lundi 29 septembre 2008

Joanne pleure Paul

L'acteur disparaît au moment où plus d'un le (re)découvrent comme réalisateur.
De l'influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites (1973) n'est pas seulement la découverte de Joanne Woodward et pas juste une sorte de chaînon manquant entre Tennessee Williams et le cinéma furieusement indépendant de l'époque (Cassavettes ou Wanda de Barbara Loden), c'est un film effectivement irradié, mais par des rayons d'une puissante mélancolie. Un film qui témoigne de l'extinction d'une époque, d'un optimisme tout en veillant sur la flamme, un film hanté par le divorce du rêve et de l'action. Un vrai film saturnien.

samedi 27 septembre 2008

Conseil des dix

Suite à l'invitation de Ludovic

"Mes 10 films français de la période 1988-2008" :

- Un monument : Van Gogh (Maurice Pialat 1991)
- Un document : Reprise (Hervé Le Roux 1996)
- Un déploiement : Smoking / No smoking (Alain Resnais 1993)
- Un dénuement (et la renaissance d'un regard) : La rencontre (Alain Cavalier 1996)
- Un dénouement (mais tout le reste du film aussi) : La graine et le mulet (Abdelatif Kechiche 2007)
- Un trésor caché : La chasse aux papillons (Otar Iosseliani 1992)
- Deux élégies : Notre Musique (JLG 2004) et Bled number one (Rabah Ameur-Zaïmèche 2006)
- Deux "états de la France" : De bruit et de fureur (Jean-Claude Brisseau 1988) et L'arbre, le maire et la médiathèque (Eric Rohmer 1993)

Et puis...

- Plusieurs intenses fragments des Amants du Pont Neuf (Leos Carax 1991) et Pola X (Leos Carax 1999)

- La cohérence paradoxale (quoique leurs films m'ont alternativement insupporté ou captivé, chacun d'eux renforcent la cohésion de l'oeuvre) des filmographies de Claire Denis, Bruno Dumont ou Philippe Garrel..

- La constance de Chabrol...

- Mon enthousiasme à la sortie des projections des Gens normaux n'ont rien d'exceptionnel (Laurence Ferreira Barbosa 1993) et La vie ne me fait pas peur (Noémie Lvovsky 1999). Les reverrais-je aujourd'hui, peut-être serais-je plus nuancé mais peut-être pas...

- Les fulgurances des inclassables parmi les inclassables: Pas de repos pour les braves (Alain Guiraudie 2002) et Le dernier des immobiles (Nicola Sornaga 2002) 

- Dieu seul me voit (Bruno Podalydès 1998) à voir en miroir comique de Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle) d'Arnaud Desplechin

- Un regret : N'avoir toujours pas vu Petits arrangements avec les morts (Pascale Ferran 1994, Peaux de vaches (Patricia Mazuy 1988), Travolta et moi (Patricia Mazuy 1993) et La lettre (Manoel de Oliveira 1999) dont certains parlent avec les yeux embués.

vendredi 26 septembre 2008

Les pyramides du futur


Esquisse d'Erich Kettelhut pour le décor de Metropolis (Fritz Lang 1927)



L'immeuble de la Tyrell Corporation dans Blade Runner (Ridley Scott 1982)


Tour Triangle, Paris, Porte de Versailles (Herzog et de Meuron architectes - prévu pour 2012)


Figure ô combien connotée sur le plan de la symbolique, le triangle est finalement peu fréquent en architecture. Et pour ne rien arranger, sa traduction tridimensionnelle, la pyramide ne paraî, de Khéops au Louvre, ne porter qu'une seule valeur : la mégalomanie du souverain. Après cela, qui oserait encore manipuler de telles figures géométriques ?

Et pourtant, le dernier projet d'Herzog et de Meuron, la première "tour" parisienne construite depuis plus de 30 ans (211 mètres soit un de plus que la tour Montparnasse) ose nous balancer en pleine face un pur équilatéral, qui, aucun doute, se trouvera moults surnoms. Proposons déjà : "Toblerone galak" et "Dark side of the moon". Les contributions restent ouvertes jusqu'en 2012, date (optimiste) de la livraison du bâtiment.

Mais on peut tout de même faire confiance à ces architectes qui n'ont pas leur pareil pour jouer avec la monumentalité. Car le triangle ne se présentera frontalement que suivant un seul point de vue : celui d'un conducteur sur le boulevard périphérique. Pour peu qu'il pleuve et fasse brumeux, avancer à allure modérée sur le ruban d'asphalte Porte de Versailles provoquera la même impression que l'approche du Tyrell Building (lui-même démarquage futuriste d'une autre pyramide mais tronquée) dans Blade Runner. Alors, d'un seul coup d'un seul, Paris rattraperait-il son retard en matière de bâtiments "provocants et bigger than life" (le dernier, c'était Beaubourg) ? Alors, Paris 2012 = Los Angeles 2019 ?

Là où la proposition d'Herzog et de Meuron est maligne, c'est qu'elle joue aussi sur un côté Janus. Effrontément monumentale du côté des infrastructures (ce qui dote le boulevard périphérique d'une plus-value: un outil de découverte de la ville) et nettement plus discrète du côté de la ville. Car, à l'échelle du trottoir, le bâtiment pourtant imposant, se la joue Walk like an egyptian et montre son profil le plus rachitique: tranche, totem voire simple aiguille qui monte vers le ciel.
Diffraction de la perception qui rappelle l'approche cubiste d'Erich Kettelhut et Fritz Lang pour définir la ville de Metropolis, ville qui jouait sur la saturation et la répétition des architectures pour générer un agrégat dont la cohérence n'anesthésiait pas l'effroi. Herzog et de Meuron ont le cubisme plus ludique et plus accueillant, mais quoi qu'il en soit, ces exemples n'attestent que d'un seul souhait pour les mois à venir : que le projet ne se noie pas sous les innombrables débats et procédures qu'il ne manquera pas de soulever. Car les tours à Paris (encore une fois, la seule grande ville qui s'en méfie avec un tel acharnement),  faudrait quand même pas s'en faire une montagne.

Bon, bon, je m'emballe... Si ça se trouve, ça pourrait aussi ressembler à ça... ou encore pire...

mardi 23 septembre 2008

Un film dont vous êtes le héros


A entendre les interviews des acteurs adolescents d'Entre les murs, ils ont pris le film comme un jeu, rappelant au passage que le cinéma, c'est aussi bien "juste jouer" que
mais ça tombe bien, c'est le titre du premier livre de François Bégaudeau. 

Dans son propre film, François Bégaudeau joue son propre rôle, celui d'
mais ça tombe bien, c'est le titre du deuxième livre de François Bégaudeau.

Et comme pour François Bégaudeau, la figure ultime du démocrate (en gros, celui qui libère et rebondit sur la parole individuelle pour donner une forme à la parole collective), c'est
ça lui permet de se rêver en "prof-star", une rock-star de l'Education Nationale : n'en faisant qu'à sa tête, cherchant le spectacle permanent, avec une dose de provocation pour alimenter la machine quand elle devient quelque peu prévisible. Et puis, attribut ultime de la rock-star, il est aujourd'hui répudié par son père (certes symbolique, le principal du collège Mozart où il a enseigné) et fait pousser des cris d'orfraie à Finkielkraut (qui, il ne peut s'en empêcher, a hurlé sur le film sans même l'avoir vu).
Mais François Bégaudeau sait bien qu'il n'est pas Mick Jagger et qu'il ne peut pas dérouler des kilomètres d'entrechats sur les scènes dressées dans les stades, alors à la place, il arpente le territoire étriqué de sa classe, avec une prédilection pour les trajectoires
 (ce qui tombe bien puisque c'est le titre de son deuxième livre), trajectoires obliques qui font écho à sa manière de passer du journalisme au cinéma en passant par la case "livre évènement" avec une aisance qui agace et fascine en même temps. 

