Après le départ de Bertrand B. lors du précédent tour de l'Auteur Academy, les rangs se resserrent dans le ghota du cinéma mondial et à l'issue d'une revue d'effectifs, il est temps de proposer trois nouveaux nominés pour cette année.
Pour sauver Claire Denis, tapez 1 !
L'avis du conseil de classe :
Bon, Claire, tu n'étais pas à Cannes cette année, mais ce sommet d'académisme contemporain qu'est 35 rhums, je n'arrive toujours pas à m'y faire. La routine du film de festival ou un corrigé des annales de la Fémis, c'est tout ce que ça m'évoque, ta chronique sensiblarde avec les signes du bon goût apparent (Bresson, Ozu, Tindersticks), ce culte du sous-entendu et ce refus ostensible du récit "pour faire moderne". Cette nomination te pendait au nez depuis plusieurs films, mais cette fois, c'est pour que tu te ressaisises. Bon, en même temps, peu de chances que tu partes puisque tu seras, de toute façon sauvée par tes copains, euh, les critiques, je veux dire.
Pour sauver Raya Martin, tapez 2 !
Trop speed, le Raya, même plus le temps d'enlever son casque entre deux longs-métrages !
L'avis du conseil de classe :
Bon, Raya, tu sais que tu en énerves plus d'un ! 25 ans, déjà sept (!) longs-métrages dont trois (!!) en 2008 et deux (!!! enfin un et demi puisque le second Manila est une co-réalisation avec Adolfo Alix Jr.) en sélection officielle cette année. Bon, Raya, à Cannes, tu as présenté Independencia à Un certain regard et, excuse-moi, mais ça sent beaucoup trop la copie de premier de la classe : énumération de toutes les aides festivalières possibles et inimaginables au générique (fonds Sud et Huberts Bals, Cinéfondation, Berlin, Rotterdam...) et surtout catalogue de tous les tics post-modernes (film pastiche ou plutôt fabrication de "fausses archives", culte de l'artifice, césure du film en son milieu, installationisme hurlé à chaque plan), qui font juste signe et pas oeuvre. C'est du prêt-à-conceptualiser ton cinéma, au service, d'une forme attrape-gogo et d'un fond somme toute convenu (le colonialisme, ça a fait du mal, pour y échapper, il faut retourner à l'état de la nature, mais la nature est mauvaise). Certes, tu n'es pas nul et tout n'est pas à jeter dans ton film, mais la réussite de la belle scène d'orage à la fin insinuerait presque un doute : et si tu tenais juste à nous montrer que tu en as ! D'autant plus qu'en présentant ton film, tu as indiqué que tu "étais prêt à mourir pour le cinéma". Franchement inquiétant, ça Raya ! Tu tiens vraiment à prendre la place de cinéaste taliban de Lars von Trier ?
Un conseil puisque tu es encore jeune : Vis ! Arrête de te jeter sur les dossiers de subvention et (accessoirement) sur ta caméra ! Tu as 62 ans de moins que Resnais, 75 de moins qu'Oliveira et donc encore un certain temps devant toi avant de faire des films vraiment novateurs !
Rassurant, pas rassurant (c'est selon) : à ton sujet, Libé a l'air de penser la même chose.
Pour sauver Tsaï Ming Liang, tapez 3 !
L'avis du conseil de classe :
Bon Dieu, Tsaï, que t'es-t-il arrivé ? Tes deux derniers films étaient inventifs, insolents et poignants ! Tu semblais être revenu au meilleur de ta forme. Ton Visage, je l'attendais avec impatience et je constate avec tristesse que tu as sauté à pieds joints dans l'art officiel, dans l'installation mondano-chic, embaumée et qui en dit long sur certaines "commandes" propres au cinéma français voire purement parisien. Rive droite, on filme les hauts revenus du cinéma français s'inviter à dîner en ville (Le code a changé de Danièle Thomson). Rive gauche, on convoque autour de la table les icônes du patrimoine (Jeanne Moreau, Fanny Ardant, Jean-Pierre Léaud) qui, c'est triste et terrible à dire mais c'est comme ça, apparaissent aujourd'hui aussi impossibles à filmer que Depardieu.
A la table de la grande famille du cinéma français !
Dans chacun des deux cas, le même ennui, le même embarras devant ce défilé de noms, ce petit milieu clos sur lui-même et constamment orienté dans le rétroviseur. Et Tsaï, malgré quelques éclats qui restent de ton cinéma, on a l'impression que tu t'es autant ennuyé à faire ton film que nous à le regarder. Certes, là non plus, tout n'est pas nul. Le film commençait même bien avec ce rendez-vous manqué dans un café où l'attention ne se focalise que sur quelques motifs purement parisiens (la tasse de café, l'envol des pigeons dans le reflet de la façade vitrée). Et de temps en temps, on retrouve encore des traces de ton humour cinglant, de ta poésie scabreuse, de ton insolence minimale (ce travelling souterrain où tu oses l'ombre de la caméra). On voit que tu t'es plu à regarder Laetitia Casta (belle séquence des yeux maquillés) et que tu as osé avec elle (très belle scène d'amour au briquet ambiance "Georges de la Tour") ce que la déférence t'a interdite avec les autres. Mais au final, les bons moments de Visage sont trop épars pour faire vraiment décoller le film. Il y avait les coffee table books, les livres (souvent d'art et pas lus) à faire traîner sur la table basse. Là, Tsaï, tu viens d'inventer le "coffee table film", le DVD qui traînera sur la table basse d'un fonctionnaire du Ministère de la Culture, rue Guynemer. Au moins, tu as inventé un genre, mais tu mérites tellement mieux que ça, Tsaï ! Reviens, Tsaï ! On te pardonne pour cette fois, mais je t'en supplie, reviens !
Rassurant, pas rassurant (c'est selon) : à ton sujet, Libé a l'air de penser exactement le contraire.
Bon, on me dit que ce n'est pas la peine d'appeler puisque c'est Michael qui a gagné de toute façon !
4 commentaires:
Alors là, aucune hésitation je vote pour sauver Tsaï.
D'accord, on a un peu l'impression qu'il a tout donné lors des premiers "prime", dans lesquels il était sidérant même quand il faisait dans la comédie musicale à la chinoise (The hole), et qu'il peine légèrement à se renouveler avec ses derniers shows (quoique, La saveur de la pastèque, quand même...). Peut-être faut-il qu'il arrête de lorgner vers les maisons de disques occidentales et cette sacrée New Wave...
Sinon, j'espère que ce com' ne me sera pas surtaxé...
Ses deux dernières presta' à Taiwan et à Kuala Lumpur avaient de la gueule quand même... Là, pour le Midem, il était un peu tétanisé mais il va se reprendre.
Ah ah j'adore cet article.
Bonjour Jo, au passage (je suis revenu d'Asie)
Merci Charly.
J'ai vaguement suivi ton périple, par blog interposé. J'espère que le retour sur l'asphalte parisien n'est pas trop brutal. Au plaisir de se croiser...
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