Non, je n’avais rien vu au romantisme de Boulevard de la mort. La faute à la Croisette de la mort ?... Repentir immédiat !
La lumière se rallume et tout penaud, je m’incline : « ben, oui, finalement, il est bien ce film ». Comment se fait-il qu’en deux semaines et deux visions, mon avis sur un film fluctue-t-il à ce point ? Pourquoi ai-je pris énormément de plaisir à la deuxième vision de Boulevard de la mort alors que la première m’avait ennuyée à mourir ? Etait-ce ma recherche d’antidote à l’hystérie cannoise qui me faisait élire d’emblée les films calmes et déprécier les films « tapageurs » ? La faute à la rallonge de 17 minutes de la version cannoise qui aurait suffi à délayer le film ? Avais-je cédé trop vite à la périlleuse tentation de brûler ce que j’avais précédemment adoré ?
Comme il était quand même impossible d’en vouloir à Quentin, je me raccrochais à l’incontestable : une super BO (mais ne serait-ce pas la moindre des choses, maintenant que nous nous y sommes habitués, cher Quentin), les génériques de début et de fin fétichistes, sensuels et malicieux et le morceau de bravoure de la poursuite finale, le meilleur moyen de ressentir le frisson d’expériences fort enivrantes, fort tentantes mais jamais reportées, suite à leur haut degré de risque : chute libre avec oubli de parachute ou sniffage de douze lignes de coke consécutives. Certes, tout cela, c’est déjà pas mal, mais ça ne suffit pas à faire un film. Telle était ma ligne de défense…
Spontanément, mes deux moments préférés de tous les Tarantino sont parmi les moins spectaculaires de sa filmo : le tout début et la toute fin de Jackie Brown. Le visage de Pam Grier, une fois de profil, une fois de face, une fois muette, une fois qui chantonne, et deux fois la même chanson (Across 110th street de Bobby Womack).
La lumière se rallume et tout penaud, je m’incline : « ben, oui, finalement, il est bien ce film ». Comment se fait-il qu’en deux semaines et deux visions, mon avis sur un film fluctue-t-il à ce point ? Pourquoi ai-je pris énormément de plaisir à la deuxième vision de Boulevard de la mort alors que la première m’avait ennuyée à mourir ? Etait-ce ma recherche d’antidote à l’hystérie cannoise qui me faisait élire d’emblée les films calmes et déprécier les films « tapageurs » ? La faute à la rallonge de 17 minutes de la version cannoise qui aurait suffi à délayer le film ? Avais-je cédé trop vite à la périlleuse tentation de brûler ce que j’avais précédemment adoré ?
Comme il était quand même impossible d’en vouloir à Quentin, je me raccrochais à l’incontestable : une super BO (mais ne serait-ce pas la moindre des choses, maintenant que nous nous y sommes habitués, cher Quentin), les génériques de début et de fin fétichistes, sensuels et malicieux et le morceau de bravoure de la poursuite finale, le meilleur moyen de ressentir le frisson d’expériences fort enivrantes, fort tentantes mais jamais reportées, suite à leur haut degré de risque : chute libre avec oubli de parachute ou sniffage de douze lignes de coke consécutives. Certes, tout cela, c’est déjà pas mal, mais ça ne suffit pas à faire un film. Telle était ma ligne de défense…
Spontanément, mes deux moments préférés de tous les Tarantino sont parmi les moins spectaculaires de sa filmo : le tout début et la toute fin de Jackie Brown. Le visage de Pam Grier, une fois de profil, une fois de face, une fois muette, une fois qui chantonne, et deux fois la même chanson (Across 110th street de Bobby Womack).
Un visage et une chanson, rendus dans toute leur rondeur et leur plénitude, et ça suffit à ressentir toute l’intensité d’un regard amoureux du réalisateur pour son actrice.
Et des moments comme ça, Boulevard de la mort en est rempli à ras bord et aucun de ces moments n’avaient imprimé ma mémoire. J’avais les yeux bouchés ou quoi pour ne pas apprécier :
Les plantes des pieds de Rosario Dawson qui ne demandent qu’à être chatouillées.
Et des moments comme ça, Boulevard de la mort en est rempli à ras bord et aucun de ces moments n’avaient imprimé ma mémoire. J’avais les yeux bouchés ou quoi pour ne pas apprécier :
Les plantes des pieds de Rosario Dawson qui ne demandent qu’à être chatouillées.
Le regard médusé de Vanessa Ferlito devant les phares éblouis et qu'elle comprend que la mort va lui surgir dans la gueule.
