jeudi 6 mai 2010

Jeunesse brûlée

Des garçons, des filles et des voitures.

Dans le premier film (Le départ - Jerzy Skolimowski1967), le garçon rêve de participer à une course automobile, mais le jour J, il préfère rester avec une fille. Le départ n'aura pas lieu. Ou si, mais pas celui qui l'obsédait.

Dans le second film (Macadam à deux voies - Monte Hellman 1971), le garçon ne cesse de participer à des courses automobiles, mais le jour J, il aurait préféré que la fille soit là.

Que vaut-il mieux ? Louper un départ fantasmé ou en vivre un dérisoire ?

Peu importe, toute l'énergie et la jeunesse de ces deux films se consument sur place dans leurs dernières images.

***
Portraits de la mélancolie masculine, ronronnements épais (et libidineux ?) des moteurs, films auto-dégradables... Je n'avais pas le souvenir que les fins de ces deux films étaient si semblables. (Démonstration sur pièces ICI).

Et l'impression qu'on cite toujours le final d'Hellman (que je ne cherche pas du tout à minorer) comme l'un des plus singuliers de l'histoire du cinéma alors qu'on aurait presque oublié celui de Skolimowski. Peut-être aussi que les deux films sont bien plus antagonistes qu'ils n'en ont l'air. Tous deux ont l'air de se terminer sur un échec, mais celui de Skolimowski, c'est un élan funambule qui brûle ses derniers vaisseaux et passe à autre chose quand celui d'Hellman est une victoire à la Pyrrhus : parvenir enfin à signifier une limite dans un espace qui n'en contient plus. Le départ finit précisément parce qu'il ne veut pas s'engager là où démarre Macadam à deux voies : sur la route où infini rime avec ennui (même si le film d'Hellman ne l'est pas du tout ennuyeux).

[Remerciements à Arnaud-Alemo qui dans les commentaires d'une lointaine note me suggérait ce rapprochement.]

3 commentaires:

Ed(isdead) a dit…

J'ai découvert ces deux films, avec un égal plaisir, il y a 3/4 ans, à quelques mois d'écart. J'avais donc été particulièrement troublé de voir ces deux fins identiques.

Mais comme tu le dis, l'impression laissée n'est pas du tout la même. Chez Hellman, l'obsession est presque maladive et ne peut déboucher (malgré la "sous-dramatisation" du film) que sur la mort. L'embrasement final est donc inévitable. Chez Skolimowski, c'est, comme tu le soulignes justement, autant une fin qu'un début : le passage d'une obsession (la voiture) à une autre (la femme). Et l'effet final arrive comme une surprise, une de plus dans un film qui en regorge.

Anonyme a dit…

J'avais d'ailleurs complètement oublié que Skolimowski montrait bel et bien cette combustion de la pellicule... Mais c'est effectivement là que les films bifurquent.

Si la fin est belle, j'aime aussi beaucoup ce qui se passe juste avant : l'arrivée à l'hôtel, Léaud travesti, un peu ridicule, timide. On ne sait pas encore se qui va se décider, mais les lignes bougent.

Arnaud

Rémi a dit…

J'ai découvert le film de Skolimowski il y a quelques mois et j'ai également été très surpris par ce plan final. Je connaissais Two-lane Blacktop depuis un bail mais je n'avais jamais entendu parler de l'analogie frappante entre les deux films, et de cet "emprunt" manifeste d'Hellman.

Effectivement les deux films divergent, dans le premier le héros semble se consumer dans l'amour, et voit son image comme rongée par le contrechamp, la course de voiture à laquelle il ne participe pas, de l'autre côté de la fenêtre. Dans le second, il ne participe que trop à cette énième course, il n'y a que ça à vivre, et il accélère, traçant une ligne de fuite vers un néant que la pellicule ne peut pas subir.

Mais dans les deux cas il s'agit d'une impasse et d'un homme/film qui n'avance que pour mourir. Et à ce titre, même si le film de Skolimowski est génial, j'ai le sentiment personnel qu'Hellman aura véritablement sublimé l'idée.