Mais enfin, qui regarde ces images ? Qui ne s'est pas posé la question quand il a aperçu une caméra de surveillance dans la rue ? Qui ne s'est jamais demandé où finissaient ces milliers d'heures de rushes ainsi enregistrés ? Qui ne s'est jamais demandé si cette masse informe pouvait trouver un sens par la grâce du montage ? Comme élément de réponse, j'ai découvert récemment cet extrait :
Der Riese ("le géant") - Michael Klier 1982
Longue installation (82 minutes) entièrement composée d'images produites par des "überwachungskameras" (c'est tout de suite plus flippant en allemand). Un "Berlin symphonie d'une grande ville avec la police à la caméra et Michel Foucault au montage", il suffisait d'y penser, c'est vrai. Il n'y avait qu'à se pencher pour ramasser et assembler ces images sans auteur, comme autant de fragments d'une musicalité urbaine quotidienne et ininterrompue, maintenant que les systèmes de vidéo-surveillance généralisent le ciné-oeil, forçant les noces de Dziga Vertov et de Mabuse.
Au vu de ces quelques minutes où la fascination cède vite la place à une certaine monotonie, on se demande tout de même si un tel projet tient sur la longueur d'un long métrage. Certes, la dramatisation musicale parvient à donner une certaine densité à ces images apparemment neutres, à transformer n'importe quel quidam ou véhicule passant dans le champ en suspect potentiel, mais l'impression qui demeure est celle d'un bégaiement, d'une introduction cinématographique qui n'en finirait pas de commencer, d'une mise en place étirée par le nappage musical, condamnée au perpétuel surplomb et ne rentrant jamais dans les détails.
Exactement le contraire, en somme, de la célébrissime séquence d'ouverture de Conversation secrète (Francis Ford Coppola 1974) :
... où l'oreille scrute en même temps que l'oeil, où les mises au point sont avant tout auditives avant d'être visuelles. Ecoutez et regardez comme les zooms, les rapprochements, les gros plans sont d'abord guidés par les sons avant d'être précisés ou nuancés par les images. Les sons imprécis de la ville et les parasitages participent à la musicalité de l'ensemble, une musicalité faite aussi d'allers et retours entre le général et le particulier.
De la musique et de la vidéo-surveillance, tout cela rappelle ce clip...
... dont la légende (profiter des 80 caméras de CCTV pour se filmer à moindres frais dans tous les endroits de la ville et récupérer les images, comme la loi l'autorise) est plus belle que la réalité (un projet à moitié bidonné apparemment), mais qui apporte enfin la réponse à la question que tout le monde s'est posée : mais enfin, qui regarde ces images ? Et bien, les seuls que ça intéresse, ceux qui sont filmés dedans. Mabuse n'a plus le temps.
Der Riese ("le géant") - Michael Klier 1982
Longue installation (82 minutes) entièrement composée d'images produites par des "überwachungskameras" (c'est tout de suite plus flippant en allemand). Un "Berlin symphonie d'une grande ville avec la police à la caméra et Michel Foucault au montage", il suffisait d'y penser, c'est vrai. Il n'y avait qu'à se pencher pour ramasser et assembler ces images sans auteur, comme autant de fragments d'une musicalité urbaine quotidienne et ininterrompue, maintenant que les systèmes de vidéo-surveillance généralisent le ciné-oeil, forçant les noces de Dziga Vertov et de Mabuse.
Au vu de ces quelques minutes où la fascination cède vite la place à une certaine monotonie, on se demande tout de même si un tel projet tient sur la longueur d'un long métrage. Certes, la dramatisation musicale parvient à donner une certaine densité à ces images apparemment neutres, à transformer n'importe quel quidam ou véhicule passant dans le champ en suspect potentiel, mais l'impression qui demeure est celle d'un bégaiement, d'une introduction cinématographique qui n'en finirait pas de commencer, d'une mise en place étirée par le nappage musical, condamnée au perpétuel surplomb et ne rentrant jamais dans les détails.
Exactement le contraire, en somme, de la célébrissime séquence d'ouverture de Conversation secrète (Francis Ford Coppola 1974) :
... où l'oreille scrute en même temps que l'oeil, où les mises au point sont avant tout auditives avant d'être visuelles. Ecoutez et regardez comme les zooms, les rapprochements, les gros plans sont d'abord guidés par les sons avant d'être précisés ou nuancés par les images. Les sons imprécis de la ville et les parasitages participent à la musicalité de l'ensemble, une musicalité faite aussi d'allers et retours entre le général et le particulier.
De la musique et de la vidéo-surveillance, tout cela rappelle ce clip...
... dont la légende (profiter des 80 caméras de CCTV pour se filmer à moindres frais dans tous les endroits de la ville et récupérer les images, comme la loi l'autorise) est plus belle que la réalité (un projet à moitié bidonné apparemment), mais qui apporte enfin la réponse à la question que tout le monde s'est posée : mais enfin, qui regarde ces images ? Et bien, les seuls que ça intéresse, ceux qui sont filmés dedans. Mabuse n'a plus le temps.
2 commentaires:
j'aime bien ce que tu dis sur conversation secrète et comment tu le dis; dirigées par FFC et d'autres, les villes étaient vraiment de sacrées chouettes actrices en ce temps là.
Effectivement. En repensant à cette scène, je me dis que c'est peut-être une sorte de "poursuite immobile" qui reste dans le même espace. Quelque part, elle "répond" à celle de Bullit (on reste à San Francisco), mais où on n'a pas besoin de traverser toute la ville. Tous les effets de poursuite, accélération, rapprochement, (re)prise de distance se jouant au son.
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