Avec Irène, Alain Cavalier se confronte à sa plus intense douleur: la disparition brutale de sa compagne, Irène Tunc, dans un accident de voiture un dimanche de janvier 1972. Après avoir tourné autour de ce traumatisme qui entraîna une rupture dans sa manière de pratiquer le cinéma dans Ce répondeur ne prend pas de messages en 1979, Cavalier le réinvestit à nouveau en fier enquêteur de sa propre obsession.
Le meilleur du film tient dans sa façon de tourner autour de cette figure de la muse et d'en imaginer plusieurs possibles de sa représentation : une photo secrète de Sophie Marceau, une silhouette dans la nuit, des ombres sur des draps, des natures morts à base d'oreillers et de lits défaits, des sculptures improvisées à base de boules et de pierres. Belle quête que celle de l'empreinte de ce corps adoré puis évanoui. Dans ces moments-là, l'invention de Cavalier fait merveille. L'absence de chair donne paradoxalement corps à cette obssession (quasi vertigo-ienne), obsession qui n'en devient que plus puissamment charnelle.
Peu importe si le film me paraît parfois plus morne que ses précédents, touché par une certaine baisse de vitalité (mais en même temps, c'est aussi le sujet du film) et suscitte parfois davantage le respect (de la démarche) que la pure émotion. Il n'en reste pas moins qu'à son meilleur, ce dernier (peut-être vraiment le dernier, j'ai l'impression) opus transmet le vertige de filmer, de se raccrocher à l'objectif de la caméra vidéo, montré ici non seulement comme un prolongement de l'oeil, mais appelant aussi d'autres figures trouées : le cyclone intime, le centre de la spirale vertigineuse du souvenir (impressionnante séquence où Cavalier se casse la gueule dans les escaliers, tout en refusant de lâcher sa caméra), l'origine du monde.
Je cherchais une image pour éclairer cette idée de l'empreinte du corps absent et j'apprends que cette toile de Magritte : s'intitule La philosophie dans le boudoir (1947). Occasion d'évoquer un autre film honteusement mal accueilli et qui a fait pas mal jaser : Kinatay (Brillante Mendoza), une autre histoire de corps en morceaux. Mais sans doute aussi un sérieux prétendant au titre de "film le plus sadien de la compétition" (sous-catégorie où le ciné-évangéliste Lars von Trier et Park Chan Wook ont déjà apporté leur contribution, en attendant éventuellement Tarantino, Haneke et Gaspar Noé dont les films ne sont pas encore passés, mais dont le casier contient déjà de lourds sévices et mutilations en scope).
Le meilleur du film tient dans sa façon de tourner autour de cette figure de la muse et d'en imaginer plusieurs possibles de sa représentation : une photo secrète de Sophie Marceau, une silhouette dans la nuit, des ombres sur des draps, des natures morts à base d'oreillers et de lits défaits, des sculptures improvisées à base de boules et de pierres. Belle quête que celle de l'empreinte de ce corps adoré puis évanoui. Dans ces moments-là, l'invention de Cavalier fait merveille. L'absence de chair donne paradoxalement corps à cette obssession (quasi vertigo-ienne), obsession qui n'en devient que plus puissamment charnelle.
Peu importe si le film me paraît parfois plus morne que ses précédents, touché par une certaine baisse de vitalité (mais en même temps, c'est aussi le sujet du film) et suscitte parfois davantage le respect (de la démarche) que la pure émotion. Il n'en reste pas moins qu'à son meilleur, ce dernier (peut-être vraiment le dernier, j'ai l'impression) opus transmet le vertige de filmer, de se raccrocher à l'objectif de la caméra vidéo, montré ici non seulement comme un prolongement de l'oeil, mais appelant aussi d'autres figures trouées : le cyclone intime, le centre de la spirale vertigineuse du souvenir (impressionnante séquence où Cavalier se casse la gueule dans les escaliers, tout en refusant de lâcher sa caméra), l'origine du monde.
Je cherchais une image pour éclairer cette idée de l'empreinte du corps absent et j'apprends que cette toile de Magritte : s'intitule La philosophie dans le boudoir (1947). Occasion d'évoquer un autre film honteusement mal accueilli et qui a fait pas mal jaser : Kinatay (Brillante Mendoza), une autre histoire de corps en morceaux. Mais sans doute aussi un sérieux prétendant au titre de "film le plus sadien de la compétition" (sous-catégorie où le ciné-évangéliste Lars von Trier et Park Chan Wook ont déjà apporté leur contribution, en attendant éventuellement Tarantino, Haneke et Gaspar Noé dont les films ne sont pas encore passés, mais dont le casier contient déjà de lourds sévices et mutilations en scope).
Disons que Kinatay, c'est "Van der Keuken meets le divin marquis". L'histoire d'un jeune étudiant en criminologie qui, pour subvenir à ses besoins, doit accepter de faire des heures sup nocturnes au service d'un "gang des barbares" local. Première partie: grouillant documentaire dans le labyrinthe du "Manille global village" qui donne véritablement l'impression d'ouvrir toutes les portes de la cité et de la société. Deuxième partie de la trajectoire : dans une maison isolée et coupée du monde, une sombre histoire de vengeance, châtiment, loi du talion traitée sur le mode d'un macabre cérémonial avec durée réelle (comme chez Sade, il faut partir loin, très loin et pour ressentir cet éloignement, il faut tout indiquer du trajet) où si les nerfs sont mis à contribution, ce n'est pas tant avec ce que l'on voit (plutôt des ombres et comme dans Salo, on sent quand même que le réalisateur s'est posé beaucoup de questions sur les "dispositifs de voyeurisme", la synchronisation ou non du son et de l'image) qu'avec ce que l'on ressent (bad, bad, bad vibrations). Deux parties donc, jour et nuit, grouillement et platitude, vie de famille et loi du gang, chacun montrés comme deux faces indissociables d'une même réalité. Film pour le coup plus qu'inconfortable et désespéré, mais qui ne mérite pas le dédain avec lequel il a été traité. Tarantino, qui assistait à la séance, a récolté trois fois plus d'applaudissements (comme s'il en avait encore besoin) à son entrée dans la salle que l'équipe et le film cumulés . Gageons que le film a parlé à sa psyché la moins avouable, celle qui lui permet de produire les films de Roger Avary (Killing Zoe) et d'Eli Roth (Hostel), films que je n'ai jamais vus, mais qui ont la réputation d'avoir, selon certains critiques, orchestré la rencontre de Sade et Georges Bataille avec le slasher movie.
Aujourd'hui au programme : Bellochio, Almodovar et un film collectif du "jeune cinéma roumain" sous la houlette de Cristian Mungiu. Demain, Moullet, Tarantino, Resnais. On bénit les jours où la vie a oublié d'être une chienne.
1 commentaire:
On devait être plus ou moins aux mêmes séances pour Bellocchio et Almodovar. Je serais au Tarantino à Midi. Il y a effectivement des moments plus durs dans la vie :)
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