vendredi 5 septembre 2008

Rock'n roll cliché

« You’re a rock’n roll cliché »…
Quand Kim Gordon balance cette sentence définitive à Blake-Cobain dans Last Days (Gus van Sant 2005) sur le ton de mère de famille qui demande à son ado de ranger sa chambre, c’est Sonic Youth, le « groupe de rock qui a sur devenir adulte tout en restant radical et défricheur » qui toise avec ironie tout le bataillon d’éphémères rockers gommeux qu’il a vu passer sous ses yeux depuis presque trente ans, puis disparaître et se consumer.
Control (Anton Corbijn 2007), le biopic de Ian Curtis, le leader de Joy Division, abonde aussi en rock’n roll clichés, par exemple celui-là :


Cliché, qui là aussi joue, d’une belle ironie. Jouissance de l’imagerie (la pose rebelle attitude, la belle gueule, la démarche calée sur les guitares « quand on arrive en ville », les quatre lettres sur le blouson en clin d’œil cinéphile, le décor social) tout en le dégonflant au plan suivant. Car contrairement à tout ce que le plan suggère, Ian Curtis ne se rend pas à l’employment office pour jouer au « jeune désoeuvré à qui la société ne propose que des boulots de merde », mais simplement parce qu’il y est un sage employé.

Plaisir de célébrer le cliché tout en le prenant à contre-pied. Degré suprême de la roublardise ? Peut-être. Voyons-y plutôt l’invention d’un ton intermédiaire : le premier degré et demi, puisque le film est assez émouvant dans son humilité, dans sa façon de ne pas se placer plus haut que son sujet, d’y montrer un poil d’ironie tout en esquivant la pente facile de la dérision. Voyons-y aussi l’aveu d’un artisan de l’imagerie rock (Corbijn, c’est tout de même celui qui a modelé Depeche Mode pendant 20 ans), qui laisse entrevoir l’artifice de son art.

Et quand bien même, Control est parfois bêtement illustratif, nourri à quelques affects parfois sommaires, sa réussite tient toute entière dans ce paradoxe : tirer le portait de la rock star en Sam Suffit. Et partant, le film de dévoiler le problème du rock : ce n’est pas tant qu’il s’est embourgeoisé, c’est que même ses hérauts portaient des rêves « much more little than life ».

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Post vraiment très bon, comme le précédent, plus inconséquent, sur De Gaulle.

Toujours un plaisir de te lire...

olmer a dit…

le non-mythe ian curtis!
mais pourquoi la musique est si grande, bonne, profonde, etc...????
le mystère demeure...

Anonyme a dit…

Entièrement d'accord sur "Control" où Corbijn tente de naviguer entre le terre à terre et la pulsation, l'envol musical.

Mais pas d'accord sur la séquence de "Last days". Je n'y avais vu aucune ironie, aucune condescendance de la part de Kim Gordon. Au contraire, cela m'avait paru très sincère et assez bouleversant, comme si elle disait là ce qu'elle n'avait pas pu dire à Cobain dix ans avant.
Il me semble qu'à l'époque, Gordon et ses acolytes estimaient beaucoup Nirvana, même si ils ont pu être sceptique devant les aspects "rock'n'roll circus" du groupe de Cobain. D'où les reproches entendus dans le dialogue du film.

Joachim a dit…

Oui, bien sûr, la séquence est d'une grande sincérité, mais en même temps, je ne peux pas m'empêcher d'y voir, dans un second temps, un sous-texte ironique (plutôt que condescendant) de la part de la génération des quinquas (celle des Assayas, Corbijn, Gus van Sant) vis-à-vis de ceux qui pourraient être leurs enfants.
En même temps, ces films sont arrivés en même temps que le "revival rock pur" (Strokes, White Stripes et autres) comme s'il s'agissait de revenir à la source de l'énergie de ces musiques, de participer à une nouvelle quête d'innocence.