Les « I’m soooo sooooorrrryyyy » susurrés par Lee, la pom-pom girl en chef,
La prière « Don’t finish in dead end » psalmodiée par Tracy Thoms au volant.
Le « or something » lâché laid back pour toute réponse de Jungle Julia à la réponse « Are you famous or someting ? ».
And above all, her majesty Zoë Bell « as herself », en amazone rugissante sur le capot de la Dodge Challenger. Et puis ce geste incroyable de la part de Quentin : offrir un tel rôle à Zoë Bell, starifier la doublure d’Uma dans Kill Bill, et remettre la travailleuse de l’ombre en pleine lumière. Un geste d’amour incroyable, si godardoannakarinien, un geste qui à lui seul vaut bien un film.
And so on… On pourrait multiplier les exemples à l’envie tant chaque membre du posse féminin est bien servi par le regard du réalisateur, suivant sans doute le souhait fantasmatique de Tarantino qui voudrait que chaque scène, chaque réplique, chaque seconde de son œuvre soit culte. Mais tous ces petits moments, fétichisés à l’extrême, dessinent derrière le blockbuster d’action, un monument fleur bleue, un précis de romantisme contemporain, une sorte de carte du tendre de l’ère pop.
Cher Quentin, peut-être ton film vient-il trop tard pour moi. L’aurais-je vu à 14 ans, il m’aurait fait gagner du temps. J’aurais enfin su de quoi parlent les filles entre elles, pendant que nous autres, idiots de garçons, nous autres qui n’y connaissons rien aux bagnoles, avons le dos tourné.
L’aurais-je vu à 14 ans, il m’aurait permis de savoir que pour faire fondre les canons, il n’y a rien de plus simple que de leur offrir l’« Italian Vogue » du mois et qu’elle sont dix fois plus sensibles aux K7 enregistrées qu’aux CD gravés.
L’aurais-je vu à 14 ans, sa dimension fleur bleue, elle m’aurait beaucoup plus parlé. L’aurais-je vu à 14 ans, l’aurais-je sans doute mieux cerné, vraiment apprécié à sa juste valeur, sans arrière-pensées malveillantes.
Cher Quentin, l’ambivalence de ta démarche justifierait-elle la versatilité de mon jugement ? Quentin, on sait bien que tu es le roi des petits malins, des roublards patentés, mais qu’au fond, tu restes d’une sincérité rare. On sait bien que tu ne fais que citer, recycler et que pourtant tu aboutis à des moments de pure innocence, comme filmés pour la toute première fois. Pour faire valoir tes expérimentations narratives, tu es obligé de prendre sur toi toute la crétinerie de l’entertainment. Cher Quentin, je t’avais prédit un destin à la Wenders : être le cinéaste icône d’une décennie, le gourou ultra-cinéphile invoquant le cinéma comme un dieu, recyclant et fabriquant l’air de sa propre époque, mais paraître soudainement hors du coup la décennie suivante. Désolé pour moi, mais le « devenir Wim » de Quentin n’est pas encore pour cette fois.
Depuis quand n’avais-je pas été excédé ou dérouté par un film avant de reconnaître plus tard son intérêt et son importance ? Je pourrais citer des titres de Godard, Garrel, Tsaï Ming Liang, Oliveira ou Rivette. Le fait qu’un cinéaste mainstream rejoigne cette confrérie plus que subjective en dit long sur le paradoxe de ce film. Ce n’est pas parce qu’il est facile à voir qu’il est si évident à recevoir.
Cher Quentin, ton générique de fin, que j’avais quand même sauvé à la première vision offre la plus belle dénégation qui soit. « Laisse tomber les filles » chante April March en reprenant France Gall. Petit menteur, va ! Tu n’en crois pas un mot, toi qui filme si bien les filles, toi qui est le meilleur réalisateur d’action romantique. Tu n’y crois pas plus que Franck Black quand il hurle « This ain’t the planet of sound »…. alors que tous les disques des Pixies sont tombés tout droit de cette planète du son, planète bien éloignée de notre système solaire, planète que seuls quelques génies de la musique savent localiser.
Mon cher Quentin, on sait bien que tes films sont tombés de la planète du cinéma, mais la planète du son n’est jamais loin non plus dans ton inspiration. Maintenant, que tu as dépassé l’énergie et l’envie du rock, pour passer à la volupté et au velouté de la soul, lance-toi dans des grands films romantiques, des films où on retrouvera intact nos frissons et nos sensations d’amours adolescents.
Les « I’m soooo sooooorrrryyyy » susurrés par Lee, la pom-pom girl en chef,
La prière « Don’t finish in dead end » psalmodiée par Tracy Thoms au volant.
