vendredi 1 juin 2007

Miroir du cinéma

Je ne suis absolument pas sûr que ce film soit le meilleur de son auteur, mais il contient en son cœur une séquence absolument saisissante.
Le film prend pour cadre la dernière séance d’une vieille salle de cinéma « à l’ancienne », sorte de théâtre décati. C’est la fin de la projection. Les lumières se rallument. Les quelques spectateurs sortent tranquillement de la salle…
Le plan continue. La salle déserte….
Et le plan dure….
Dure….
Dure....
Dure…
Sur l’écran, des rangées de fauteuils vides sous la lumière.
Dans la salle (celle qui projette le film que nous voyons), quelques fauteuils occupés plongés dans le noir de la projection.
Mais dans la salle (toujours celle que nous occupons), quelques spectateurs excédés par la longueur excessive de ce plan (combien ? deux, trois, quatre minutes peut-être pas plus, mais qui ont l’air d’en paraître vingt) font claquer leur fauteuil et rejoignent la sortie. Avec quelques instants de retard, ils imitent les acteurs du film qui ont eu l’air de déserter eux-mêmes l’écran où leurs silhouettes étaient projetées. C’est la Rose pourpre du Caire, en réel et surtout en négatif ! Au lieu que le cinéma et le spectateur aillent à la rencontre l'un de l'autre, ils se fuient l'un l'autre comme deux animaux apeurés.
Ce plan d’une salle de cinéma vide aurait-il le don de vider la salle où il est projeté ? Qui sortira indemne de ce duel entre le cinéma et son reflet, entre la salle et son miroir ? A la fin, restera-t-il une âme qui vive que ce soit sur l’écran ou dans la salle ?
Tous les tenants de « la mort du cinéma » - cette « mort » qui commence sérieusement à (nous) courir - ont rêvé (ou cauchemardé) cet instant, ce tombeau minimal et définitif du cinéma, sa mutation en un pur dispositif d’installation, qui se passerait presque du spectateur !
Et pourtant cet instant, on ne peut le vivre que dans une salle de cinéma.

C’est pour ça que ce film, je n’ai jamais voulu le voir en DVD. Pour tout dire, ce film, Good Bye Dragon Inn de Tsaï Ming Liang, je ne l’ai même pas vu et ce moment, cette expérience, on me l’a racontée. Et oui, j’ai encore écrit sur un film que je n’ai pas vu, mais ce sera bientôt réparé puisqu’il passe ce dimanche à 16h15 au Méliès à Montreuil.

Sinon, ce mercredi sort I don’t want to sleep alone. Comme je l’ai déjà vu lors d’une avant-première intellectuelle, je pourrai aussi bientôt écrire dessus.

2 commentaires:

mayberose a dit…

Moi non plus je n'ai jamais vu ce film Good Bye Dragon Inn de Tsaï Ming Liang, mais juste Vive l'Amour, film magnifique...
D'ailleurs je vais aller voir son dernier film, ce cinéaste est d'une sensibilité rare. J'ai beaucoup de retard par rapport à sa filmographie que je connais mal alors que son premier film m'a bouleversé. Je vais remédier à cela, les beaux films sont si rares... enfin c'est un cinéma qui me touche beaucoup.
Bravo en tous cas de pouvoir parler de film que tu n'as pas encore vu avec un tel talent. Merci sincèrement pour toutes ces références cinématographiques, on en apprend chaque jour.
J'ai hâte de lire ta version sur le film Good Bye Dragon Inn et I don't want to sleep alone. Au plaisir de te lire, et vive l'amour et le cinéma ;))
Kinsa - http://imagetemps.canalblog.com

Joachim a dit…

Good Bye Dragon Inn, c'est intéressant mais somme toute assez théorique, alors que I don't want to sleep alone ouvre vraiment des perspectives émotives assez rares. Je te le conseille, surtout après les derniers "débats" sur la danse danse dans ce blog. C'est un film sans chant ni danse, mais qui fait un usage étonnant de la communication des corps et des épidermes. Je n'en dis pas trop, car ce doit être le sujet d'un prochain billet, dans les jours qui viennent.