SI LE CINEMA, C'EST...
…. RESSENTIR ET PARTAGER toute la complexité des émotions vécues durant toute leur vie par des êtres si éloignés de nous et pourtant rendus de nous si proches durant le temps d’un long-métrage, alors :
Or : La graine et le mulet d’Abdelatif Kechiche
Argent : I don’t want to sleep alone de Tsaï Ming Liang
Bronze : Lettres d’Iwo Jima de Clint Eastwood
Or : Paranoid Park de Gus van Sant
Argent : Lumière Silencieuse de Carlos Reygadas
Bronze : 4 mois, 3 semaines, 2 jours de Cristian Mungiu
…. SCRUTER ET PEINDRE dans le même mouvement les grandes mutations d’une culture et d’une société comme les variations les plus sensibles de l’intime, alors :
Or : Still Life de Jia Zhang Ke
Argent : Les Climats de Nuri Bilge Ceylan
Bronze : Syndromes and a century d’Apichatpong Weerasethakul
… VIVRE une cure de jouvence à l'unisson du regard des plus de 50, 60, 70, 80 et même 90 ans qui transmettent ad libitum leurs émois de jeunesse, alors :
Or : Belle Toujours de Manoel de Oliveira (pour la jouisseuse gaillardise)
Argent : Les amours d’Astrée et Céladon d’Eric Rohmer (pour la charmante concupiscence)
Bronze : Control d’Anton Corbijn (pour le rimbaldisme rock)
… JOUIR sans entrave d’un scénar de série B à Z transcendé par la flamboyance de la mise en scène, alors :
Or : Election 2 de Johnnie To
Argent : Planète Terreur de Robert Rodriguez
Bronze : Boulevard de la mort de Quentin Tarantino (trop sympa le Quentin qui sait bien que son film est meilleur, mais qui laisse son brother monter une marche plus haut que lui)
Réclamation rejetée par les commissaires de course : James Gray, quoi James Gray ?
Contrôlé positif à l’EPO: Paul Greengrass (seule la cocaïne de Quentin est tolérée dans ce genre d’épreuve)
… PARIER sur des nouveaux noms, dont on attend une confirmation prochaine, alors…
Or : California Dreamin’ de Cristian Nemescu (premier film d’une rare ampleur, sortie le 2 janvier, qui ne sera malheureusement pas suivi d’autres, le réalisateur ayant succombé à un accident de voiture)
Argent : La visite de la fanfare de Eran Kolirin
Bronze : El Custodio de Rodrigo Moreno
Argent : Les LIP, l’imagination au pouvoir de Christian Rouaud
Bronze : La Commune, Paris 1871 de Peter Watkins (film certainement fastidieux et critiquable, mais film qui bien que pas de cette année évoque assez bien la France sarkozyste)
… SE FAIRE DES PETITS PLAISIRS avec des films caramel pour combattre le spleen du dimanche soir et se rendre compte que derrière leurs aspects de sucrerie, ces petits films révèlent un soupçon de profondeur ou de gravité que l’on n’attendait pas, alors :
Or : Le come-back de Mark Lawrence
Argent : Delirious de Tom Di Cillo
Bronze : Un baiser s’il vous plaît d’Emmanuel Mouret
- Catégorie « justesse d'une symphonie collective » : les acteurs de La graine et le mulet.
- Catégorie « quand je rencontre un cinéaste, je deviens un grand acteur » : Viggo Mortensen dans les Promesses de l’Ombre et Do-Yeon Jeon dans Secret Sunshine (Lee Chang-Dong)
Inland Empire de David Lynch, L’homme sans âge de Coppola, I’m not there de Todd Hayes, L’homme de Londres de Bela Tarr, Promets-moi d’Emir Kusturica, Mister Lonely d’Harmony Korine. Par indulgence coupable, My blueberry nights de Wong Kar Wai échappe de justesse à cette infamante catégorie.
MAIS POUR NE FACHER PERSONNE, FINISSONS AVEC TOUT UN TAS D'ACCESSITS :
ainsi que:
- Meilleurs films qu’on aurait aimé aimer davantage : Honnor de Cavalleria (Albert Serra) et Le metteur en scènes de mariages (Marco Bellochio).
- Meilleurs films dont on n’ose pas trop dire sur ce blog qu’on les a aimés de peur de se faire allumer par les autres blogueurs : Le direktor (Lars von Trier) et Les chansons d’amour (Christophe Honoré)
- Meilleur film court qui réussit mieux en un quart d’heure ce que Christophe Honoré tente en une heure et demie (le chagrin de la jeunesse qui fuit, le godardisme, les mélodies du cœur et les mots du cul, le dialogue avec les défunts et puis la même reprise de Lio) : Entracte de Yann Gonzales
- Meilleurs films français où sur le générique de fin, on est enfin récompensés avec une superbe chanson alors qu’on a dû se taper des acteurs qui chantaient comme des casseroles pendant une heure et demie : Les Chansons d’Amour (où Barbara nous venge d’Alex Beaupain) et La France (Serge Bozon).