Le « or something » lâché laid back pour toute réponse de Jungle Julia à la réponse « Are you famous or someting ? ».
And above all, her majesty Zoë Bell « as herself », en amazone rugissante sur le capot de la Dodge Challenger. Et puis ce geste incroyable de la part de Quentin : offrir un tel rôle à Zoë Bell, starifier la doublure d’Uma dans Kill Bill, et remettre la travailleuse de l’ombre en pleine lumière. Un geste d’amour incroyable, si godardoannakarinien, un geste qui à lui seul vaut bien un film.
And so on… On pourrait multiplier les exemples à l’envie tant chaque membre du posse féminin est bien servi par le regard du réalisateur, suivant sans doute le souhait fantasmatique de Tarantino qui voudrait que chaque scène, chaque réplique, chaque seconde de son œuvre soit culte. Mais tous ces petits moments, fétichisés à l’extrême, dessinent derrière le blockbuster d’action, un monument fleur bleue, un précis de romantisme contemporain, une sorte de carte du tendre de l’ère pop.
Cher Quentin, peut-être ton film vient-il trop tard pour moi. L’aurais-je vu à 14 ans, il m’aurait fait gagner du temps. J’aurais enfin su de quoi parlent les filles entre elles, pendant que nous autres, idiots de garçons, nous autres qui n’y connaissons rien aux bagnoles, avons le dos tourné.
L’aurais-je vu à 14 ans, il m’aurait permis de savoir que pour faire fondre les canons, il n’y a rien de plus simple que de leur offrir l’« Italian Vogue » du mois et qu’elle sont dix fois plus sensibles aux K7 enregistrées qu’aux CD gravés.
L’aurais-je vu à 14 ans, sa dimension fleur bleue, elle m’aurait beaucoup plus parlé. L’aurais-je vu à 14 ans, l’aurais-je sans doute mieux cerné, vraiment apprécié à sa juste valeur, sans arrière-pensées malveillantes.
Cher Quentin, l’ambivalence de ta démarche justifierait-elle la versatilité de mon jugement ? Quentin, on sait bien que tu es le roi des petits malins, des roublards patentés, mais qu’au fond, tu restes d’une sincérité rare. On sait bien que tu ne fais que citer, recycler et que pourtant tu aboutis à des moments de pure innocence, comme filmés pour la toute première fois. Pour faire valoir tes expérimentations narratives, tu es obligé de prendre sur toi toute la crétinerie de l’entertainment. Cher Quentin, je t’avais prédit un destin à la Wenders : être le cinéaste icône d’une décennie, le gourou ultra-cinéphile invoquant le cinéma comme un dieu, recyclant et fabriquant l’air de sa propre époque, mais paraître soudainement hors du coup la décennie suivante. Désolé pour moi, mais le « devenir Wim » de Quentin n’est pas encore pour cette fois.
Depuis quand n’avais-je pas été excédé ou dérouté par un film avant de reconnaître plus tard son intérêt et son importance ? Je pourrais citer des titres de Godard, Garrel, Tsaï Ming Liang, Oliveira ou Rivette. Le fait qu’un cinéaste mainstream rejoigne cette confrérie plus que subjective en dit long sur le paradoxe de ce film. Ce n’est pas parce qu’il est facile à voir qu’il est si évident à recevoir.
Cher Quentin, ton générique de fin, que j’avais quand même sauvé à la première vision offre la plus belle dénégation qui soit. « Laisse tomber les filles » chante April March en reprenant France Gall. Petit menteur, va ! Tu n’en crois pas un mot, toi qui filme si bien les filles, toi qui est le meilleur réalisateur d’action romantique. Tu n’y crois pas plus que Franck Black quand il hurle « This ain’t the planet of sound »…. alors que tous les disques des Pixies sont tombés tout droit de cette planète du son, planète bien éloignée de notre système solaire, planète que seuls quelques génies de la musique savent localiser.
Mon cher Quentin, on sait bien que tes films sont tombés de la planète du cinéma, mais la planète du son n’est jamais loin non plus dans ton inspiration. Maintenant, que tu as dépassé l’énergie et l’envie du rock, pour passer à la volupté et au velouté de la soul, lance-toi dans des grands films romantiques, des films où on retrouvera intact nos frissons et nos sensations d’amours adolescents.
(rassurez-vous les filles, Quentin vous laissera jamais tomber!)
1 commentaire:
Idem, la deuxième vision de Boulevard de la mort fut la bonne, étrange expérience que ce film de Tarantino. L'élément déclencheur qui m'a donné envie de le revoir fut la chanson du générique de fin Chick Habit.
www.kusanagimotoko.blogspot.com
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