Et pourtant, dans la volte-face que se jouent ces deux affiches, il y a une part de l'essence du cinéma d'Hong Sang-Soo: pas tant celui d'un cinéma "doux-amer" que d'un cinéma qui fait du poids de l'hésitation et du plomb de l'indécision sa matière première. Ces deux affiches, elles fonctionnent finalement comme les séquences de La vierge mise à nue par ses célibataires (Hong Sang-Soo 2000) : on a besoin de les voir deux fois pour comprendre, pour comprendre surtout qu'elles peuvent dire la vérité d'un sentiment comme son exact contraire. Dans La vierge... le film paraissait recommencer au bout d'une heure, revenir à son point de départ sauf que les séquences un peu rallongées, un peu raccourcies, jamais dans le bon timing, toujours dans le trop tôt ou le trop tard finissaient par dessiner un film teinté d'une toute autre lumière sentimentale que celle qu'on avait soupçonnée au départ.
Woman on the beach distille la même alchimie, mais sans que l'on détecte le moindre attirail formel. Encore plus fort de parvenir à une telle virtuosité invisible. Scindé en deux, également basé sur la répétition des motifs et des postures, le film coule pourtant de sa plus belle eau sans aucun forçage scénaristique et semble désigner un point de jonction improbable entre un film "au naturel" et un film "à dispositif".
Somme toute, l'affiche idéale de Woman on the beach ne peut être que la superposition des deux.
Déjà parce qu'elle résume mieux l'histoire: celle d'un homme qui voudrait serrer deux femmes dans ses bras tout en ne sentant que la présence d'une seule.
Ensuite et surtout parce que cela rendrait justice à la conjugaison si précieuse du cinéma de Hong Sang-Soo: celle de l'inspiration (au sens de l'inspiration auprès d'une muse, ce que montre l'affiche française) et celle de la respiration du réel (que nous souffle l'affiche coréenne).
7 commentaires:
Pas encore vu ce film mais nous sommes sur la même longueur d'ondes en ce qui concerne le cinéma de Hong.
J'aime énormément la manière dont le cinéaste filme la valse-hésitation des sentiments, avec une légèreté qui n'exclut jamais la gravité.
Encore une fois, ton analyse à partir des deux affiches est lumineuses. J'espère que tu évoqueras un de ces jours "Night and day"...
Brillante démonstration !
Bien vu. On pourrait même inclure les deux jaquettes dans la démo par le réal dans "Woman" sur "la réalité est un triangle ou une carotte."
La classe Jojo...
(bon, manquerait plus que le film m'ait intéressé, et je serais d'accord... j'ai préféré Night and Day)
bravo !
c'est parfait! effectivement, à chaque partie pourrait revenir une affiche, et la française, brumeuse, engourdie, ne rend pas honneur à la cocasserie de la première moitié.
je m'étais fait la même réflexion, sur le chemin parcouru entre la vierge... et celui-ci : même emprunt au cinéma européen moderne, mais on a gagné en fluidité, en tranquilité. plus besoin du noir et blanc, de ruptures évidentes dans la narration. hss s'est approprié tout cela avec une maitrise enjouée, c'est aujourd'hui d'une grâce...
(on s'était croisé chez jacques, je suis le médiacriticien fan de skolimowski _entre autres. je lis ce blog avec beaucoup d'intérêt depuis, sans avoir encore posté)
Pas vu "La vierge..." : de fait, c'est ma première séance en compagnie de ce cinéaste, et je suis sous le charme...
J'aime beaucoup ton billet, limpide et respectueux...
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