A l'inflation citationnelle qui, paradoxalement anémie le cinéma d'Honoré (étonnant de voir comment La belle personne ne cesse de convoquer au détour de telle ou telle séquence Noce blanche, Le jeune Werther, Les amants réguliers ou A nos amours comme autant d'aveux à ne pas respirer et vibrer par lui-même), on peut nettement préférer les petits bijoux de fétichisme cinéphilique sortis du laboratoire de Jonatan79.
Exemple, cette "ray-citation", soit simplement la poursuite d'un mythique dialogue de Johnny Guitar (Nicholas Ray 1954) qui infuse Le petit soldat (JLG 1963) et Femmes au bord de la crise de nerfs (Pedro Almodovar 1988).
S'il s'agit de transformer la pellicule du film en papier calque, dépassons au moins le bégaiement d'un motif stérile pour parvenir, comme ici, à donner un nouvel écho à un sentiment.
5 commentaires:
Cet extrait du film d'Almodovar, ce sont les toutes premières images que j'ai jamais vues de lui. evidemment, comme il s'agit d'une de mes scènes favorites dans l'un de mes films préférés, j'ai tout de suite voulu voir le film qui lui rendait cet hommage. En même temps que le procédé sert la dramaturgie du film, ce n'est pas un simple clin d'oeil. Mais on pourrait le voir, sardoniquement, comme un aveu d'impuissance à retrouver une façon aussi belle d'exprimer les sentiments du couple qui se retrouve.
J'ai été également assez déçu par "La Belle personne" de Christophe Honoré : il semble avoir renoncé à cette esthétique contemplative et visuellement si sophistiquée qui rendait "17 fois Cécile Cassard" ou "Ma Mère" à la fois si agaçants et si attachants.
Vincent
Je trouve en fait que cette séquence d'Almodovar joue sur un lyrisme en sourdine, moins ardent que celui de Ray, mais qui arrive à rendre son personnage d'hidalgo limite caricatural réellement émouvant. Le faire répéter les mots de Sterling Hayden lui donne une dimension inattendue.
Je trouve que "fondre" les deux extraits crée encore une strate d'émotion différente.
Insula dulcamara
Merci de ta visite et par la même de m'avoir permis de découvrir ton blog, lui aussi rempli de belles citations. Pour en revenir à Honoré, je n'ai réellement vu que ses deux précédents films, peut-être également surcotés, mais qui à mes yeux n'avaient rien de désagréable. Par delà tous les emprunts, j'y voyais tout de même une fraîcheur dans les dialogues et l'interprétation, qui dans son dernier opus s'est plutôt évanouie. "Ma mère", j'en ai vu 20 minutes sur Canal et ça m'a rendu assez perplexe (euphémisme). "17 fois..." Pas vu mais ça m'avait l'air sous haut patronage "Demy croise Claire Denis", donc vu comme ça, plutôt casse-gueule. Mais c'est peut-être finalement le problème d'Honoré, c'est qu'à chacun de ses films, il nous sert son "best of du cinéma français", comme s'il s'agissait de vouloir à tout prix se placer au coeur de cette nébuleuse du paysage cinématographique national. Etre finalement plus soucieux de sa place que de son oeuvre, n'est-ce pas là un geste éminemment plus politique que cinématographique ? Comme si le but ultime d'un cinéaste (français en l'occurrence), ce n'était au fond que de vouloir prendre la place de "l'homme centre" (comme Truffaut à la fin de sa carrière), que de vouloir aligner les "films du milieu". On n'en sort pas !
Prenez le temps, quand l'occasion s'en présentera, de voir "17 fois Cécile Cassard", qui pourra peut-être vous faire changer d'avis sur Honoré. Je n'y vois aucune influence de Jacques Demy a priori ; et pour Claire Denis, c'est à voir. En tout cas, il y a pire comme influence (je parle de CD)! C'est un film que je trouve au contraire très personnel, avec un travail visuel (photographie, pellicules, noirs) très élaboré et des influences que je vois plutôt du côté de l'art contemporain que de l'histoire du cinéma. Et l'excellente BO contribue aussi à l'effet d'envoûtement. Seule vraie réserve (mais c'est très subjectif) : la séquence comédie musicale où Romain Duris chante et danse torse nu "C'est moi, c'est Lola"...
Un film de plus dans la pile "à voir" donc. Je me dis souvent qu'il faudrait que j'arrête de juger les films a priori (sur une bande-annonce, des on dit, des influences supposées) mais on se refait pas. Et puis l'écart entre l'a priori et l'oeuvre réelle fait aussi partie du plaisir de la découverte.
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