En bon salarié de l'Education Nationale, son répertoire devrait se limiter au programme de 4e, mais ça, François Bégaudeau, ça l'embête. En bon sociologue de lui-même, il a bien compris que toute la France était dans sa classe, alors, lui ce qui l'intéresse vraiment, en vrai maïeuticien de ZEP, c'est de parler d'
comme, ça tombe bien, il l'a déjà fait dans un bouquin sorti quelques mois après Entre les murs, le livre.

De fait, cette année, en France, tout le monde parle d'Entre les murs et Entre les murs parle à tout le monde. 
Quelque part, François Bégaudeau avait prévu le coup puisque la couverture de son dernier livre Fin de l'histoire (une assez illisible exégèse de la conférence de presse de Florence Aubenas) était illustré par une forêt de micros, 
preuve que chacune de ses oeuvres anticipe désormais l'écho médiatique qu'elle suscitte sur le mode: "puisque ces mystères nous dépassent, feignons d'en être les organisateurs".

Mais il n'y a pas que François Bégaudeau à être devenu acteur héros de lui-même, par l'entremise d'Entre les murs, le film. Si le film fait autant d'effet, n'est-ce pas tout simplement parce qu'il est bien difficile, de ne pas se sentir pris par l'effet d'identification qu'il suscitte. Pas tant un effet d'identification littéral, mais plutôt une identification où le spectateur ne cesse de comparer "l'ici et maintenant" livré par Cantet et ses propres souvenirs ou expériences. Peut-être est-ce d'ailleurs le propre des films liés à l'école (quand ils sont réussis) : mesurer un écart, une distance (géographique, temporelle, sociale) ramenée à un dénominateur commun (en gros, ce que l'on apprend dans telle classe, à tel âge, quand bien même Entre les murs ne montre quasiment que le "off" du temps d'apprentissage).   

De fait, voilà un film éminemment séduisant, mais difficile à appréhender. Echappant aux sentiers battus du film à thèse qui "ne convainc que les convaincus", il paraît pourtant offrir des prises à moults points de vues, parfois contradictoires. Et si le film était une sorte de  test de Rohrsach, nous en apprenant plus sur ceux qui le commentent jusqu'à plus soif que sur leurs auteurs ?

Sinon, à la marge, le film a aussi pour lui de déblayer une terra quasi incognita du cinéma français: le teen movie (à part Doillon, L'Esquive, les moyens métrages de Sophie Letourneur et en attendant les débuts au cinéma de Riad Sattouf). Des petites touches de comédie ou de répliques qui tuent (au moment où on ne les attend pas) détendent l'atmosphère. La projection du film est émaillée de quelques rires, mais des rires qui se demandent s'ils ont raison d'être là. C'était quand, la dernière fois que j'avais ressenti ça, des moments de rire en plein milieu d'un film "sérieux", d'un film "politique" même, dirais-je ? Ah oui, c'était dans Dixième chambre, instants d'audience (Raymond Depardon 2004) quand le langage juridique créait de lui-même quiproquos et situations absurdes. Un autre film de Depardon (Délits flagrants en 1994) montrait, par ses plans fixes clivants (certes imposés par les contraintes de tournage) la frontière façonnée par le langage, les deux langues, celle des juristes et celle des justiciables qui paraissaient ne pas vraiment se connecter. Dans Entre les murs, il est aussi question de confrontations permanentes et abruptes même si les deux bords peuvent parfois arrondir les angles. Il est aussi question de frontière de langage, même si celle-ci est plus floue, plus mouvante, et, comme nous y invite le film, plutôt à arpenter par la tangente.

dimanche 21 septembre 2008

Mon oncle en vrai



Revival tatiesque pour promouvoir Koolhaas Houselife, documentaire (réalisé par Ila Beka et Louise Lemoine) sur le quotidien de la "Maison de Bordeaux" (Rem Koolhaas architecte 1998), imposante "machine à habiter" organisée autour d'une grande plate-forme élévatrice alternativement chambre, séjour ou bibliothèque. Pas encore vu le film (qui, pour les Parisiens, passe le 25 octobre à la Cité de l'Architecture) mais son burlesque discret me paraît augurer d'un regard moins compassé que celui servi en général par les revues et documentaires sur l'architecture. Et puis, ce premier extrait nous rappelle opportunément que comme "il n'est point de grand homme pour son valet de chambre" (Montaigne), il n'est "point d'icône de l'architecture contemporaine pour sa femme de ménage".

