
Mai 08: Le moral des ménages est au plus bas.
Mai 08: Le moral des ménages est au plus bas.
Qu’est-ce qui pourtant, à une seconde vision, retient l’attention de ce film mineur mais finalement singulier ? Tout simplement le sens de l’image qui a toujours habité les Talkings Heads et David Byrne en particulier. A ce chapitre glorieux, rappelons l’antécédent Stop making sense (Jonathan Demme 1984). Si ce « concert filmé » était aussi mémorable, c’était que le concert lui-même était déjà soigneusement empli d’une scénographie baignée par l’image (projections, slogans, associations d’images comme on dit associations d’idées, jeux d’images comme on dit jeux de mots). Et bien, True Stories conserve cet esprit-là et s’affirme comme un objet qui offre plusieurs angles de vue et propose des facettes du clip, d’installation ou de long-métrage sans jamais vraiment parvenir à les croiser. Peut-être ce manque d’hybridation qui donne au film un goût d’inabouti, mais en même temps semble annoncer des réussites postérieures plus manifestes comme les clips de Gondry (notamment le Star Guitar des Chemical Brothers pour sa lecture du paysage contemporain) ou les premiers opus de Hal Hartley ou Miranda July pour la comédie suburbaine arty.
L’impression donc de voir un prototype, qui défriche (tout le moins pour un musicien qui a abattu pas mal de cloisons) peut-être maladroitement, mais qui nous vaut tout de même de succulents fragments. Car ce qu’il reste de la vision du film, ce sont finalement autant de petites scénographies ou d’éphémères dispositifs dotés d’un charme inédit.
De la même manière que le groupe avait ouvert la porte des samples, de la sono mondiale, voire du téléchargement avec l’album Remain in Light (1980), True Stories est aussi prophétique, tant il apparaît avoir anticipé sa vision sur Toi Tube, chacune des parties étant finalement plus intéressante que le tout qui les englobe : on retire le liant indigeste du scénario et l’on grappille au hasard des séquences qui, indépendamment, paraissent finalement bien plus réussies que le film.
Au hasard de ce film-dimsum on recommandera donc :
Un clip : cet hallucinant prêche gospel à l’instar des concerts des Talking Heads, nimbé de projections dans lesquelles on pourra s’amuser à retrouver des images annonciatrices du 11/9.
Un slogan : Balancé d’une manière godardo-debordienne et qui devrait figurer au fronton de tous les centres commerciaux du monde et être annoncé à chaque coup d’envoi des soldes :
Une œuvre d’art : cette variation cartographie pop art du plus grand Etat américain.
Beaucoup d’instantanés : sous l’évidente influence de William Eggleston, Byrne déploie tout de même un sens plastique assez sûr et marquant comme quand il montre la construction de cette scène monolithe translucide qui vire à la pure abstraction inscrite dans le paysage.
Et puis une séquence qui a la grâce : celle-ci, bel accéléré de la mutation du territoire américain, directement des grands espaces originels à la suburbia, de la conquête d’un horizon toujours repoussé au mitage de la petite propriété… territoire dont les bardes sont les enfants.
Bon alors, toutes ces friandises parviennent-elles à faire un film ? Pas sûr, mais ça nourrira au moins les deux « albums », celui des Talking Heads comme celui de mes souvenirs.
Et puis, si vous avez oublié cette merveille (de Tina Weymouth la bassiste dissidente, and co), vous pouvez vous le remettre en mémoire.
Syndromes and a century (Apichatpong Weerasethakul 2007)
Seulement deux mois d'âge, notre petite, mais déjà sensible à l'appel de la party.
(Ce post pour montrer mes grands débuts dans le film d'animation, mais le plus cheap du monde).
Sinon, pour rester dans le registre de la chorégraphie saccadée, voyez comment il danse, lui, c'est incroyable ! (Trouvé via... )
FLOW:
Dans ce petit exercice d'admiration (que je ne partage pas totalement à propos de ce film d'ailleurs, mais peu importe) autour de Pulp Fiction, c'est surtout la transformation de chaque syllabe en corps sautillant qui saute aux yeux. Pas tant un film d'action qu'un film où la parole est action. Pas franchement original de dire qu'on y flingue finalement plus avec l'impact des mots qu'avec celui des balles, mais c'est encore plus manifeste dans cette animation.
En passant, j'espère que vous n'avez pas oublié ce merveilleux clip où la musique paraissait naître de la pulsation même des signes des mots. Clip d'ailleurs introuvable sur Youtube et Dailymotion, ce qui nous vaut ce genre d'hommage désabusé.
KARAOKE:
De cette alliance des mots, de leur signe et de la musique, nous arrivons naturellement aux deux extraits qui avaient inventé le karaoké avant le karaoké.
Uccellacci et Uccelini (Pier Paolo Pasolini 1966)
Tirez sur le pianiste (François Truffaut 1960)
Exemple 1 : Un acteur-réalisateur bankable nous nargue avec son gros tas de fric.
Exemple 2 : Deux acteurs bankables se précipitent faire leur shopping de luxe en n’ayant pas oublié leur mallette débordante de fric.
Exemple 3 : L'acteur le plus bankable de cette bande des quatre en beaux costards et robes du soir caresse quelques billets de 500 euros, en se demandant s'il les laissera en monnaie au portier.
Une fois, ça ne veut rien dire.
Deux fois, c’est peut-être une coïncidence.
Trois fois, ça ne peut plus être par hasard.
A quoi sert l’argent du cinéma français :
1) A payer le cachet des acteurs bankables qui s’ennuient devant la caméra.
2) A servir d’accessoire sur les affiches.
3) Ce qui reste – parfois pas grand-chose – sera enfin mis sur l’écran.
A l’heure où même notre honni Président fait mine de promettre un vœu de (relative) chasteté sur le bling-bling, est-il bien raisonnable que le cinéma français prenne aussi servilement le relais ?
L’application du premier plan (qui révèle une banlieue proprette… mais derrière des barbelés) rappelle immédiatement l’ouverture de Blue Velvet (David Lynch 1987) et lance des pistes de comparaison qui ne tournent pas à l’avantage du jeune mexicain. Car, de Lynch à Desperate Housewives en passant par Miranda July ou American Beauty, la banlieue pavillonnaire chic a souvent été explorée comme territoire révélateur des névroses de la classe dominante, et avec nettement plus de bonheur qu’ici.
Et l’explosion finale, libératoire, qui n’est pas sans rappeler celle-là, qui nous enjoignait de brûler fétiches de la consommation (jusque et y compris les bibliothèques) pour trouver une nouvelle innocence.
On peut déjà se demander si le "pixellisme" ne rejoint pas le cubisme (au-dessus "Skype Monster", en-dessous Portait d'Ambroise Vollard - Pablo Picasso 1909).
On peut surtout se demander si cette technique n'est pas un bon moyen pour repérer les créatures d'un autre monde...
... portrait qui (sans que j'ai vu le film) me bouleverse parce qu'il semble dire, au-delà du contexte narratif, l'angoisse de l'enfermement, l'inquiétude du vieillissement et l'étrange réification de certains visages quand on se met à les regarder longtemps.
Birds (Pleix 2006) Musique : Vitalic
Sinon, pour la monstrueuse beauté des chats (ou plutôt leur attachante sournoiserie) ...
The omega man (Boris Sagal 1971)
Et c'est d'ailleurs, dans cette prime adaptation de Je suis une légende que l'on trouve également ce moment quasi situationniste non seulement parce que si le film est vu dans une salle, il paraît jouer la mise en abyme du moment de la projection...
... mais aussi parce qu'il manifeste le face-à-face entre la collectivité de l'Amérique hippie (déjà si loin, si proche, seulement deux ans après Woodstock) et le champion de l'Amérique de Nixon. Comme si cette dernière savait au fond qu'elle avait déjà gagné et que les utopies étaient désormais enfouies, un simple souvenir ou pire un fantasme pour le cinéma. Souvenir d'un acteur qui restera par ses duels (et pas toujours du côté le plus défendable) : la course de chars de Ben Hur (William Wyler 1959), le face-à-face Vargas / Quinlan de La soif du mal (Orson Welles 1958) et la confrontation avec Michael Moore (Bowling for Columbine 2002).
Et cette séquence dans le cinéma désert m'a fait revenir en mémoire l'une des plus mémorables séances "d'images projetées" vues au cours d'un long-métrage, séquence animée par une autre légende du cinéma, toujours active et fureteuse elle: le grand Michel.
Dillinger est mort (Marco Ferreri 1969)
Et que fait un spectateur quand il n'y a plus rien à voir ? Il passe derrière l'écran, pardi, et devient lui-même l'image projetée, un nouveau film (comme dans la première minute de cet extrait) :
Il n'empêche que cette façon de...
... vider Paris (pour reprendre le titre de la série de photos de Nicolas Moulin- dans le diaporame, c'est à partir du numéro 20)...
... se révèle plus qu'intrigante... (J'aime bien le plan assez impressionnant des trois avenues vides partant de la Place de l'Etoile et quand il crie: "Pa-ris, m'en-tends-tu ?"). Avec un poil de mauvaise foi ou de procès d'intention, on pourrait aussi y voir la continuation d'une certaine phobie des blockbusters du cinéma français qui n'arrivent plus à montrer Paris tel qu'il est et se réfuigient dans la carte postale : Montmartre nettoyé à la palette graphique dans Amélie Poulain ou parvis de Notre-Dame et pont Alexandre III seulement peuplés de deux figurants (dans Angel-A de Besson).
Bon, là encore, attendons de voir la sortie... (à moins que le film soit à la Quinzaine des Réalisateurs, puisque le comité de sélection abrite un fan de Steak, film qui faudra qu'on m'explique)...
"-Do you want to play with us, Jérôme ?...."