-Meilleur film français qui cumule tout ce qui agace dans le cinéma français (sauf cette manie de faire chanter ses acteurs) mais qui ne s'en sort pas si mal: Actrices (Valeria Bruni Tedeschi)
- Meilleurs films dont on n’ose pas trop dire sur ce blog (toujours de peur de se faire allumer par les autres blogueurs) qu’on a beau les avoir trouvés très aboutis, très intéressants, très maîtrisés, il m’a manqué un petit quelque chose pour qu’ils me convainquent vraiment, totalement : Ne touchez pas la hache (Jacques Rivette) et La fille coupée en deux (Claude Chabrol).
- Meilleurs films que tout le monde (même la critique) aime et moi donc : Perspepolis, La vie des autres et Ratatouille.
- Meilleur film que personne n’aime (sauf la critique), mais moi si : La question humaine (Nicolas Klotz)
- Meilleurs films que tout le monde (même la critique) aime, mais moi bof : La nuit nous appartient (James Gray) et De l’autre côté (Fatih Akin).
- Meilleur film arty qui s'il sortira un jour en France sera la preuve que les Cahiers servent encore à quelque chose : A short film about the Indio Nacional (Raya Martin)
- Meilleur film que je n’ai aucune envie de voir, malgré la tonne de critiques dithyrambiques : Charly (Isild le Besco)
- Meilleur sujet de thèse ou d'article improbable pour critiques en mal de théorisation à partir de films qui n’ont rien à voir les uns avec les autres si ce n’est d’être sortis en 2007 : « Images, discours et métaphores de l’opposition masculin / féminin dans Boulevard de la mort, La graine et le mulet, En cloque mode d’emploi, Une vieille maîtresse et Alexandra ».
- Meilleurs morceaux de bravoure à sauver dans des films qu’on n’a pas aimés : l’attaque du train de L’Assassinat de Jesse James… (Andrew Dominik), la séquence de la traque dans Waterloo Station de La vengeance dans la peau, la poursuite sous la pluie de La nuit nous appartient, le plan-séquence d’ouverture de l’Homme de Londres (Bela Tarr)
- Meilleur souvenir de projection qui rachèterait presque la déception du film : le parfum de ma voisine pendant Inland Empire, si capiteusement lynchien.
- Meilleur film où l’on s’est endormi : Retour en Normandie (Nicolas Philibert)
- Meilleur film où l’on croit avoir dormi, mais en fait pas tant que ça, tellement il ressemble à un rêve : Alexandra (Alexandre Sokourov)
- Meilleur film sur lequel j’ai entendu tout et son contraire : Faut que ça danse ! (Noémie Lvovsky) Du coup, faut que j’y aille ! pour me faire mon avis.
- Films les plus surestimés de l’année : Impossible de départager la partie de bonneteau cinématographique de La vengeance dans la peau (Paul Greengrass), le décalque garrellien teinté de Françoise Dolto de Tout est pardonné (Mia Hansen Love) et le téléfilm arty Old joy (Kelly Reichardt)
- Film le plus sous-estimé de l’année : Planète terreur (Robert Rodriguez)
- Meilleur film scolaire réalisé par un premier de la classe qui sait toujours bien placer sa caméra bien comme il faut : Raisons d’Etat (Robert de Niro).
- Meilleur film réalisé par des non-cinéastes qui savent même pas tenir une caméra : Substitute (Vikash Dhorasoo et Fred Poulet)
- Meilleur film déjà oublié d’un cinéaste dont les précédents films étaient pourtant inoubliables : Le vieux jardin (Im Sang Soo)
-Meilleur film pas vu d'un cinéaste dont a vu et adoré tellement de films : Le rêve de Cassandre (Woody Allen)
- Meilleur film d’un cinéaste dont on n’avait pas trop aimé les autres films : Une vieille maîtresse (Catherine Breillat), crédité également du meilleur casting improbable.
- Meilleur cinéaste dont on n’attendait plus rien et qui a enthousiasmé avec deux films cette année: Sydney Lumet pour The Offence (1972) et 7 h 58… (série B et tragédie familiale bien plus convaincante que La nuit nous appartient).
- Meilleur court-métrage rallongé en long, la preuve le titre est presque plus long que le film : Le quatrième morceau de la femme coupée en trois (Laure Marsac)
- Meilleurs courts aussi fournis que des longs : Primrose Hill (Mikhael Hers) et Roc et Canyon (Sophie Letourneur)
- Meilleur film auquel on aurait bien rajouté une bobine : Belle toujours (Manoel de Oliveira)
- Meilleur film qu’on rêvait de voir depuis des années et qu’on a enfin vu en 2007 : L’esprit de la ruche (Victor Erice)
- Meilleur film qu’on rêvait de voir pendant tout 2007 et qu’on ne verra qu’en 2008 : En avant jeunesse ! (Pedro Costa)
- Meilleur film vu en 2007 et qui sera, à coup sûr, dans tous les palmarès 2008 : No country for old men (Ethan et Joel Coen)
- Meilleur film loupé en salle et dont on attend la sortie du DVD en 2008 avec impatience : Super les boules d’avoir loupé Supergrave (Gregg Mottola).