Sinon, le co-réalisateur est aussi l'auteur de "millimétrages", soit des très très très courts-métrages parfois empreints d'un certain esprit dadaïste comme d'une intense poésie nocturne.

jeudi 18 septembre 2008

Correctif à divers palmarès subjectifs

A inclure illico dans les meilleures scènes de danse:
Ucellacci e uccellini (Pier Paolo Pasolini 1966)

Soit "Mods meets Ragazzi". Pour ceux qui se demandent quel incunable groupe de Wigan ou de Leeds on entend dans la BO, levons le voile sur qui se cache derrière la musique. Et d'ailleurs, à propos de ce film, vous n'avez pas oublié ce fameux générique, dont il existe une variante robe du soir et maestro. Qu'une même  ritournelle se balade aussi bien dans la comédie populaire (un film avec Toto) que dans la haute culture (soirée à la Scala), voilà qui aurait sans doute ravi PPP.

A inclure derechef dans les plus beaux baisers de cinéma:

Onze Fioretti de Saint François d'Assise (Roberto Rosselini 1950)

La ferveur du croyant et le scepticisme de l'agnostique, le panthéisme de la nature et la matérialité du monde, l'attente d'un miracle qui ne vient pas et puis le doute, le doute toujours le doute, peut-être la seule chose en quoi croire. Tout ça dans un baiser ? Ben oui, tout ça dans un baiser...

D'ailleurs, ce n'est pas si évident avec ces extraits, mais le film du haut est plus ou moins un remake commenté de celui du bas. C'est sans doute plus clair avec cet autre extrait, témoignage de la foi bouffonne (comme de la foi dans la bouffonnerie) du cinéaste. 

Ces deux films, comment ai-je pu les oublier ? Grâcieux, carnavalesques et philosophiques tout le temps, ils sont...

mardi 16 septembre 2008

La perte du sens de l'humour à travers les âges (films de la catastrophe)


Aujourd'hui, à Francfort...
... New York...
... ou Manille, quand on voit une courbe qui se casse la gueule, c'est la panique.

Il y a 40 ans, quand on voyait une courbe qui se cassait la gueule...

... ça faisait plutôt rigoler.
Faudrait-il danser sur les décombres ?

Playtime (Jacques Tati 1967)

Sinon (1), pour rester dans le domaine financier, amusant mash-up, mais beaucoup trop court et vite fait. Pas pu retrouver la séquence originelle (L'Eclipse, Michelangelo Antonioni 1962), celle incroyable de la "Bourse chorégraphiée".

Sinon (2), pour continuer sur le registre de la catastrophe, mon virtuel ami Damien m'indique ce lien quasi surréaliste porteur d'une trouble fascination.

Sinon (3), JLG vient de se mettre lui aussi au film catastrophe. Les mauvaises langues diront que ce n'est pas la première fois que l'un de ses films est une catastrophe, mais bon. Quelque part, ce court opus rappelle aussi bien le début de Notre Musique (2004) que cet autre film réalisé par son "épigone" sauf qu'en fait, ces deux petits films dialoguent si bien qu'on s'en fout un peu de savoir qui est l'élève et qui est le maître.

samedi 13 septembre 2008

Le cinéma infusé

A l'inflation citationnelle qui, paradoxalement anémie le cinéma d'Honoré (étonnant de voir comment La belle personne ne cesse de convoquer au détour de telle ou telle séquence Noce blanche, Le jeune Werther, Les amants réguliers ou A nos amours comme autant d'aveux à ne pas respirer et vibrer par lui-même), on peut nettement préférer les petits bijoux de fétichisme cinéphilique sortis du laboratoire de Jonatan79.

