jeudi 7 janvier 2021

Le temps de la tristesse

 Au bout de la table, il y a lui qui débarque et qui met l'ambiance :

A nos amours (Maurice Pialat 1983)

A l'autre bout de la table, il y a elle qui est la seule à lui répondre, à le reprendre de volée même : 

Twin Peaks - saison 1, épisode 3 - (Mark Frost, David Lynch, Harley Peyton 1990) 

Je recopie le texte parce qu'il est tellement beau : 

"There is a sadness in this world, for we are ignorant of many things. Yes, we are ignorant of many beautiful things - things like the truth. So sadness, in our ignorance, is very real.
The tears are real. What is this thing called a tear ? There are even tiny ducts - tear ducts - to produce these tears should the sadness occur. Then the day when the sadness comes - then we ask : "Will this sadness which makes me cry - will this sadness that makes my heart cry out - will it ever end ?"

"The answer, of course, is yes. One day, the sadness will end."

Alors, est-ce que c'est notre ignorance qui nous rend tristes ? Notre inadaptation à la "vérité" ? Il semble, au contraire, que la quête de Pialat, c'est précisément une forme de "vérité" dans les rapports humains, vérité toujours imparfaite, partielle évidemment. De fait, cette quête par essence inaboutie, ne peut qu'entraîner à la fois une plus grande lucidité et un sentiment d'incomplétude. Est-ce mélange qui fait dire que "la tristesse durera toujours" ? 
La Log Lady prend le problème dans l'autre sens. Quand la tristesse arrive, elle est aussi porteuse d'une bonne nouvelle. Quand on entre dans le tunnel, on en voit le bout. Et sans doute, la "fin de la tristesse" ne peut être que temporaire, comme les sourires en coin, les fossettes éphémères et plus largement les séquences radieuses d'A nos amours, dont le souvenir apporte un éclairage oblique aux moments de crise.    

Somme toute, Pialat et Lynch (même si dans l'économie de la série, impossible de savoir s'il a précisément écrit ce monologue, puisque pas crédité comme scénariste de l'épisode) ne sont pas si différents. La tristesse, elle peut passer mais on ne peut pas s'en débarrasser comme ça. La preuve, avec ce mot de la fin, dont la malice fait du bien, ces temps-ci : 


Tiens, d'ailleurs, est-ce que les 200 (et plus) Weather Reports de Lynch peuvent se comparer aux notations météorologiques sur 30 ans (et plus) des Carnets d'Ozu ? 

Bonne nouvelle...

 ... le cinéma va repartir.

Enfin, pas tout de suite, on s'en doute.

Si l'on en croit la série post-Brexit Years and Years (Russel T. Davies), voilà où en sera dans les prochaines années : exacerbation de toutes les crises actuelles (financières, migratoires, climatiques), conflits armés qui ne reculent plus devant le nucléaire, triomphe planétaire des populismes et des politiques répressives, addiction aux technologies. Au milieu de ce riant tableau (puisque la série réussit quand même à être drôle avec une forme d'ironie à la fois grinçante et légère, qui rappelle les romans de Jonathan Coe), le cinéma paraît miraculeusement épargné (il faut dire que la série n'avait rien prophétisé de la pandémie). Et l'on glisse donc (dans l'épisode 3) des nouvelles du cinéma en 2026 : 



Miam, ça donne envie. Vivement 2026 pour le retour dans les salles. C'est rassurant de savoir qu'en ces temps si troublés, Pixar sera toujours là pour illuminer nos grands écrans, et que l'exception Soul sur Disney + (que je n'ai toujours pas vu) n'aura pas fait jurisprudence.   

Spoiler : Woody "finit entièrement cramé" à la fin de Toy Story Resurrection. Mais bon, il devra bien revivre à la faveur d'un spin-off.