- Meilleur film pour nerd qui sortira jamais en France : Dai Nipponjin (Hitosi Matumoto)
- Meilleurs films qu’on attend de voir en 2008 pour savoir enfin s’ils seront excitants ou des francs ratages : Houellebecq derrière la caméra, Bégaudeau devant, Delon chez Johnnie To, le film collectif de Gondry, Bong Joon-Ho et Carax sur Tokyo.
- Meilleurs films loupés en salle et qui auraient sans doute ravi la face perverse de ma cinéphilie : Steak (Quentin Dupieux) et Sa majesté Minor (Jean-Jacques Annaud).
- Meilleurs débuts de films 2007 : ex æquo la première séquence des Promesses de l’ombre et les cinq minutes sur le ciel crépusculaire de Lumière silencieuse.
- Meilleures fins de films 2007 : l’aspiration des fumées et des sentiments suivi de la séance d’aérobic dans Syndromes and a century, le dîner de 4 mois, 3 semaines, 2 jours, le dernier plan d’ I dont want to sleep alone et les cinq minutes sur le ciel crépusculaire de Lumière Silencieuse.
- Meilleurs bonus DVD inclus dans un film : la bande-annonce de Machete au début de Planète Terreur (Robert Rodriguez)
- Meilleure coupure pub incluse dans un film : la pub pour la jaguar de Nathalie Portman dans My blueberry nights (Wong Kar Wai)
- Meilleurs titres de films pour commenter le 6 mai :
- Meilleurs titres de film sortis en 2007 dont devrait s’inspirer la gauche en 2008 : Ensemble, c’est tout (marchera peut-être mieux que le « tous ensemble, woué, woué » de Ségo), J’attends quelqu’un (Delanoë ?), voire Le come-back ( ? ? ?).
- Image 2007 la plus attendue et la plus inattendue à la fois :
« Au secours, la droite revient » de 1986 (Mais enfin, était-elle partie?)
- Meilleurs souvenirs crétins avec des peoples : mon autographe de Jim Jarmush à Cannes, puis le lendemain, être resté comme un con les bras ballants face à Leos Carax pendant deux minutes sans savoir quoi lui dire. Mon échec cannois à faire dédicacer la jaquette du DVD de Gerry par Gus van Sant.
- Meilleur people que j’ai croisé sans le reconnaître : Heureusement que T. était avec moi lors de cet après-midi ensoleillé rue Rambuteau pour m’informer que le malabar au crâne tatoué que nous venions de croiser était François Sagat, star du porno gay. Plus tard, en lisant Pascal Brutal (Riad Sattouf) une des meilleures BD de l’année, je me rends compte qu’il serait l’acteur idoine pour l’interpréter dans une prochaine adaptation, comme le montre le rapprochement photo ci-dessous :
BON, REVENONS A QUELQUE CHOSE DE PLUS SERIEUX ...
- Meilleures villes filmées : la ville de Still Life (Jia Zhang Ke), Kuala Lumpur dans I don’t want to sleep alone, et le New York de Spiderman 3 (Sam Raimi), mixte de la ville réelle et de son devenir parc d’attractions.
- Meilleur bâtiment découvert en 2007 qu’on espère retrouver un jour dans un film : le Mediacenter (Neutelings et Riedijk architectes) à Hilversum
- Phrase la plus triste de 2007 : « Il n’y aura plus jamais de film d’Edward Yang ». (Les derniers Bergman et Antonioni ne nous ont pas donné tant de regrets).
- Résolution 2008 : La même que celle jamais tenue en 2007, 2006, 2005, 2004, 2003, 2002, 2001, 2000, 1999, 1998, 1997 and so on: « Cette année, bordel, je fais un film ! ».
- Meilleur moyen de conclure cette interminable litanie : Distinguer (quasiment) tous les films vus en 2007, ce n'est après tout qu'une forme d'hommage au disparu de l’année et surtout à sa phrase fétiche :
TOUT LE MONDE A GAGNE !
Ce à quoi, la loseuse de l’année rétorquerait …
CE QUE JE VEUX, C'EST UN CINEMA GAGNANT - GAGNANT !
Et à les voir, ces deux-là, je me rends compte à l’instant du nombre de points communs qu’ils partagent : bras ouverts, souverains, face à la foule, tous les deux persuadés que toute la France les adore et puis notre Président honni comme ennemi juré commun. Ils avaient peut-être de quoi tomber dans les bras l’un de l’autre. Un rendez-vous manqué de plus, alors ? Mouaif… Pas sûr que même Wong Kar Wai parvienne à rendre crédible cette rencontre qui devait mais qui n’a pas eu lieu.