Exemple, cette "ray-citation", soit simplement la poursuite d'un mythique dialogue de Johnny Guitar (Nicholas Ray 1954) qui infuse Le petit soldat (JLG 1963) et Femmes au bord de la crise de nerfs (Pedro Almodovar 1988).



S'il s'agit de transformer la pellicule du film en papier calque, dépassons au moins le bégaiement d'un motif stérile pour parvenir, comme ici, à donner un nouvel écho à un sentiment.

mercredi 10 septembre 2008

Viens vite au fond de la piscine

Une célébrissime plongée vers la peur :

La féline (Jacques Tourneur 1942)

Dans cet espace abstrait de la piscine qui évoque un cube amniotique et vorace, Tourneur s'attache à ne filmer que des plans vides, des reflets, de purs contrastes noirs et blancs qui n'ont même plus besoin d'être supportés par un quelconque motif. La peur vient aussi de là... Hypothèse. Si la séquence paraît toujours aussi efficace et moderne, c'est aussi peut-être grâce à son cachet "art contemporain avant la lettre".

Et justement :






















Heavy water (James Turrell 1991)

Cette installation semble jouer sur les mêmes sensations. Pour voir l'oeuvre, le spectateur est obligé d'enfiler son maillot de bain, de plonger puis de rejoindre le centre de la piscine. Là en passant sous les parois, il se retrouvera au fond d'un puits lumineux, sous une douche irradiante de lumière avec vue directe sur le ciel. Tout le travail de James Turrell vise ainsi à donner une matière à une pure présence lumineuse (le bleu du ciel comme des ambiances définies au néon) en révélant aussi les effets de profondeur, d'espace que la lumière et la couleur brute parviennent à créer d'elles-mêmes. Pas évident à retranscrire en vidéo, mais ça par exemple sinon au hasard...
Mais revenons à Heavy water. Une fois dans la piscine, le spectateur perd ses repères habituels pour ne plus ressentir que la présence de la lumière brute (ressentie avec d'autant plus d'acuité que les yeux sont pleins de chlore). 

Même si l'effet recherché vise davantage la sérénité que la peur, le spectateur ressent un flottement sensoriel sans doute assez voisin de celle de l'héroïne de Tourneur traqué par des sensations dont elle n'identifie pas l'origine. On imagine l'effet que doit procurer une telle oeuvre: celle de plonger au coeur d'un chaudron coloré qui, par sa puissance même, oblitère les autres sens.

Et justement :






























































Thermes de Vals (Peter Zumthor architecte 1996)

Ces bains de pierre, d'eau, de lumière et de couleur paraissent radicaliser la proposition de Turrell. Ici, l'eau n'est pas seulement ce qui remplit les bassins, mais une véritable matière retravaillée par la lumière, la couleur et les textures des parois: non seulement un véritable onguent coloré mais aussi une sève lumineuse. Des sensations sans doute proches de la vie intra-utérine, un espace cosmique et matriciel, un lieu dont on a sans doute du mal à sortir. 

Et justement :

Une fois qu'on a fait le grand saut dans la piscine de Deep End (Jerzy Skolimowski  1971), on a vraiment du mal à en sortir... ou alors sur le mode tragique. 


D'ailleurs, si ce film était la version prémonitoire et ô combien plus subtile et ludique de ce clip des années 80 ?

lundi 8 septembre 2008

ebdcebdc a mis...

... sur dailymotion, le plus étonnant plan-séquence travelling poursuite qui soit. Encore mieux que dans mon souvenir...
Bon, pas de sous-titres, mais ça ne devrait pas poser trop de problèmes de compréhension.


Walkower (Jerzy Skolimowski 1965)

Pour poursuivre sur le mode "print the legend", trois prises furent nécessaires (la première pour le train à 40km/h, la seconde à 50, la troisième à 60). Les trois furent bonnes.

