Le plan-séquence virtuose – plus précisément le pénultième plan du film - de Profession Reporter (Michelangelo Antonioni 1975).
Une traversée du miroir : de l’intérieur vers l’extérieur,
avec la symétrie des premières et dernières images de part et d’autre de la
grille de la fenêtre.
Mais aussi une pure mise en mouvement de géométrie de l’espace :
une très lente avancée rectiligne, une prise d’élan au moment du franchissement
par la fenêtre, puis un majestueux mouvement circulaire dynamisé par la
convexité de la façade des arènes en arrière-plan.
L’Andalousie de 1975 (plus précisément, Vera, 70 kilomètres
au nord d’Almeria) était une forme de bout du monde. L’urbanité minimale
évoque, si l’on veut, un village de western : un monument (les arènes), un
hôtel isolé pour les âmes errantes, un croisement de routes et une vaste
étendue minérale tout autour. Un rapide coup d’œil sur Google Street View nous
apprend, sans surprise, que plus de 45 ans plus tard, les vides ont été
comblés. Les vues de la commune de Vera nous indiquent que les arènes sont
toujours là, que l’hôtel a été rasé, et que comme partout ailleurs a été
installé… un rond-point.
On peut se permettre de trouver ce rond-point un peu
plus particulier que les autres. S’il ne reste plus grand-chose du lieu tel qu’il
a été filmé à l’époque, ce sens giratoire est peut-être un hommage inconscient
à ce mouvement d’appareil qui a marqué l’histoire du cinéma.
Autre lieu à la fois mythique et complètement évaporé, le
décor des Amants du Pont-Neuf (Leos Carax 1991) dont on fêtera bientôt les
trente ans de sa sortie (enfin « fêtera » je n’en sais rien, j’ai l’impression
que le film est presque oublié par rapport à d’autres Carax, en dépit de l’incroyable
histoire de sa fabrication).
Via ce blog, j’apprends que la trace de son incroyable décor...
C’est amusant de voir que le souvenir de films fameux s’inscrit
dans le territoire, à la manière de traces ou de cicatrices.