Je ne me lasse pas de cette image, issue d’un plan très court (deux ou trois secondes à peine), tout à la fin de la brillante séquence du meurtre dans L’Ami Américain (Wim Wenders 1977).
Etonnant qu’un plan aussi court renferme une image aussi forte, et surtout aussi emblématique d’une certaine ambivalence de la ville, ambivalence au cœur de nombre de débats actuels sur les transformations parisiennes. Déjà, l’image surprend. Elle montre le quartier de la Défense, comme on ne le voit jamais : par son envers, sa face cachée (et pas très flatteuse) qui vient buter sur les faubourgs si proches de Nanterre.
Presque trop belle pour être vraie, elle a l’évidence théorique d’un photomontage. Serait-elle fabriquée d’ailleurs ? Je ne crois pas, mais on ne peut jurer de rien.`
Cette image montre un rapport de forces. Entre le rouleau compresseur de la Défense et les vieilles pierres de Nanterre. Entre Hilberseimer et Robert Doisneau. A votre avis, qui va gagner ? Paradoxalement, avec trente ans de recul (l’âge du film), le rapport paraît s’être inversé. Aujourd’hui, le faubourg est roi, le volontarisme urbanistique est banni, la méfiance plane sur la performance architecturale et les bâtiments dés de sucre paraissent davantage périmés que les bicoques banlieusardes.
Car plus qu’une image de ville, cet instantané wendersien stigmatise au fond deux désirs contradictoires de ville (désirs partagés aussi bien par les habitants, ceux qui pratiquent la ville que ceux qui visent à la transformer : élus, urbanistes, architectes) qui ne cessent de cohabiter. La pratique de la ville d’aujourd’hui serait quelque part schizophrène. Nous voulons à la fois, une vitrine contemporaine, des bâtiments qui traduisent la performance, le futurisme et l’hyperfonctionnalité des services et nous voulons à la fois la quiétude des « quartiers tranquilles ». Désirs inconciliables ? Irréconciliables ?
Pour autant, l’image appellerait-elle une « ville de la troisième voie », plutôt un interstice où s’immiscer ? C’est qu’il y quelques mots sur cette image. Ceux d’une affiche « la boîte à outils ». Cette « boîte à outils » serait-elle, celle intellectuelle de l’architecte ou de l’urbaniste qui chercherait à prendre acte, de ces deux désirs de ville, condamnés à bricoler avec ces deux antithèses urbaines pour sortir de l’enfer de ces deux paradigmes caricaturaux : celui de l’urbanisme sur dalle et celui d’une reconstruction passéiste.
Poétique et éloquente, cette image si brève reprend finalement au mot le titre d’un ouvrage manifeste Collage city (Colin Rowe 1978). Ça tombe bien. Cet ouvrage développe justement les dialectiques à l’œuvre dans ce plan de Wenders, pour dessiner, dans l’intervalle de ces options volontaristes, une nouvelle « boîte à outils » de la forme urbaine.
Etonnant qu’un plan aussi court renferme une image aussi forte, et surtout aussi emblématique d’une certaine ambivalence de la ville, ambivalence au cœur de nombre de débats actuels sur les transformations parisiennes. Déjà, l’image surprend. Elle montre le quartier de la Défense, comme on ne le voit jamais : par son envers, sa face cachée (et pas très flatteuse) qui vient buter sur les faubourgs si proches de Nanterre.
Presque trop belle pour être vraie, elle a l’évidence théorique d’un photomontage. Serait-elle fabriquée d’ailleurs ? Je ne crois pas, mais on ne peut jurer de rien.`
Cette image montre un rapport de forces. Entre le rouleau compresseur de la Défense et les vieilles pierres de Nanterre. Entre Hilberseimer et Robert Doisneau. A votre avis, qui va gagner ? Paradoxalement, avec trente ans de recul (l’âge du film), le rapport paraît s’être inversé. Aujourd’hui, le faubourg est roi, le volontarisme urbanistique est banni, la méfiance plane sur la performance architecturale et les bâtiments dés de sucre paraissent davantage périmés que les bicoques banlieusardes.
Car plus qu’une image de ville, cet instantané wendersien stigmatise au fond deux désirs contradictoires de ville (désirs partagés aussi bien par les habitants, ceux qui pratiquent la ville que ceux qui visent à la transformer : élus, urbanistes, architectes) qui ne cessent de cohabiter. La pratique de la ville d’aujourd’hui serait quelque part schizophrène. Nous voulons à la fois, une vitrine contemporaine, des bâtiments qui traduisent la performance, le futurisme et l’hyperfonctionnalité des services et nous voulons à la fois la quiétude des « quartiers tranquilles ». Désirs inconciliables ? Irréconciliables ?
Pour autant, l’image appellerait-elle une « ville de la troisième voie », plutôt un interstice où s’immiscer ? C’est qu’il y quelques mots sur cette image. Ceux d’une affiche « la boîte à outils ». Cette « boîte à outils » serait-elle, celle intellectuelle de l’architecte ou de l’urbaniste qui chercherait à prendre acte, de ces deux désirs de ville, condamnés à bricoler avec ces deux antithèses urbaines pour sortir de l’enfer de ces deux paradigmes caricaturaux : celui de l’urbanisme sur dalle et celui d’une reconstruction passéiste.
Poétique et éloquente, cette image si brève reprend finalement au mot le titre d’un ouvrage manifeste Collage city (Colin Rowe 1978). Ça tombe bien. Cet ouvrage développe justement les dialectiques à l’œuvre dans ce plan de Wenders, pour dessiner, dans l’intervalle de ces options volontaristes, une nouvelle « boîte à outils » de la forme urbaine.
3 commentaires:
C'est évident qu'il s'agit d'un photo-montage. Je veux dire, le ciel est rouge, quoi !
Comme quoi, Wenders, c'est quand même la quintessence des années 80. Même dans les années 70, il avait prophétisé l'overdose des filtres.
Je ne connaissais pas ce plan (pas - encore ? - vu ce film de Wenders) mais je le trouve très beau.
Et j'aime bien les questions que tu soulèves...
Je crois d'ailleurs n'avoir encore jamais rêvé une ville, à venir j'entends...
J'avais tant rêvé de Paris !
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