Opportune ressortie de Maine Océan (Jacques Rozier 1986)
Ça commence à la gare Montparnasse, « pôle d’échange multimodal où se croisent chaque jour près d’un million de voyageurs » et ça se termine sur les récifs de l’île d’Yeu, bords quasi déserts de l’ultime confetti de notre territoire. C’est Maine Océan, un film qui bat la campagne, mais bien mieux que ne l’ont jamais fait tous les candidats aux élections, car durant les quelques deux heures et dix minutes que dure ce film voyage, la France n’a jamais parue aussi bien regardée.
Car même si Maine Océan n’a pas l’ambition d’une fresque sociale, tous les personnages du film sont présentés par la pratique de leurs métiers (contrôleurs SNCF, avocats, pécheurs, danseurs, hôteliers…). Et c’est justement quand un contrôleur n’a plus envie de contrôler, quand un fonctionnaire n’a plus envie de fonctionner que s’embraye la mécanique de la comédie.
En cela, la traversée du territoire se double d’une traversée des apparences sociales, car chacun va peu à peu sortir de ses propres rails, de son rôle et de ses pratiques pour s'essayer une autre activité. Ainsi, l’avocate préfèrera plaider dans le train que d’attendre l’arrivée au palais de justice, le pêcheur de haute mer va s’improviser avocat le long d’une mémorable plaidoirie à la mode vendéenne et le contrôleur se rêvera, pour un moment, juste une fois, « le roi de la samba ».
« On arrête tout, on fait un pas de côté » prônaient les tenants de l'An 01 (qui a aussi été un film), ceux qui avaient remis les compteurs à zéro durant le joli moi de Mai. Sans discours, sans volonté sociologisante, Maine Océan réussit bien mieux son pas de côté, tant son léger décadrage, son léger regard oblique dresse le meilleur portrait d’une France a priori ressemblante, mais tout de même pas tout à fait comme on a l’habitude de la voir : une France teintée d’un désir libertaire en sourdine. Maine Océan reste cependant à mille lieux du film militant. Maine Océan date bien de 1986, année du retour de la droite aux affaires, et pourtant on a l’impression que Maine Océan reste le film le plus heureusement soixante-huitard du cinéma français : un film démocratique, un film qui s’amuse et rebondit sur le langage, un film qui prend le temps, un film à l’image d’un pays idéal : un territoire de croisements et de rencontres.
Dans son naturel, dans sa nonchalance même, Maine Océan paraît même ne rien vouloir remettre directement en cause, et pourtant, il affirme la force d’une utopie : celle d’une société française qui aurait cultivé la libération de la parole, d’un pays qui poursuivrait le rêve commun de Jean Renoir et de Mai 68 : une société « où tout le monde parlerait avec tout le monde ».
Ça commence à la gare Montparnasse, « pôle d’échange multimodal où se croisent chaque jour près d’un million de voyageurs » et ça se termine sur les récifs de l’île d’Yeu, bords quasi déserts de l’ultime confetti de notre territoire. C’est Maine Océan, un film qui bat la campagne, mais bien mieux que ne l’ont jamais fait tous les candidats aux élections, car durant les quelques deux heures et dix minutes que dure ce film voyage, la France n’a jamais parue aussi bien regardée.
Car même si Maine Océan n’a pas l’ambition d’une fresque sociale, tous les personnages du film sont présentés par la pratique de leurs métiers (contrôleurs SNCF, avocats, pécheurs, danseurs, hôteliers…). Et c’est justement quand un contrôleur n’a plus envie de contrôler, quand un fonctionnaire n’a plus envie de fonctionner que s’embraye la mécanique de la comédie.
En cela, la traversée du territoire se double d’une traversée des apparences sociales, car chacun va peu à peu sortir de ses propres rails, de son rôle et de ses pratiques pour s'essayer une autre activité. Ainsi, l’avocate préfèrera plaider dans le train que d’attendre l’arrivée au palais de justice, le pêcheur de haute mer va s’improviser avocat le long d’une mémorable plaidoirie à la mode vendéenne et le contrôleur se rêvera, pour un moment, juste une fois, « le roi de la samba ».
« On arrête tout, on fait un pas de côté » prônaient les tenants de l'An 01 (qui a aussi été un film), ceux qui avaient remis les compteurs à zéro durant le joli moi de Mai. Sans discours, sans volonté sociologisante, Maine Océan réussit bien mieux son pas de côté, tant son léger décadrage, son léger regard oblique dresse le meilleur portrait d’une France a priori ressemblante, mais tout de même pas tout à fait comme on a l’habitude de la voir : une France teintée d’un désir libertaire en sourdine. Maine Océan reste cependant à mille lieux du film militant. Maine Océan date bien de 1986, année du retour de la droite aux affaires, et pourtant on a l’impression que Maine Océan reste le film le plus heureusement soixante-huitard du cinéma français : un film démocratique, un film qui s’amuse et rebondit sur le langage, un film qui prend le temps, un film à l’image d’un pays idéal : un territoire de croisements et de rencontres.
Dans son naturel, dans sa nonchalance même, Maine Océan paraît même ne rien vouloir remettre directement en cause, et pourtant, il affirme la force d’une utopie : celle d’une société française qui aurait cultivé la libération de la parole, d’un pays qui poursuivrait le rêve commun de Jean Renoir et de Mai 68 : une société « où tout le monde parlerait avec tout le monde ».
1 commentaire:
"un film à l'image d'un pays idéal"... c'est bien dit... Un film dans lequel on aimerait habiter, ajouterai-je...
Rozier, Miossec, Gébé, rassemblés en un texte très pertinent sur l'un des 4 ou 5 films français que je préfère. Bravo.
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