dimanche 1 juillet 2007

Les reflets urbains du chagrin

Coup de tonnerre dans les nouvelles du week-end. Sept ans que j’attendais le nouveau film d’Edward Yang et un successeur au chef d’œuvre souverain Yi Yi (2000) et j’apprends ce matin que le réalisateur taïwanais n’est plus.

Symphonie familiale d’une discrète mais très sûre virtuosité, Yi Yi figure également dans le panthéon des films qui auront su rendre une dimension sentimentale à la ville contemporaine en apparence confite dans la froideur et l'anonymat.

Comment signifier la porosité entre l’intime et l’universel ? Entre la chambre, la société et le monde ? Edward Yang propose ce motif de la « chambre suspendue » qui revient continuellement dans le cours du film. Pour parler de l’intime, on se situe toujours dans le mouvement de la ville. Le regard est extérieur tout en visant une transparence, mais d’une incroyable pudeur, vers l’intimité.

Quel autre cinéaste a utilisé à ce point les jeux de reflets et de transparences d’une architecture contemporaine « sans qualité » pour dire la vulnérabilité des êtres et des sentiments ?

Dans cette séquence...
... c’est le reflet de la ville endormie qui paraît apaiser le chagrin de la femme si seule qu’elle n’ose même pas allumer la lumière de sa chambre. Sur le photogramme, on distingue à peine sa silhouette sur la droite de l’image. A l’écran, sa présence se signale seulement par le son de ses pleurs. Toute la gêne rabougrie que pourrait ressentir le spectateur devant le spectacle d’une femme dévastée par la tristesse est évacuée par la présence spectrale de la ville.

Dans cette autre séquence....

.... les variations de la lumière apportent encore un autre type de vibration intime.


Si je ne m’abuse....
... le reflet du feu rouge est placé à l’emplacement du cœur du personnage, et il gagne en intensité.

Que nos sentiments les plus intimes, que notre subjectivité la plus sensible s’accordent aux nuées de la ville, ce n’est pas la moindre des élégances du cinéma de Yang. Un cinéma dont il me reste beaucoup à découvrir. N’ayant toujours pas réussi à voir A brighter summer day (1991) (à cause, entre autres, d’un orage survenu quelques instants avant le début de la séance du cinéma en plein air de La Villette où il était programmé), ni les nombreux titres jamais sortis en France, j’imagine déjà les grandes réserves de plaisir qui m’attendent.
Un autre hommage doucement chagriné:

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Triste nouvelle.

Anonyme a dit…

Effectivement, une bien triste nouvelle. "Yi-yi" est sans doute l'un des plus beaux films que j'aie vu depuis 15 ans! Votre texte est très beau...

Joachim a dit…

Merci de ces compliments.
Je n'aime pas trop "rendre hommage", encore moins annoncer les mauvaises nouvelles... mais si la disparition de Yang nous touche tellement, c'est qu'il semblait avoir tellement de beaux films devant lui. La consolation viendra avec la découverte de ses autres films qui finiront bien par passer devant mes yeux, one day, one brighter summer day....

Loryniel a dit…

Juste bravo pour ton texte.
Yi-Yi est juste mon film préféré.

Tom.