mercredi 18 juillet 2007

The snuff book

D’autres images pirates que la vidéo de Ben Laden agitent le Net ces derniers jours et mettent sur les dents les Experts CSI et Scotland Yard au grand complet. De ces images, voilà la première de la série :

Le prochain Harry Potter, photographié page par page et disponible à la lecture une semaine avant la date de sortie officielle, samedi prochain. Le plus surprenant, ce n’est pas tant que l’œuvre soit disponible par les voies détournées du Net, c’est qu’elle surgisse sous sa forme physique. Ce n’est pas un fichier Word ou des pages scannées qui circulent, mais bien une suite de 300 photos (une à chaque page tournée) qui met en scène le livre comme objet de convoitise, d’envoûtement voire de maléfice : un trésor et un grimoire. Belle revanche (ou pied de nez ou baroud d’honneur ?) de Gutenberg sur le Réseau virtuel.

L’amateurisme de cette image intrigue. Sur quoi le livre est-il posé ? Sur un bureau ou sur la moquette de chez mamie ? Et surtout, à qui appartient cette main ? Son inconscient propriétaire n’est-il pas au courant que les Experts CSI peuvent lire ses empreintes digitales grâce à leurs agrandissements numériques XXXXXXL de n’importe quelle image JPEG ? Pourquoi n’a-t-il pas mis des gants blancs de majordomes, ce qui, en plus de lui donner un répit certain du côté des poursuites, aurait rajouté une classe supplémentaire à cette cérémonie des pages tournées. Parce que, quand on y pense, ces images sont d’un cheap. Par terre, le dernier Harry Potter ? Même pas digne d’un bureau ? Et puis qui arrivera à lire 600 pages sur un écran ? Un poil mieux scénographiée, cette suite de photos aurait pu être la célébration idéale de la lecture comme cérémonial.

Oui, quand j’y repense, l’endroit idéal où aurait dû atterrir le dernier Harry Potter, c’est bien le bureau de Brian O’Blivion, le « prophète des médias » de Videodrome (David Cronenberg 1982). Dans ce film qui avait prophétisé M6, meetic, le peer to peer, le hacking et autres joyeusetés technologiques, O’Blivion n’apparaît que par écrans interposés en grand ordonnateur de la fiction, pour balancer ses images sulfureuses et interdites, dont lui-même est la première victime.

C'est sûr. Tant qu’Harry Potter reste un livre interdit (pendant encore deux jours), il doit trôner au milieu de son beau bureau en boiseries. Là, il serait traité avec tous les honneurs dus à son rang. La vidéo interdite idéale, le prochain programme de Videodrome, ce pourrait être celle d’O’Blivion qui, de sa belle voix grave, nous ferait la lecture de ce livre interdit. Dans un geste régressif, nous l’écouterions le soir pour nous endormir. Nous le regarderions tourner les pages munis de ses gants blancs et nous repenserions à la dimension psychanalytique des contes et des récits gothiques et à ce que Cronenberg aurait pu faire d’Harry Potter (mais serait-ce vraiment si intéressant). Alors là, peut-être, me serais-je intéressé à Harry Potter, parce que les bouquins des aventures du sorcier à lunettes, je n'ai jamais réussi à tourner leurs pages au-delà de la vingtième tellement elles me tombent des mains.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

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