dimanche 18 mai 2008

Une architecture du vertige et de la cruauté in Gomorra - Cannes report #4

Gomorra est vraiment le meilleur film de Steven Soderbergh depuis quand, disons depuis Traffic. En fait, c'est un Traffic européen où les cartels de la drogue sont remplacés par la camorra, et le fait qu'il soit signé Matteo Garrone ne doit pas faire oublier que l'opportuniste et hégémonique Steven est habitué des prête-noms (le nom du cadreur de ses films, c'est souvent lui qui avance masqué), ce qui lui permet de présenter non pas deux (le dyptique Che) mais carrément trois films en sélection officielle.

Sinon, le film est efficace, nerveux, tout ce qu'il faut. Il ne manque personne dans la galerie de personnages (les chiens fous, les repentis, les traîtres, les "pris de conscience", les initiés) et puis il me fait regarder d'un autre oeil les kakous en scooter de la Croisette, derrière lesquels se cachent peut-être des "exécuteurs de contrat".

J'ai l'air de le négliger, mais le film a quand même certains intérêts. Il y a d'abord cette scène qui prend une ironie toute particulière in situ. Celle où un chef d'atelier de couture clandestin s'aperçoit, à la télé, que la robe dont il a supervisé la confection a fini sur le corps de Scarlett Johansson lors de la montée des marches (mais malheureusement pas celle de Cannes, mais plutôt Rome ou Venise), ce qui offre un beau raccourci du "blanchiment" de l'argent sale (plus efficace que les cartons précautionneux de la fin). Prochaine étape: le film sur les producteurs liés au milieu et finançant des films présentés au festival qui reste donc à faire.

Sinon, il y a aussi les lieux du film, notamment cette ahurissante cité près de Naples, "ville de béton verticale" à l'animation toute médiévale, où se situe une bonne part de l'action. Rappel cruel que les architectes italiens ont été assez forts dans les barres bétonnées au kilomètre et les espaces vertigineux qu'ils généraient au-delà de toute mesure, pour une architecture domestique. Avec un point de vue cynique, on pourrait même voir dans ces architectures des préfigurations carcérales comme si le futur habitat de certains occupants de ces cités était déjà inscrit dans leur cadre de vie.
(Photo ci dessous: le Corviale à Rome pour vous donner une idée).

Un phalanstère ? Mais alors un phalanstère dévoyé. Du Piranèse peut-être, mais un Piranèse de la cruauté.

1 commentaire:

Liaudet David a dit…

Tu fais mouche Joachim. Disons que 1 Piranèse dont j'ai eu la chance d'exposer la magnifique colonne Antonine est un graveur qui est architecte de formation et dont l'imaginaire s'appuie sur une solide très solide même connaissance de Rome, un vrai arpenteur 2 que je pourrais bientôt avec un peu de chance visiter avec nos étudiants le Corviale dont je rêve comme effectivement une vision piranesienne. Je verrais alors si le rêve rejoint la réalité au kilomêtre.