Plan dont on trouve d'ailleurs une préfiguration dans le précédent film de son auteur (mais ce blog radote) :

Rysopis, signe particulier néant (Jerzy Skolimowski 1964)

Comme quoi, quand on n'a pas de moyens, trams et trains restent la meilleure alternative pour se payer des beaux travellings sans se fatiguer à louer et à poser le moindre rail.

vendredi 5 septembre 2008

Rock'n roll cliché

« You’re a rock’n roll cliché »…
Quand Kim Gordon balance cette sentence définitive à Blake-Cobain dans Last Days (Gus van Sant 2005) sur le ton de mère de famille qui demande à son ado de ranger sa chambre, c’est Sonic Youth, le « groupe de rock qui a sur devenir adulte tout en restant radical et défricheur » qui toise avec ironie tout le bataillon d’éphémères rockers gommeux qu’il a vu passer sous ses yeux depuis presque trente ans, puis disparaître et se consumer.
Control (Anton Corbijn 2007), le biopic de Ian Curtis, le leader de Joy Division, abonde aussi en rock’n roll clichés, par exemple celui-là :


Cliché, qui là aussi joue, d’une belle ironie. Jouissance de l’imagerie (la pose rebelle attitude, la belle gueule, la démarche calée sur les guitares « quand on arrive en ville », les quatre lettres sur le blouson en clin d’œil cinéphile, le décor social) tout en le dégonflant au plan suivant. Car contrairement à tout ce que le plan suggère, Ian Curtis ne se rend pas à l’employment office pour jouer au « jeune désoeuvré à qui la société ne propose que des boulots de merde », mais simplement parce qu’il y est un sage employé.

Plaisir de célébrer le cliché tout en le prenant à contre-pied. Degré suprême de la roublardise ? Peut-être. Voyons-y plutôt l’invention d’un ton intermédiaire : le premier degré et demi, puisque le film est assez émouvant dans son humilité, dans sa façon de ne pas se placer plus haut que son sujet, d’y montrer un poil d’ironie tout en esquivant la pente facile de la dérision. Voyons-y aussi l’aveu d’un artisan de l’imagerie rock (Corbijn, c’est tout de même celui qui a modelé Depeche Mode pendant 20 ans), qui laisse entrevoir l’artifice de son art.

Et quand bien même, Control est parfois bêtement illustratif, nourri à quelques affects parfois sommaires, sa réussite tient toute entière dans ce paradoxe : tirer le portait de la rock star en Sam Suffit. Et partant, le film de dévoiler le problème du rock : ce n’est pas tant qu’il s’est embourgeoisé, c’est que même ses hérauts portaient des rêves « much more little than life ».

Où est Charlie ?

Petit jeu en regardant le ciel bleu, on s’amuse parfois à reconnaître des contours et des formes aux nuages. Pour tromper l’ennui dans les trains de banlieue, appliquons la même méthode. Tiens, par exemple, cette tâche informe sur un mur lépreux :

Bon sang, mais c’est bien sûr. A peu de choses près, à quelques bras rajoutés, à quelques cheveux tirés, c’est bien ça :

Un mur fossilisé d’il y a 40 ans…

lundi 1 septembre 2008

La danse de mort

Enfin vu Eros + Massacre (Kiju Yoshida 1969), un des films dont le seul titre me faisant fantasmer tout en en augmentant le mystère.

Histoire(s) de "modernité". Si le film s'impose comme l'un des jalons de la "modernité cinématographique" et toise aisément Bergman, Antonioni ou Godard, cette séquence...


... rappelle également à point nommé comment l'espace de la maison japonaise était déjà une matrice de la modernité spatiale. En somme, certains enjeux du cinéma moderne et de l'architecture moderne trouvent des points de conjonction: passage d'un espace "perspectif" à un espace "pictural" (et partant abstrait voire mental), multiplicité des repères et des points de vues, ambiguïté productive entre surfaces à deux dimensions et espaces à trois dimensions. De fait, si la maison devient un jeu de chausse-trappes entre parois coulissantes et panneaux qui se transforment en piège, c'est avant tout pour faire "exploser la boîte" et produire un espace fluide et mouvant, où tout ne serait plus que "point, ligne et plan" (et couleurs éventuellement).
En haut : Palais Impérial de Katsura (1615)
En bas: Maison Schroder (Gerrit Rietveld architecte 1924)