aidant), l'effet "fondu au noir" ou "black box" n'est pas en train de devenir l'un des poncifs du cinéma contemporain. Je me souviens du fameux "retour à la maison en pleine nuit" dans Peindre ou faire l'amour (frères Larrieu 2005), emblématique de mon ambivalence vis-à-vis de ce film sur lequel je change souvent d'avis : séduisante dans l'idée, beaucoup moins convaincante dans son exécution (pas vraiment de travail sur la durée, la spatialisation du son, au final l'impression qu'on a coupé la lumière ou sous-exposé de manière assez arbitraire comme on baisserait le son d'une radio). Pareillement, un gimmick déjà fameux de Visage (Tsaï Ming Liang, sortie le 4 novembre 2009) où Lætitia Casta occulte une fenêtre (et partant l'écran de la salle) au chatterton en temps réel risque bien d'échouer en pole position dans le bêtisier du film de festival.

Non, vraiment, la quête de la lueur dans le noir absolu, je ne vois ça que dans un seul film (quand bien même, je ne l'ai vu qu'à moitié) : Ce répondeur ne prend pas de messages (Alain Cavalier 1979) .

Oui, bon, en écrivant, je me rends compte qu'il y a Grandrieux aussi, mais c'est autre chose, un écho envoyé à la pulsion, à une énergie tellurique enfouie, là où Soulages et Cavalier font vibrer des flammes et des lumières bien plus ténues.

jeudi 22 octobre 2009

Les séries jouent avec nos nerfs

Bon, cette vidéo a deux ans déjà et a dû faire 72 fois le tour du net, mais toujours à la pointe du buzz, je ne la découvre que maintenant.




Quelque part, ça tombe bien, puisque jouant de nostalgiques clins d'oeil à une technologie obsolète (sonneries stridentes de modem, imprimantes à chariot), elle joue avec malice du dramatique ressort du retard à l'allumage. Le plus étonnant dans ce parodique "24 heures au temps du tatoo", c'est tout de même une certaine persistance du suspense en même temps que son altération. On est toujours sur les nerfs, mais davantage à cause du piétinement de l'action que d'une course contre la montre. La vraie menace n'est pas tant dans le compte-à-rebours que dans le parasitage de la communication et la cacophonie de la technologie. Et puis, depuis Indiana Jones, c'est sans doute le premier film d'action qui rend aussi hommage à l'archéologie (des médias).


Bon, cette vidéo a six semaines déjà et a dû faire 48 fois le tour du net, mais toujours à la pointe du buzz, je ne la découvre que maintenant :


Quelque part, ça tombe bien puisqu'elle doit vraiment être l'une des pires du réseau et cumule à peu près tout ce qui nous fait parfois maudire la viralité d'internet : addiction, perte de temps, énervement sur la souris, degré 0,5 de l'interactivité et qui plus est récompense dérisoire de tous ces vains efforts (puisque si j'ai bien compris arrivé au terme des quatre -peut-être plus- niveaux, on a juste droit à un teaser sans doute aisément accessible en un autre clic mieux placé).
Il n'empêche que ce petit jeu où la figure de la terreur joue a cache-cache dans d'anodins plans d'ensemble évoque indéniablement Caché (Michael Haneke 2005) et les moments de décryptage inquiet du couple Auteuil-Binoche devant des images d'une banalité a priori affligeante. On se souvient aussi de la simili énigme du dernier plan du film : la foule d'une sortie d'école (où d'après l'AFP, des indices seraient cachés). Nouvel envoi vidéo du harceleur ? Ou vague (et quasi illisible) solution-résolution lâchée par le réalisateur qui, après avoir violenté la psyché de ses personnages s'apprête à titiller plus directement celle de ses spectateurs ? Habile ambivalence narrative... sauf que le refus de lever l'ambiguïté (tout en annonçant qu'elle ne devrait pas persister) vire là à la complaisance pour ne pas dire à la gratuité, et en viendrait même à jeter le doute sur l'habileté du scénario et de la mise en scène du long-métrage que l'on vient de voir. De l'art de (presque) tout gâcher en un seul plan. S'il y a bien quelque chose d'irritant chez Haneke, c'est toujours ce dévoiement de l'hitchcockienne manipulation de spectateur, de toute façon bien éloignée de la malice de l'original ou du foisonnement délicieusement pervers de Lynch.
Pour ainsi dire, ce teaser de Dexter annonce plus franchement la couleur et atteint plus directement son but : se délecter de la torture mentale infligée au spectateur et le transformer en pelote de nerfs.
Et si cette petite suite de plans où se cache l'affreux gentil méchant était le meilleur pire film de Michael Haneke ?

