Immersion dans une colonie de vacances, Roc et canyon dresse le tableau d’un apprentissage parfois douloureux des « règles du jeu » sociales et sentimentales à hauteur d’adolescent, quand les adultes sont maintenus à distance et explore de manière quasi documentaire le langage et le « body langage » adolescent jusque dans ses postures de gêne, de gaucherie et de timidité. Vous me répondrez que ce n’est pas le premier film à s’attacher à ces motifs (aussi rencontrés dans la BD Retour au Collège de Riad Sattouf), mais il le fait à la manière d’un jeu ou d’un pari d’adolescent, d’où son indéniable force. Ainsi, bien que scénarisé, le film a été tourné dans le cadre réel d’une colonie de vacances en respectant son déroulement et en restant attentif aux relations personnelles qui s’y nouaient. Ainsi, on imagine que le tournage du film n’a été que l’une des multiples « activités » (en plus du kayak, du paint-ball, du sport ou du karaoké vus dans le film) pratiqués par les adolescents pendant leurs vacances. Pourquoi les premières scènes, où les adolescents font connaissance les uns avec les autres dans un train, dégagent-elles une grande impression de vérité, qui ne se démentira jamais par la suite ? Est-ce parce que la grande majorité des rôles a été distribuée sur le quai de la gare, le matin même du départ ? Peut-être, mais pas seulement. C’est aussi parce que derrière ce geste (en gros, on sait vaguement vers quoi on va, mais c’est aux interprètes du film de montrer par quel chemin on va y arriver) se manifeste la confiance de la réalisatrice envers ses interprètes et plus généralement envers le cadre flottant du film -entre documentaire et fiction– qui prend forme au fur et à mesure sous nos yeux.
« Comment parle-t-on des sentiments et de ses rituels à tel ou tel âge de la vie ? » C’est finalement la question qui parcourt les trois films de Sophie Letourneur. Dans La Tête dans le vide ( photogramme ci-contre et lire ici la critique de quelqu’un qui a dû découvrir ce très drôle court-métrage à la même séance que moi au Festival de La Ciotat 2003), elle jouait elle-même avec ses copines (et sur la base de conversations enregistrées et rejouées) les atermoiements de celle qui « ne veut pas passer le coup de fil ». Dans Manue Bolonaise, l’amitié était auscultée sous l’angle des bavardages codés des gamines de 11 ans. Dans Roc et Canyon, finalement le moins bavard des trois, c’est plutôt l’impression d’âpreté qui domine. Apreté cinématographique héritée du cinéma direct (coups de zooms, gros grain et regards caméras) au diapason de l’âpreté de cet âge où les mots ne viennent pas toujours aisément et où les rituels de séduction obéissent autant (voire plus) à un passage obligé qu’à un élan sincère.
Un passage, un élan, une prise de risque, un jeu, un pari, un film en pleine adolescence. Voici encore quelques mots lâchés pour définir Roc et Canyon et sa fraîcheur matinée de rugosité. Dire qu’on attend la suite avec impatience est un euphémisme. On espère que la réalisatrice ne perdra jamais son goût du jeu et la belle confiance qu’elle donne à ceux qu’elle place devant la caméra.
mardi 17 juillet 2007
Roc et Canyon de Sophie Letourneur (ce soir sur Arte à 00h30)
Format hybride (et plus d’une fois casse-gueule), le moyen-métrage paraît pour certains jeunes cinéastes un terrain d’expression où ils peuvent jouir à la fois de leur soif d’expérimentation tout en prenant le temps d’asseoir leur regard. Vus ces six derniers mois, L’opération de la dernière chance d’Antonin Peretjatko, Primrose Hill de Mikhaël Hers et Roc et Canyon de Sophie Letourneur constituent trois réussites plus qu’encourageantes et font même partie des vraies (et rares) bonnes nouvelles en provenance du « jeune cinéma français ». Ces trois films d’une durée oscillant entre 35 et 55 minutes, bien plus remplis d’idées et d’envie qu’un paquet de premiers films, révèlent de tels tempéraments qu’on a hâte que leurs auteurs passent au long sans rien perdre de leur verdeur et de leur singularité. J’espère avoir prochainement le temps de parler des films d’Antonin Peretjatko et de Mikhaël Hers à la faveur d’une prochaine diffusion salle ou télé, mais, galanterie oblige, et surtout parce qu’il est diffusé ce soir à 00h30 sur Arte (avant une sortie salles en novembre), c’est le film de Sophie Letourneur qui passe en premier.
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6 commentaires:
Un film d'une beautée rare ...
Comment est le jeu des acteurs , pour vous ?
Je l'ai trouvé un peu maladroit , mais c'est ce qui fait peut etre aussi la sincérité de ce film ...
Enfin j'aimerai avoir vos avis sur ca .
Une derniere chose ,les acteurs etaient t-ils connus ?? etaient-ce leurs premiers pas dans le monde du cinéma ?
Oui. Le jeu est parfois maladroit, mais il renvoie à la gaucherie de cet âge, où plus d'une fois "on s'invente aussi un rôle" pour ne pas perdre la face devant ses congénères. Quant au casting, seuls deux rôles étaient choisis avant le début de la colo et tout le reste du casting a été choisi le matin même du départ sur le quai de la gare, en sollicitant l'accord express des parents, ce qui accentue l'aspect ludique du film. Je ne pense pas que les acteurs avaient déjà joué. Cette expérience a peut-être stimulé d'autres envies. Qui sait ?
Bonjour,
J'ai eu l'occasion d'aller a l'avant premiere de Roc et canyon. Les acteurs et la réalisatrice etaient présents .
Celle-ci etait très emue, a remercié un paquet de monde ,et elle ma parue très à l'écoute.
Ayant moi même beaucoup apprécier ce moyen métrage, je trouve que le terme " s'inventer un rôle " , est ici bien adapter .
J'ai ressentie la même chose.
Pour les acteurs ,Je l'ai est trouvé vrai et impliquée. Je ne savais pas qu'il avait été choisis à l'improviste...
Quelques uns mon d'ailleurs beaucoup emue !Et je me suis reconnu d'une certaine facon lors de mes 17ans!
J'aurai juste une question , et j'espère que vous pourrez me renseigner. Quelles sont les dates des prochaines diffusions?
Je ne connais pas les dates de diffusion. Il me semble que le film est en VOD (vidéo à la demande) sur le site d'Arte. Sinon, il faut googler le titre du film et éplucher les programmes de festivals de courts-métrages (Paris tout court et Clermont en janvier, Pantin en avril, etc...)
Sinon, il sort en salle le 28 novembre 2007.
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