lundi 19 mai 2008

Familles fantômes (Cannes report #5)

Des familles, des familles en crise, des familles imaginaires, des familles d’adoption, on ne voit que ça dans un paquet de films. Thématique pas franchement originale, mais tant que ça donne des bons films...

Après Le fils et L’enfant, le dernier Dardenne aurait pu s’appeler La mère (pour savoir pourquoi, il faudra voir le film), mais c’est Le silence de Lorna et ça ne change rien. C’est encore un film qui cueille progressivement le spectateur, petit à petit et sans effet.

Un Dardenne apaisé (pour la blague, on dira qu’ils ont enfin investi dans un pied de caméra) mais pas mois affûté. Le plus remarquable demeure sans doute la légère inflexion de leur cinéma : du « thriller social » au pur mélodrame assumé mais traversé d'échappées poétiques (impressionnant épilogue sylvestre). Ce qui touche ici, c’est comment la mise à nu progressive des sentiments apparaît comme la seule lutte – et partant la seule façon de survivre - contre les trafics, combines, mariages blancs et arrangements imposés par le « milieu ».

Sinon, la famille de Tokyo Sonata de Kiyoshi Kurosawa (Un certain regard) est aussi un beau territoire de cinéma. On savait les derniers films de ce cinéaste préoccupés par les questions de fantômes et de revenants et le voilà qui paraît signer une chronique familiale. Un fantôme rôde pourtant dans cette famille (comme il rôde dans toute la société japonaise) : celui du déclassement social. En le montrant agir ainsi comme un facteur de dérèglement de la cellule familiale, mais aussi de paradoxal et invisible facteur d’épanouissement, Kurosawa signe une fiction inventive, quelquefois sardonique, mais toujours surprenante. Plutôt que de montrer la famille comme un monstre à douze têtes (ça, c’est l’option Desplechin), Kiyoshi Kurosawa préfère la peindre comme un fantôme déroutant à apprendre à côtoyer : rien d’autre, en somme, qu’un esprit à adopter (à tous les sens du terme).

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