samedi 5 avril 2008

Instantané du cinéma français

" Au coeur de la marrade...

... Je serai ta pleureuse."

Images: Est-il besoin de le préciser ?
Paroles: La pleureuse (Dominique A 2006)

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J'étais encore prêt à m'excuser sur le mode, "je sais c'est facile mais j'ai pas pu m'en empêcher"... et puis la suite des paroles de la chanson me paraissent plus nuancées:

"Quand ça rigolera
Je geindrai à coeur joie;
Dans l'arène gauloise
Où le pathos agace
Ceux qui craignent de voir
Leur propre peine en face:
Je serai ta pleureuse."

Bon, "arène gauloise", ça évoque évidemment un autre blockbuster franchouillard (que j'aurais la décence de ne pas mettre en photo), mais ça me fait surtout penser que Jacques Doillon fait des films pour et avec "ceux qui craignent de voir leur propre peine en face". Belle définition, belle ambition et bel enjeu de cinéma. Du coup, ces quelques mots m'ont assez redonné envie de voir son film alors même que la posture (volontaire ? involontaire ? circonstancielle ?) de "l'auteur qui n'arrive plus à faire ses films à cause du système" commençait à m'agacer.
Pour écouter la chanson.
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D'ailleurs, à propos de chanson, viens d'apprendre que Philippe Katerine aura droit à la Cour d'Honneur du Palais des Papes en juillet prochain. Il y a quinze ans, la "nouvelle chanson française", les albums 4 pistes enregistrés par des types qui, au départ, ne savent ni chanter, à peine jouer de la musique mais juste murmurer comme personne, des chansons condidentielles qui touchaient quelques auditeurs, persuadés que la chanson n'avait été écrite que pour eux... et aujourd'hui le seul artiste français capable de se produire à la fois au Festival d'Avignon et au prime-time de TF1, et le plus fort AVEC LES MEMES CHANSONS. Rajoutons, dans cette façon de se mouvoir dans toutes les sphères, les piges dans la variétoche, le cinéma d'auteur et le marketing décomplexé "à la Daft Punk". Et si c'était ça un "artiste du milieu" ?

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Me reviennent en tête ces propos du meilleur chanteur français de ces 15 dernières années (Dominique A., donc) entendus sur les ondes bordelaises de Radio Nova-Sauvagine, il y a de cela trois ou quatre mois. A propos du son très rock de ses concerts : "Moi aussi, comme plein de gens, ça me fait chier la chanson française, le côté on prend les guitares en bois et on fait un feu de camp, tout ce post-brassenssisme actuel. L'électricité, ça sert pas qu'à faire marcher le frigo."
Toi qui aime les croisements, il y aurait sûrement un lien à faire avec l'état du cinéma français.

Joachim a dit…

Difficile de généraliser sur "l'état du cinéma français" d'autant plus que je ne trouve pas que la situation artistique soit finalement si noire que ça. De manière un peu désordonnée, voici les réflexions qui me viennent à l'esprit :

En fait, je crois que ce que j'aime par dessus tout dans une confrontation avec une oeuvre, c'est de rencontrer des tempéraments et c'est vrai qu'en France, ces 15 dernières années, on les a plus vu dans la chanson ou dans la BD qu'au cinéma. Quelque part, les succès de Katerine ou de "Perspepolis" sont les meilleures nouvelles qui soient. (Bon après, je comprends qu'on puisse ne pas aimer mais c'est une autre affaire)... mais au moins, eux me paraissent assez fidèles à leur démarche d'origine, montrer un plaisir dans leur oeuvre, voire un plaisir à surprendre et à aller là où on les attend pas... plaisir de la surprise que l'on rencontre moins dans le cinéma français actuel.

Et puis, chose important, on sent derrière eux, une certaine mouvance, beaucoup d'autres artistes moins médiatisés, certains sans doute meilleurs, d'autres moins bons... mais en tous cas, l'idée qu'il y a encore des découvertes et un foisonnement derrière ces "arbres qui cachent la forêt".