mercredi 14 octobre 2009

Pour une nouvelle cri-twitte de cinéma

Après le blog et Facebook, il n'y avait pas de raison de ne pas céder à la nouvelle net-addiction-auquel-il-est-de-toute-façon-inutile-de-résister-puisque-vous-y-viendrez-tous-tôt-ou-tard, à savoir twitter et ses fameuses notes de moins de 140 caractères. Plutôt que d'y raconter ma vie fascinante, je l'utilise (pour l'instant ?) comme un complément à ce blog, en y consignant des avis rapides ou des notations sur les derniers films que je viens de voir. N'ayant pas la discipline de certains de mes camarades qui parviennent à écrire des notes fournies sur tous les films qu'ils voient, et regrettant parfois de ne pas revenir sur des films qui m'ont intéressé, disons que ces notations permettent au moins de partiellement combler un silence. En espérant que certaines d'entre elles seront des bonnes étincelles à discussion. Ainsi, si l'une de ces "cri-twits à la volée" (dans la colonne de gauche sous "qui êtes-vous") vous interpelle, n'hésitez pas à rebondir dessus dans l'espace des commentaires (quand bien même le post en question parlerait de toute autre chose).

Bon, il ne s'affiche que les cinq dernières notes dans la fenêtre. Pour en voir d'autres, allez là sur le compte...

vendredi 9 octobre 2009

Dialogue entre le film français de 2008 et le film français de 2009

- Je t’aurais bien piqué ton titre et en échange, je t’aurais donné le mien, ce foutu titre que tout le monde trouve bizarre et que je ne daigne jamais expliquer.

- Entre les murs pour un film de prison, je vois bien. Pas très original, tu vas même me dire , mais Un prophète pour un film sur un prof, tu es sûr ?

- Je te signale que ton prof, comme tu dis, se targue ici d’être « pressenti pour remplacer Raymond Domenech à la tête de l’équipe de France, et que pour patienter, il vient de remporter la Palme d’Or à Cannes ». Si on n’est pas dans le pur messianisme, avec ça !

- Ouais, bon, OK, OK, OK !

- Et puis, on est pratiquement les seuls en France à réussir des castings de dingues avec que des acteurs inconnus mais qui en veulent et donnent à mort.

- Voir des nouvelles têtes, assister à l’éclosion d’acteurs, c’est sûr mais pourquoi on est pratiquement les seuls à faire ça, pourquoi il n’y a quasiment qu’un ou deux films français par an qui s’y risquent, alors que ça marche pratiquement à tous les coups (La graine et le mulet, Lady Chatterley, Les beaux gosses, voire les films de Bruno Dumont ou de Guiraudie).

- Faut demander aux autres, mon vieux. Ils te répondront que c’est toujours la faute de la télé qui veut du bankabeule, comme disait mon papa. Mais bon, mon papa, il leur aurait cloué le bec en disant qu’elle a bon dos, la télé, meilleur dos que la flemme devant des gros castings et devant du boulot avec les comédiens.


- On nous présente comme des réussites exceptionnelles, des cas à part et singuliers, mais on devrait être la norme et pas l’exception, tu veux dire ?...

- En quelque sorte, ouais… On n’entendrait plus ces sempiternels refrains sur le manque d’ambition du cinéma français, son manque de spectacle, son horizon limité, etc…

- Je peux te demander, un truc quand même ?

- Oui, vas-y, on est entre nous, là.

- Bon, ton film, il marche très bien. On sent la masse de boulot, d’investissement. J’irais même jusqu’à dire que d’un strict point de vue de l’agencement de ses éléments, ce pourrait même paraître brillant...

- Merci du compliment. J’allais te faire les mêmes et je te promets que je suis sincère…

- Non, attends, j’avais pas fini… mais à la fin, tout ce boulot, comment tu le justifies ? Ca raconte quoi vraiment, ton film, au-delà de son strict scénario, je veux dire ?...

