mardi 31 juillet 2007

Attendre toute une vie chacun de son côté et c'est l'éternité qui arrive à la fin (trois fois)

In the mood for love (Wong Kar Wai 2000)

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To wait an Hour – is long –
If Love be just beyond –
To wait Eternity – is short –
If Love reward the end –


Attendre une Heure –est long –
Si l’Amour est en vue –
Attendre l’Eternité –est bref –
Si l’Amour –est au bout –

Emily Dickinson (1864-65)

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L'Eclipse (Michelangelo Antonioni 1962)

Fiction versus documentaire : Playtime (1967) versus Forza Bastia (1978)

Au centre, Mon oncle (Jacques Tati 1958). A droite et à gauche, Forza Bastia (Jacques Tati 1978)
Et si Jacques Tati était le chat noir du Sporting Club de Bastia (et plus largement du football français qui dut attendre 1993 pour enfin remporter une Coupe d’Europe) ? Car à voir, Forza Bastia, documentaire de commande autour de la finale de la Coupe de l’UEFA disputée (et perdue suite à un piteux match aller dans la gadoue) par le club corse en 1978, on a vraiment l’impression que les évènements captés façon reportage ont été orchestrés par l’horloger du burlesque. Comme tous les films de Tati, Forza Bastia montre une mécanique qui se dérègle, à coups de très légers décalages qui tombent fort mal pour les protagonistes du film, mais fort bien pour le réalisateur et ses spectateurs.

Right man at the right place but in a wrong situation, Tati a sans doute secrètement béni les dieux pour le déluge tombé deux heures avant le coup d’envoi et surtout pour que l’arbitre ne reporte pas le match. Si l’inauguration du restaurant Royal Garden de Playtime et cette finale avaient été repoussées de 24 heures, les choses se seraient sans doute mieux passées, mais il n’y aurait pas eu de gags, et partant, pas de film.

Forza Bastia, c’est « 24 heures de la vie d’une préfecture», jumelle insulaire du Saint-Maur de Mon oncle, mais qui vit sa journée sur les mêmes soubresauts que la métropole de Playtime. Matinée calme, journée bon enfant jusqu’à que ce que tombent la nuit, le déluge et que tout se dérègle, petit à petit mais en impliquant de plus en plus de monde.

Le burlesque du match dans la gadoue et des ballons bloqués dans les flaques d’eau intéresse finalement peu Tati. Ce qui porte réellement sa marque, c’est exactement comme dans Playtime la captation du rythme de la ville et cet aller-retour entre ce que la foule impose et ce que l’individu peut encore inventer. Incroyable de voir comment tout est purement documentaire et pourtant tout teinte nettement Tati.

Cette façon de scander le temps par le rythme des déplacements, cette fascination pour le manège des voitures et le du cortège mécanique.

Cette dérisoire application des gestes absurdes de la réparation, tout autant Shadocks que Sisyphe.
Le stade de Bastia, comme le restaurant de Playtime sont les lieux vers lesquels toute la ville converge. Arches bien trop petites pour accueillir toute la ville, mais où il est impossible d’y refuser du monde.
Et puis, même si ça craque de tous les côtés, chacun trouvera toujours son propre recoin, son isola à s’approprier où faire semblant de rester insensible à la cacophonie alentour.

Même si Forza Bastia n’est peut-être pas autre chose qu’une note de bas de page au bas d’une filmo chiche mais exemplaire, il éclaire d’un jour assez singulier la dite filmo. Comme si, pour la toute dernière fois où il touchait une caméra (et la toute première où il s’essayait au documentaire), Tati tenait à prendre l’exact contre-pied de sa maniaquerie, de sa démesure sublime qui fait de Playtime à la fois un aboutissement et une malédiction. Au diable, les décors pharaoniques, la maniaquerie des cadres, les mouvements de foule chorégraphiés, le tournage interminable au rythme d’un plan par jour et pour une fois, libérons-nous de notre phobie de chef d’orchestre des corps et des mécaniques, soyons heureux de fureter et d’attraper au vol. Méthodes de travail radicalement différentes, films dont la facture est a priori aux antipodes pour finalement constater une persistance de propos et de regard, qui dépasse le contexte des films.

