Parce qu’il n’arrive pas à mont(r)er son dernier spectacle, le danseur Thierry Baë fait croire aux directeurs de festival qu’il y conviera les grands noms de la danse contemporaine. Dès qu’il lâche les noms magiques de Mathilde Monnier ou Josef Nadj, le commanditaire s’avoue « vivement intéressé par la proposition » alors que trente secondes auparavant, il cherchait quels termes diplomatiques employer pour enrober son refus. On a beau donner dans l’avant-garde, on n’en est pas moins soumis à la tyrannie du bankable.
C’est la première séquence d’un film (un moyen-métrage qui tient très bien le coup tout seul) inséré au milieu du Journal d'Inquiétude de Thierry Baë (au Théâtre de la Bastille jusqu'au 5 mai). La suite du film, d’un humour teinté de cruauté, montre les tentatives d’approche du danseur vers les « stars » mises devant le fait accompli, mais conciliantes car bien entendu, « c’est l’artistique qui prime »… jusqu’à la séquence finale dans les loges, qui nous fait partager l’angoisse du danseur juste avant… d’être démasqué ou de se sublimer.
C’est la première séquence d’un film (un moyen-métrage qui tient très bien le coup tout seul) inséré au milieu du Journal d'Inquiétude de Thierry Baë (au Théâtre de la Bastille jusqu'au 5 mai). La suite du film, d’un humour teinté de cruauté, montre les tentatives d’approche du danseur vers les « stars » mises devant le fait accompli, mais conciliantes car bien entendu, « c’est l’artistique qui prime »… jusqu’à la séquence finale dans les loges, qui nous fait partager l’angoisse du danseur juste avant… d’être démasqué ou de se sublimer.
A cause de la facture (journal de création en DV), ce film évoque immédiatement Alain Cavalier et sa fierté d’artiste « hors circuit », en autarcie, défiant, de sa modestie superbe, le monde et le temps. Certaines séquences rappellent également les films de Stephen Dwoskin , la caméra faisant corps avec le corps vieilli (« 45 ans, c’est normalement l’âge de la retraite, mais là c’est de la danse contemporaine » explique-t-il au médecin qui lui demande s’il n’a pas « pensé à se mettre en invalidité ») et fatigué du danseur.
Cependant, le film qui vient immédiatement à l’esprit, c’est l’un des films les plus singuliers de l’histoire du cinéma : Close up (Abbas Kiarostami 1990), dont le héros chômeur se fait passer pour un grand cinéaste pour vivre aux crochets d’une riche famille de Téhéran à qui il a promis des rôles dans son prochain film. Certes, les contextes et les enjeux paraissent peu comparables (Sabzian le héros de Kiarostami a fait de la taule pour ça et le maître iranien a même retardé la date de sa libération de quelques jours pour pouvoir filmer sa sortie. Baë peut juste avoir l’air de vouloir faire un pied de nez au microcosme). Il n’empêche. Ces deux films se nourrissent du récit d’une imposture suprême menée au nom de l’art. Quelque chose de vital se joue chez les deux protagonistes, dans leur quête de légitimité à la création. Un autre point commun de ces deux films est leur instabilité. Dans Close up, les reconstitutions du « fait-divers » alternent avec des images documentaires de « l’affaire ». Chez Baë, on ne sait jamais non plus si ce que l’on voit à l’écran est « vrai » ou « faux », du documentaire ou du joué, de l’enregistré ou du reconstitué, mais après tout, peu importe, car cet entremêlement de strates démonte, mieux que tout, les faux-semblants d’une société ou d’un milieu.
S’il y avait bien un film qui paraissait absolument unique par sa procédure et par ses circonstances de fabrication, c’était bien Close up. Et voilà qu’il trouve une descendance inattendue, là où on l’attendait le moins, sur une scène parisienne. Depuis, Thierry Baë a poursuivi ce spectacle avec un nouveau volet filmé et dansé où son rôle de danseur est repris par Denis Robert (le journaliste mal rasé de Clearstream). Cela a l’air de repousser les limites du surnaturel. Si quelqu’un a des informations…
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