- Tu veux dire, quel point de vue sur ce que je montre ? Oh, ça, bof… C’est des vieilles questions de prof. Et puis, honnêtement, je pourrais te poser la même question.
(Un ange passe)

Qu’est-ce qui m’intéresse ? Peut-être la même chose que toi, au fond….

- C’est-à-dire ?

- Tout ce travail de simulation du réel, d’immersion dans une boîte noire, dans un de ces lieux dont on parle sans cesse au JT ou dans les journaux, mais dont on n’a aucune idée de la façon dont il fonctionne. Et puis au bout d’un moment, je sais pas si toi, ça t’as fait la même impression, mais j’ai vu que ça fonctionnait tout seul, comme un petit théâtre mécanique.

- Ah oui, complètement, ça en devenait fascinant ou plutôt on voit bien qu’au bout d’un moment les films ne tiennent plus que par leur propre fascination devant les méthodes et le système qu’ils ont mis en place.

- Oui, c’est ça. J’ai mis en place un petit théâtre pour monter et de démonter des mécanismes de pouvoir, de soumission, de domination…

- Oui, enfin, parle pour toi ! Moi, mon film, il parle plus de la difficile pratique de la démocratie, toi tu te complais dans un système féodal.

- Oui, mais dans l’un comme dans l’autre, ça reste une question d’apprentissage : des codes de conduite et du langage.

- Oui, c’est ça, moi, je montre la prison comme une école et toi l’école comme une prison.

- Pas faux… Ben dis donc… L’école, la prison… Le film français de l’année prochaine, ce sera celui sur l’hôpital, alors ? (rires communs)

- Oui, en même temps, nos taules, ma prison, ton bahut, ce sont aussi des hostos.

- Ah bon ?

- Ouais, des hostos qui tournent pas rond, des hostos où on chope des maladies nosocomiales, où tu ressors plus malade que tu n’y es rentré. A la fin de l’année, la gamine dit qu’elle n’a rien compris à ce qui se passe, elle a l’impression d’être plus bête en juin qu’en septembre.

- Et toi, à la fin de sa peine, le type ressort en crapule dix, quinze, vingt fois plus grosse…

- … que quand il était rentré.

- Nous voilà bien ! Pas très encourageant sur l’état de notre belle République, tout ça ! Heureusement qu'on n'a pas fait notre promo là-dessus. Mais on ne va pas déprimer tout le monde si on leur dit ?

- Je crois pas ! Tout le monde les adore, nos films, au contraire ! Les spectateurs doivent s’y reconnaître ou s’identifier. De toute façon, c’est pas vraiment comme ça que ça se passe en vrai.

- Attends toi aussi, tu leur as fait le coup du : « ne me ressortez pas le film phénomène de société ! » dans toutes tes interviews alors que dans le même temps, le film fournissait le prétexte idéal à quantité d’articles dans les news magazines.

- Ben oui, qu’est-ce que tu crois ? Et tu vois que ça marche toujours !

- Yep ! Tant que ça fonctionne comme dit l’ami Woody, on prend les paris pour les Oscars (les Césars, c’est déjà dans la poche)…

lundi 5 octobre 2009

Suggestion au management de France Télécom

"Building 100% suicide-proof". Il est fort peu probable qu'un promoteur vende des locaux à une entreprises avec un tel argumentaire, encore moins qu'un architecte en fasse une ligne de conception de l'un de ses projets. C'est pourtant comme tel que le dernier projet de Richard Meier, l'immeuble Balthazar à la sortie du RER B à Saint-Denis est désormais présenté. Il est vrai que son locataire a été dernièrement sous les feux de l'actualité et pas pour la plus agréable des raisons, puisqu'il s'agit de France Télécom. Il est vrai que l'architecture de Meier (dont les oeuvres fameuses proches de nous sont le siège de Canal + et le musée d'art contemporain de Barcelone) se laisse souvent aller à un péché mignon : la promenade architecturale, déjà suspecte en temps ordinaire dans le monde du travail, mais qui, en ces temps dépressifs chez l'opérateur devient carrément bannie. Terrasses, passerelles, balcons, coursives, grand vide de l'atrium central ne sont plus vus comme des éléments d'animation des parcours, de respiration et de musicalité de l'espace, mais bien comme autant de pousses-au-crime. Bouchez-moi donc ces vides et rehaussez-moi ces rambardes, s'il vous plaît ! On ne sait à quel point ces "aménagements" portent atteinte au projet d'origine, mais vu de l'extérieur, c'est surtout le ridicule qui tue dans cette affaire.