Bien la preuve qu’il n’y a pas d’épiphanie du documentaire et que quand le réel croise l’œil d’un cinéaste, c’est toujours ce dernier qui le tord à sa manière.

Pour les photogrammes, à droite, c'est Playtime et à gauche, c'est Forza Bastia, mais nos fidèles lecteurs auront rectifié d'eux-mêmes.

Les danseurs sont dans la rue

Mercredi dernier, pas pu être à Paris pour voir la performance chorégraphiée par Willi Dorner Bodies in Urban Spaces.

Elle était reprise dimanche dernier dans le village et le parc du château de Chamarande (Essonne). Mais là encore, arrivé en retard et pas pu voir ces chorégraphies immobiles, ces « sculptures corporelles », ces « compressions humaines » et autres « steaks » suivant la terminologie des figures du chorégraphe.


Arrivé juste à temps pour le solo final.

Danse contact zen, tasseau de bois toujours tangent avec le corps de la danseuse. Hula-hop ralenti et rectiligne. Danse contact zen et découverte d'un nouveau lieu de villégiature. Parfait pour un dimanche de retour.

(Photos : Nicolas Monnot, Archivox dont je vous recommande le blog en lien)

samedi 21 juillet 2007

Quatre courses romantiques

Chungking Express (Wong Kar Wai 1995)
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Mauvais Sang (Leos Carax 1986)
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Rysopis - signe particulier néant (Jerzy Skolimowski 1964)

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You were all I thought, all hopes never met
One special goal I could never forget
But now I’m really losing you
And there is nothing I can do.

I must run, I must run,
I must get away
I must run to forget
And be happyyyyyyyyyyyy agai-ai-ai-ai-ain.....

I must run (Phil ant the Frantics 1966)

Vivere est non necesse....

En haut, Jerzy Skolimowski dans son film Haut les mains (1967) et en bas une toile du même Jerzy.
Suite à l’un des mes premiers billets sur ce blog concernant le méconnu Walkower de Jerzy Skolimowski, j’ai été contacté par Damien Bertrand pour qu’il me montre ses documentaires Andrzej Trzaskowski, le cerveau du jazz polonais (compositeur des musiques des premiers films de Sko) et surtout Contre la montre, Skolimowki, peintre, poète et cinéaste .
Tout autant que la longue interview qui sert d’armature au documentaire, ce sont les extraits de films, les peintures et les poèmes qui dessinent la personnalité de l’éternel adolescent du cinéma polonais. S’il n’a plus tourné depuis quinze ans, la peinture lui permet d’expérimenter ses formes (une trajectoire qui rappelle le récent tournant de Lynch) et surtout d’être fidèle à sa devise :
Même sans être latiniste, j’ai cru comprendre : « vivre n’est pas nécessaire, c’est naviguer qui l’est ». Ainsi, la navigation entre les arts succède à la navigation entre les pays et au mouvement de ce cinéaste saltimbanque qui, après avoir été chassé de Pologne après son hold-up perdu de Haut les mains en 1967 a tourné en Belgique, en Allemagne, en Angleterre, en Italie, aux Etats-Unis, en produisant une lignée de films toujours baignés par l’inventivité de l’urgence.

A propos de navigation, je me souviens que Le couteau dans l’eau, premier film et huis clos maritime de Polanski (1962) était co-scénarisé par Skolimowski. J’ai cru reconnaître sa patte dans ce bref moment, où le héros en équilibre….
... paraît marcher sur l'eau.
Un cinéma de navigateur équilibriste et illusionniste, belle définition finalement des films de Skolimowski.

vendredi 20 juillet 2007

Egérie

Une photo volée de Caroline de Bendern, aka « Marianne de Mai 68 », prise le 13 mai 1968 aux abords de la Place Denfert-Rochereau à Paris.

