Un générique, c’est une entrée en matière, un moment de transition qui permet d’acclimater l’esprit d’un spectateur à l’univers qui va se déployer sous ses yeux. Celui de Lost Highway (David Lynch 1997) ne prend pas de gants avec le spectateur. Accélération immédiate. Démarrage pied au plancher. On est en voiture, mais ça tangue comme sur un bateau. Slalom nocturne sur la ligne jaune. Les titres jaunes viennent du fond de la perspective et nous sautent à la figure. Sur la bande-son, Bowie hurle I’m deranged. Difficile de faire plus minimaliste et plus explicite en même temps. On sait tout de suite de quoi va traiter le film : une trajectoire borderline et aveuglée lancée à fond les ballons.
Je ne pensais pas retrouver de telles sensations devant un autre fragment de film jusqu’à ce que je découvre, dans l’expo de Beaubourg Airs de Paris le film de Thomas Demand : Le Tunnel (1999). Que nous montre ce film ? Un passage dans un souterrain. Un travelling en voiture dans le tunnel du pont de l’Alma. Le dernier travelling de Lady Di. Sauf que là, nous sortons du tunnel. Le temps de reprendre sa respiration… et pof, on replonge déjà. Car le travelling recommence. En boucle. Un cauchemar dont on n’arrive pas à sortir. Mais cette boucle, en est-ce vraiment une ? Pas tout à fait. La vitesse n’est pas la même. Ça semble avoir accéléré. Et puis, comme chez Lynch, ça paraît divaguer aussi. Bande son à l’avenant : scie murmurée d’infrabasses. Et puis à y regarder de plus près, Ce n’est pas la seule résonance lynchienne. Car ce travelling n’a pas été tourné sur les lieux du fatal crash princier…. mais à l’intérieur d’une maquette. Les piliers sont en carton, la route en papier noir. La maquette est un modèle de réalisme et pourtant, cet hyperréalisme (trop propre, trop aseptisé) accroît le malaise.
Pourquoi ces deux séquences sont-elles si éprouvantes pour le spectateur mais aussi si enivrantes ? Sans doute parce que la catastrophe est inéluctable, déjà présente mais jamais manifeste à l’écran. Frustration de la catastrophe plus effrayante que la catastrophe elle-même. On craint toujours qu’elle ne survienne, mais le noir enveloppant, après nous avoir inquiété, nous protège aussi d’elle.
Deux séquences, deux cabotages speedés, deux plongées dans l’inquiétude. Quinze secondes, pas plus, pour, en un coup de toboggan, foncer tête la première, tous repères perdus, en pleine exploration d’un inconscient.
Pourquoi ces deux séquences sont-elles si éprouvantes pour le spectateur mais aussi si enivrantes ? Sans doute parce que la catastrophe est inéluctable, déjà présente mais jamais manifeste à l’écran. Frustration de la catastrophe plus effrayante que la catastrophe elle-même. On craint toujours qu’elle ne survienne, mais le noir enveloppant, après nous avoir inquiété, nous protège aussi d’elle.
Deux séquences, deux cabotages speedés, deux plongées dans l’inquiétude. Quinze secondes, pas plus, pour, en un coup de toboggan, foncer tête la première, tous repères perdus, en pleine exploration d’un inconscient.
En plus: Une belle liste de films qui intéressent les artistes.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire