A peine contextualisées. D’une neutralité qui dérange.
A priori, elles n’ont aucun sens, aucun message, aucun discours. On voudrait leur en donner un qu’elles, ces images, n’en voudraient sans doute même pas.
Et le pire, c’est qu’elles jouent sur une sorte d’accoutumance du regard. On finit presque par s’y habituer, ne plus en être effrayées.
Et derrière ces images, le silence de leur auteur. "
Critique rapide 2:
"Ces images de violence, on est gêné de les voir.
A peine contextualisées. D’une neutralité qui dérange.
A priori, elles n’ont aucun sens, aucun message, aucun discours. On voudrait leur en donner un qu’elles, ces images, n’en voudraient sans doute même pas.
Et le pire, c’est qu’elles jouent sur une sorte d’accoutumance du regard. On finit presque par s’y habituer, ne plus en être effrayées.
Et derrière ces images, le silence de leur auteur. "
La critique rapide 1, c'est celle de l’inénarrable clip de Justice, Stress, visible partout sur le Net.
La critique rapide 2, c'est celle d’un court-métrage récent (présenté aussi sous forme d’installation) Sur place de Justine Triet, visible seulement en festival.
A priori, on pourrait en dire la même chose, mais ces images n’ont rien à voir.
« Justice versus Elephant: l’adolescence, c’est porter sa croix » ???? Mouaif….
Pour le film de Justine Triet, c’est presque la même chose et en même temps pas du tout. Alors reprenons.
- "Ces images de violence, on est gêné de les voir."
Tournées à la fin d’une manifestation anti-CPE au printemps CPE, Sur Place tente de saisir le moment où un rassemblement, une manifestation « se disperse » à tous les sens du terme : fin du parcours, fin des slogans, surplace de la foule, violence sourde puis sporadique. En gros, c’est le moment où ça déconne. C’est aussi un raccord entre deux images médiatiques : les images du défilé et les duplex avec Nation, Bastille ou Italie aux JT de 20 heures. Pourquoi une certaine gêne ? Parce qu’on les voit venir. Au début, la place est « tenue », les « forces » sont à distance. Il suffit qu’un pauvre malheureux s’aventure au milieu de « l’arène » pour qu’un premier groupe se mette à le ruer de coups. On se prend ça dans la figure, mais de bien loin.
- "A peine contextualisées. D’une neutralité qui dérange."
C’est qu’en fait, tout est affaire de dispositif. Ronde de caméras placées aux fenêtres des immeubles. Vidéo surveillance, retransmission sportive, ou déclinaison de l’effet Matrix dans l’art contemporain ? Pour autant, cette neutralité affichée du dispositif est contrebalancée par des raccords mouvements avec une caméra placée au ras du sol. Saisissants passages d’un plan général avec un plan quasi subjectif. Comme si, en regardant un match de foot, on se retrouvait soudain projeté sur la pelouse, recevant dans les pieds un ballon dont on ne sait que faire. Je ne joue pas aux jeux vidéos, mais j’imagine aussi que c’est le genre de sensation que l’on ressent à Fifa world cup, mais là, tout à coup, c’est réel. Et ce passage d’une large distance au ras du bitume (en feu) est sans doute le meilleur moyen de lutter contre une indifférence du regard à laquelle travaille paradoxalement le clip de Justice.
- "A priori, elles n’ont aucun sens, aucun message, aucun discours. On voudrait leur en donner un qu’elles, ces images, n’en voudraient sans doute même pas. "
L’objectif revendiqué du film est de parvenir à un regard neutre sur des évènements qui n’en sont pas. Pourquoi s’attacher à décrire avec tant de soin cette confusion ? Variation contemporaine de Fabrice à Waterloo ? Pas seulement. On a du mal à mettre un sens très net sur ces images, mais cette difficulté renvoie à une difficulté politique de formulation sur ce type d’évènements (et plus largement aussi bien sur les banlieues que sur les universités). Plus qu’une quête formelle de « nouvelle objectivité », le trouble ressenti devant le film est celui de voir « révélé » (au sens photographique du terme) un point aveugle de notre société, quand bien même l’œil demeure situé au cœur, à l’épicentre de l’évènement.
- "Et le pire, c’est qu’elles jouent sur une sorte d’accoutumance du regard. On finit presque par s’y habituer, ne plus en être effrayées. "
A force, le regard porté sur ces images devient de plus en plus abstrait (enfin, je ne peux parler que pour moi). On y voit des groupes en mouvement, de la topologie, presque des chorégraphies. On se demande si on peut penser ça devant ses images, s’il est possible de les réduire seulement à quelques signes, de n’y voir que des questions de style. Mais comme rien n’est désigné et comme la situation est de moins en moins claire, comment faire autrement ? Petit à petit, l’accoutumance du regard est relayée par une certaine déréalisation des faits : attroupements dans les recoins inédits de la place, usage du mobilier urbain et des palissades de chantier, fumées, obscurité, nuit. Autant d’éléments qui achèvent de donner aux dernières séquences une charge onirique…
Charge onirique redoublée par le fait que les tous derniers plans montrent la place (le lendemain ? quelques jours après) indemne et tranquille, comme si la ville était plus forte que tout, n’avait besoin de personne pour se cicatriser. Que s’est-il passé exactement sur place ? Comment cette foule l’a-t-elle quittée ? Qu’y avons-nous vu ? Pourrons-nous le décrire ?
- "Et derrière ces images, le silence de leur auteur."
Manquerait plus qu’on nous serve un discours derrière tout ça… Elle va pas nous faire Bataille à Seattle, quand même!
Merci donc à Ska d’avoir fait ressurgir le souvenir de ce court-métrage dans les commentaires de son blog 7 and 7 is.
Une autre présentation de Sur Place, et des photos du film pour s'en faire une petite idée.
2 commentaires:
Merci à toi pour cet éclairage qui élève vraiment le débat autour de ce clip dont tout le monde s'empare aujourd'hui. Parler de mise en scène, de cinéma, de choix esthétiques, c'est justement ce qui manque le plus à la controverse liée au pitoyable clip de Justice.
Bonne soirée !
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