Une autre photo volée de la même Caroline de Bendern, prise 39 ans et 3 mois plus tard, le 13 juillet 2007 dans le hall du British Film Institute à Londres.

Rencontre avec un personnage historique qui est aussi (pour moi) un personnage de fiction. Il y a trois ans, j’avais écrit un scénario imaginant la vie de la « Marianne de Mai 68 » après cette photo. Peu de chances que le film se fasse un jour. Encore moins qu’elle se reconnaisse dans ce scénario si elle le lit, car ce que j’ignorais, c’est que l’égérie était aussi réalisatrice .

Après 68, il fallait partir, direction Zanzibar . A la fois horizon rimbaldien, destination mythique et nom du collectif de dandys, poètes, cinéastes (Garrel en compagnon de route) au sein duquel Caroline de Bendern réalisa en 1971 son film A l’intention de Mademoiselle Issoufou à Bilma (ça, c’est du titre, mes amis !). C’est ce film-là qu’elle venait présenter la semaine dernière à Londres.

Carnet de voyage foutraque et attachant d’un périple qui s’est arrêté au Niger avant d’arriver à Zanzibar, ... Mademoiselle Issoufou… n’a sans doute pas la force des films de Pasolini tourné en Afrique à la même époque. Il paraît manquer de la limpidité propre aux films de Jean Rouch tournés dans le même pays. Pourtant, à l’instar des films de Rouch, il s’attache à nous faire « croire à la croyance de l’autre », et comme les documentaires de l’insurgé italien, il s’attache à restituer une culture locale dans toute son entièreté, en évacuant tout pittoresque. C’est particulièrement frappant au cours de scènes de danses où les parures, les maquillages et les mouvements des corps participent de rituels d’une évidente dimension syncrétique.

De ces images semble naître la bande-son : des extraits de l’album Moshi de Barney Wilen enregistré au cours de ce même voyage. Comme rarement au cinéma, la musique semble sourdre des images au lieu de paraître plaquées sur elles. En cela, le voyage en Afrique, le chemin vers Zanzibar, bien plus qu’une fuite de la civilisation devient une quête sonore.

jeudi 19 juillet 2007

The most beautiful building in London

Quelques jours de bamboula dans la capitale anglaise la semaine dernière... ... et, pour la première fois dans mes fréquents séjours londoniens, oublié de passer devant l’un de mes bâtiments préférés : The Economist Building d’Alison et Peter Smithson .

Pas grave, il me reste le début de Blow up (Michelangelo Antonioni 1966), le meilleur document sur ce bâtiment qui hybride la construction métallique et les massifs blocs de pierre, la transparence du verre et les fossiles minéraux (quand on s’approche, on voit des coquillages dans la pierre). Et puis, dans cet étonnant espace urbain, cette sorte de place italienne en miniature, la belle impression de se retrouver dans une toile de Chirico en trois dimensions. L’alliance des vestiges et du contemporain.

Another beautiful building in London

Quelques jours de bamboula dans la capitale anglaise la semaine dernière et visite de l’étonnant Laban Center de Herzog et de Meuron . (Allez sur les sites pour voir de meilleures photos).

A l’extérieur comme à l’intérieur du bâtiment, tout est concavité. Dehors, la façade semble avoir retrouvé le secret de la fabrication des arcs-en-cieux (pas sûr que les photos rendent le miroitement de ces matières). Dedans, subtil jeu de rampes et d’ondulations du sol qui louvoie entre les salles de danse, le théâtre et la bibliothèque. Mais le plus étonnant de ce bâtiment reste cet effet miroir qu’il se renvoie à lui-même et à la ville. Suivant les angles du regard, le bâtiment apparaît comme une lame qui laisse filer le ciel....