Ca montre aussi que tout le travail fait par des petis labels (feu Lithium ou autres pour la musique, L'Association et autres pour la BD) n'a pas été inutile. Ca montre que créer ces petites structures autonomes n'était pas du donchiquottisme. Le plus important, avant la structure, avant les mesures, avant les "préconisations", c'est l'envie. Peut-être justement, le "cinéma français" manque-t-il de lieux et d'initiatives comme cela, des sortes de "coopératives" où se sont croisés des jeunes auteurs qui pensaient que le manque de moyens n'était pas une fatalité et n'allait pas leur couper les ailes de leurs ambitions et de leur invention. Si ça marche, c'est peut-être aussi parce que, souvent, les albums de "L'Association" montrent aussi notre pays, notre époque, notre vie, et ça on le voit moins dans le cinéma français actuel... Les BD de Riad Sattouf (La vie secrète des jeunes ou Pascal Brutal) sont ainsi un incroyable instantané de la France de 2007, mais sans aucune visée sociologisante et le plus fort, en étant vraiment hilarantes.

C'est sûr que produire un album (de BD ou de musique) demande certainement moins de moyens que de produire un long-métrage mais il y aurait peut-être une inspiration à trouver pour le "jeune cinéma français" du côté de ces démarches-là.
Et puis, l'exemple argentin montre aussi qu'en général, les "nouvelles vagues" peuvent surgir dans des contextes de crise (même si là encore, beaucoup de films se sont montés grâce au CNC et aux festivals, Cannes, Rotterdam).

Bon après, il y a l'épineuse question du formatage, ou plutôt d'une sorte d'auto-formatage, que l'on constate à tous les niveaux. Comme beaucoup, je suis souvent frappé par l'aspect appliqué, finalement très sage de beaucoup de courts-métrages ou films d'école (dont je sors, je sais que je n'échappe à la règle, je sais combien il est difficile de maintenir le cap et l'envie sur un projet). Souvent l'impression que les films sont faits par des vieux, en tous cas, qu'ils ne respirent pas la jeunesse... d'où tout de même mon admiration devant les films d'Antonin Peretjatko, Sophie Letourneur ou "Primrose Hill" de Mikhaël Hers qui (mais sur des durées un peu plus conséquentes) ont réellement transmis leur tempérament et leur personnalité. Si j'attends des "passages au long" avec impatience, ce sont bien ceux de ces trois-là.

L'impression de la rencontre, c'est vrai, qu'on l'a de plus en plus rarement devant les premiers films actuels.

C'est vrai aussi qu'en France aujourd'hui, un film est devenu davantage un truc "à faire" qu'un réel champ d'expérimentation et de prospective formelle. On pourra accuser la frilosité des télés, des financeurs, des circuits, etc... mais il me semble que le problème est aussi culturel. Je suis frappé qu'une démarche comme celle de Resnais (croiser des discours, des pratiques artistiques issus d'autres sphères) ne soit pas plus poursuivie... alors même que le cinéma d'exploitation américain se permet pas mal d'audaces narrratives .. même s'il a été aidé par le goût de l'expérimentation fictionnelle des séries. Je trouve une incroyable jouissance du récit dans "Planète terreur", film à mon avis incroyablement sous-estimé.

Enfin, pour en revenir à Dominique A, j'ai parcouru en vitesse le dernier numéro "hurlements au loup Sarko" des Inrocks et au milieu du catastrophisme, j'ai vraiment beaucoup aimé sa réponse posée et "n'allant pas se décourager pour si peu", celle d'un artiste souverain et défricheur. Ce type est vraiment précieux.

Enfin, finalement, la "couverture média" du Club des 13 m'a pas mal agacé (plus que leur travail en lui-même), mais au moins, ça libère la parole, ce qui n'est pas un mal. Voir ce qui s'écrit aussi sur les blogs de Château Rouge, Passe merveille et Eloge de l'Amour: beaucoup de pièces à ce puzzle complexe.

Anonyme a dit…

Effectivement, je vois que cela libère largement la parole...
Contrairement à certains, je ne pense pas que le "niveau moyen" du cinéma français baisse. En fin d'année, on trouve toujours 4 ou 5 films très bons à mettre en avant dans les bilans, une bonne dizaine les années fastes. Le problème c'est que, parmi nos forces vives, comme dirait le Medef, il n'y en a aucun qui tire vraiment les autres vers le très haut. C'est quand même terrible que les projets les plus libres et les plus pertinents de ces dix dernières années soient signés par Resnais et non un jeune cinéaste. Bon, d'un autre côté, si on regarde derrière Almodovar, Kaurismaki ou Moretti dans leurs pays respectifs, y a pas grand monde non plus.