Pour détendre l'atmosphère, nous ne pouvons que suggérer à l'encadrement de France Télécom d'expérimenter une autre méthode de management: celle de Michael Scott, le patron de la version US de The office, joué par Steve Carell (saison 6, épisode 1) :


Une méthode, qui contrairement à celle de France Télécom, demeure toujours à l'affût de nouveaux parkours dans l'architecture de ses bureaux (pourtant bien moins raffinée que celle de Meier), et surtout recycle les stages de motivation et de dépassement de soi en bonne cure de poilade : le meilleur moyen de ne pas vouloir en finir avec son boulot comme avec ses jours.

dimanche 4 octobre 2009

Quand Edouard et Alain...

... redonnent un coup de frais à l'art sinistré de la bande-annonce :


Et, malgré les apparences, un teaser pas si éloigné que ça du film : s'amuser, divaguer, digresser tout en défiant l'engrenage du compte-à-rebours, c'est exactement de ça dont il est question dans ces herbes folles...

PS : Un ami facebook remarque fort pertinemment que cette autre version peut aussi être vue comme une variation sur le paradoxal "remerciement aux techniciens" qui fut avorté lors du palmarès cannois. Herbe coupée sous le pied repousse toujours ailleurs ?

jeudi 1 octobre 2009

Surveillance

Mais enfin, qui regarde ces images ? Qui ne s'est pas posé la question quand il a aperçu une caméra de surveillance dans la rue ? Qui ne s'est jamais demandé où finissaient ces milliers d'heures de rushes ainsi enregistrés ? Qui ne s'est jamais demandé si cette masse informe pouvait trouver un sens par la grâce du montage ? Comme élément de réponse, j'ai découvert récemment cet extrait :


Der Riese ("le géant") - Michael Klier 1982

Longue installation (82 minutes) entièrement composée d'images produites par des "überwachungskameras" (c'est tout de suite plus flippant en allemand). Un "Berlin symphonie d'une grande ville avec la police à la caméra et Michel Foucault au montage", il suffisait d'y penser, c'est vrai. Il n'y avait qu'à se pencher pour ramasser et assembler ces images sans auteur, comme autant de fragments d'une musicalité urbaine quotidienne et ininterrompue, maintenant que les systèmes de vidéo-surveillance généralisent le ciné-oeil, forçant les noces de Dziga Vertov et de Mabuse.
Au vu de ces quelques minutes où la fascination cède vite la place à une certaine monotonie, on se demande tout de même si un tel projet tient sur la longueur d'un long métrage. Certes, la dramatisation musicale parvient à donner une certaine densité à ces images apparemment neutres, à transformer n'importe quel quidam ou véhicule passant dans le champ en suspect potentiel, mais l'impression qui demeure est celle d'un bégaiement, d'une introduction cinématographique qui n'en finirait pas de commencer, d'une mise en place étirée par le nappage musical, condamnée au perpétuel surplomb et ne rentrant jamais dans les détails.

Exactement le contraire, en somme, de la célébrissime séquence d'ouverture de Conversation secrète (Francis Ford Coppola 1974) :

... où l'oreille scrute en même temps que l'oeil, où les mises au point sont avant tout auditives avant d'être visuelles. Ecoutez et regardez comme les zooms, les rapprochements, les gros plans sont d'abord guidés par les sons avant d'être précisés ou nuancés par les images. Les sons imprécis de la ville et les parasitages participent à la musicalité de l'ensemble, une musicalité faite aussi d'allers et retours entre le général et le particulier.

De la musique et de la vidéo-surveillance, tout cela rappelle ce clip...

... dont la légende (profiter des 80 caméras de CCTV pour se filmer à moindres frais dans tous les endroits de la ville et récupérer les images, comme la loi l'autorise) est plus belle que la réalité (un projet à moitié bidonné apparemment), mais qui apporte enfin la réponse à la question que tout le monde s'est posée : mais enfin, qui regarde ces images ? Et bien, les seuls que ça intéresse, ceux qui sont filmés dedans. Mabuse n'a plus le temps.