... ou comme un prisme qui révèle son contexte.A l’angle, le bâtiment diffracte son propre reflet (à gauche) ou alors renvoie l’image d’un Londres en chantier et en mutation (à droite). Bâtiment emblématique d’une période de la ville où, quel que soit le quartier, une tour en chantier est toujours présente dans notre champ de vision.

mercredi 18 juillet 2007

The snuff book

D’autres images pirates que la vidéo de Ben Laden agitent le Net ces derniers jours et mettent sur les dents les Experts CSI et Scotland Yard au grand complet. De ces images, voilà la première de la série :

Le prochain Harry Potter, photographié page par page et disponible à la lecture une semaine avant la date de sortie officielle, samedi prochain. Le plus surprenant, ce n’est pas tant que l’œuvre soit disponible par les voies détournées du Net, c’est qu’elle surgisse sous sa forme physique. Ce n’est pas un fichier Word ou des pages scannées qui circulent, mais bien une suite de 300 photos (une à chaque page tournée) qui met en scène le livre comme objet de convoitise, d’envoûtement voire de maléfice : un trésor et un grimoire. Belle revanche (ou pied de nez ou baroud d’honneur ?) de Gutenberg sur le Réseau virtuel.

L’amateurisme de cette image intrigue. Sur quoi le livre est-il posé ? Sur un bureau ou sur la moquette de chez mamie ? Et surtout, à qui appartient cette main ? Son inconscient propriétaire n’est-il pas au courant que les Experts CSI peuvent lire ses empreintes digitales grâce à leurs agrandissements numériques XXXXXXL de n’importe quelle image JPEG ? Pourquoi n’a-t-il pas mis des gants blancs de majordomes, ce qui, en plus de lui donner un répit certain du côté des poursuites, aurait rajouté une classe supplémentaire à cette cérémonie des pages tournées. Parce que, quand on y pense, ces images sont d’un cheap. Par terre, le dernier Harry Potter ? Même pas digne d’un bureau ? Et puis qui arrivera à lire 600 pages sur un écran ? Un poil mieux scénographiée, cette suite de photos aurait pu être la célébration idéale de la lecture comme cérémonial.

Oui, quand j’y repense, l’endroit idéal où aurait dû atterrir le dernier Harry Potter, c’est bien le bureau de Brian O’Blivion, le « prophète des médias » de Videodrome (David Cronenberg 1982). Dans ce film qui avait prophétisé M6, meetic, le peer to peer, le hacking et autres joyeusetés technologiques, O’Blivion n’apparaît que par écrans interposés en grand ordonnateur de la fiction, pour balancer ses images sulfureuses et interdites, dont lui-même est la première victime.

C'est sûr. Tant qu’Harry Potter reste un livre interdit (pendant encore deux jours), il doit trôner au milieu de son beau bureau en boiseries. Là, il serait traité avec tous les honneurs dus à son rang. La vidéo interdite idéale, le prochain programme de Videodrome, ce pourrait être celle d’O’Blivion qui, de sa belle voix grave, nous ferait la lecture de ce livre interdit. Dans un geste régressif, nous l’écouterions le soir pour nous endormir. Nous le regarderions tourner les pages munis de ses gants blancs et nous repenserions à la dimension psychanalytique des contes et des récits gothiques et à ce que Cronenberg aurait pu faire d’Harry Potter (mais serait-ce vraiment si intéressant). Alors là, peut-être, me serais-je intéressé à Harry Potter, parce que les bouquins des aventures du sorcier à lunettes, je n'ai jamais réussi à tourner leurs pages au-delà de la vingtième tellement elles me tombent des mains.

mardi 17 juillet 2007

Roc et Canyon de Sophie Letourneur (ce soir sur Arte à 00h30)

Format hybride (et plus d’une fois casse-gueule), le moyen-métrage paraît pour certains jeunes cinéastes un terrain d’expression où ils peuvent jouir à la fois de leur soif d’expérimentation tout en prenant le temps d’asseoir leur regard. Vus ces six derniers mois, L’opération de la dernière chance d’Antonin Peretjatko, Primrose Hill de Mikhaël Hers et Roc et Canyon de Sophie Letourneur constituent trois réussites plus qu’encourageantes et font même partie des vraies (et rares) bonnes nouvelles en provenance du « jeune cinéma français ». Ces trois films d’une durée oscillant entre 35 et 55 minutes, bien plus remplis d’idées et d’envie qu’un paquet de premiers films, révèlent de tels tempéraments qu’on a hâte que leurs auteurs passent au long sans rien perdre de leur verdeur et de leur singularité. J’espère avoir prochainement le temps de parler des films d’Antonin Peretjatko et de Mikhaël Hers à la faveur d’une prochaine diffusion salle ou télé, mais, galanterie oblige, et surtout parce qu’il est diffusé ce soir à 00h30 sur Arte (avant une sortie salles en novembre), c’est le film de Sophie Letourneur qui passe en premier.


Immersion dans une colonie de vacances, Roc et canyon dresse le tableau d’un apprentissage parfois douloureux des « règles du jeu » sociales et sentimentales à hauteur d’adolescent, quand les adultes sont maintenus à distance et explore de manière quasi documentaire le langage et le « body langage » adolescent jusque dans ses postures de gêne, de gaucherie et de timidité. Vous me répondrez que ce n’est pas le premier film à s’attacher à ces motifs (aussi rencontrés dans la BD Retour au Collège de Riad Sattouf), mais il le fait à la manière d’un jeu ou d’un pari d’adolescent, d’où son indéniable force. Ainsi, bien que scénarisé, le film a été tourné dans le cadre réel d’une colonie de vacances en respectant son déroulement et en restant attentif aux relations personnelles qui s’y nouaient. Ainsi, on imagine que le tournage du film n’a été que l’une des multiples « activités » (en plus du kayak, du paint-ball, du sport ou du karaoké vus dans le film) pratiqués par les adolescents pendant leurs vacances. Pourquoi les premières scènes, où les adolescents font connaissance les uns avec les autres dans un train, dégagent-elles une grande impression de vérité, qui ne se démentira jamais par la suite ? Est-ce parce que la grande majorité des rôles a été distribuée sur le quai de la gare, le matin même du départ ? Peut-être, mais pas seulement. C’est aussi parce que derrière ce geste (en gros, on sait vaguement vers quoi on va, mais c’est aux interprètes du film de montrer par quel chemin on va y arriver) se manifeste la confiance de la réalisatrice envers ses interprètes et plus généralement envers le cadre flottant du film -entre documentaire et fiction– qui prend forme au fur et à mesure sous nos yeux.

« Comment parle-t-on des sentiments et de ses rituels à tel ou tel âge de la vie ? » C’est finalement la question qui parcourt les trois films de Sophie Letourneur. Dans La Tête dans le vide ( photogramme ci-contre et lire ici la critique de quelqu’un qui a dû découvrir ce très drôle court-métrage à la même séance que moi au Festival de La Ciotat 2003), elle jouait elle-même avec ses copines (et sur la base de conversations enregistrées et rejouées) les atermoiements de celle qui « ne veut pas passer le coup de fil ». Dans Manue Bolonaise, l’amitié était auscultée sous l’angle des bavardages codés des gamines de 11 ans. Dans Roc et Canyon, finalement le moins bavard des trois, c’est plutôt l’impression d’âpreté qui domine. Apreté cinématographique héritée du cinéma direct (coups de zooms, gros grain et regards caméras) au diapason de l’âpreté de cet âge où les mots ne viennent pas toujours aisément et où les rituels de séduction obéissent autant (voire plus) à un passage obligé qu’à un élan sincère.

Un passage, un élan, une prise de risque, un jeu, un pari, un film en pleine adolescence. Voici encore quelques mots lâchés pour définir Roc et Canyon et sa fraîcheur matinée de rugosité. Dire qu’on attend la suite avec impatience est un euphémisme. On espère que la réalisatrice ne perdra jamais son goût du jeu et la belle confiance qu’elle donne à ceux qu’elle place devant la caméra.

La décroissance est dans la rue

mercredi 11 juillet 2007

Trois esquisses de rencontres

Tropical malady (Apichatpong Weerasethakul 2004)
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La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ;

Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

Un éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?

Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être !
Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais !

A une passante (Charles BAUDELAIRE 1857)

***

Quatre nuits d'un rêveur (Robert Bresson 1971)