vendredi 22 mai 2009

Into the void

Enter the void n'est ni sublime, ni scandaleux, juste monotone et paresseux. Un film qui ne dévie jamais de son (mince) programme exposé avec un sérieux papal, un peu comme si mon petit frère de 15 ans venant de lire le livre des morts tibétains, tentait de m'expliquer le bouddhisme. Entendu à la sortie : "la caméra tourne tout le temps sur elle-même et rentre dans tous les trous où elle peut rentrer. C'est donc un film très pénétrant". Si je rajoute que pour ma part, cela constituait mon dépucelage avec le cinéma de Gaspar Noé, c'est peut-être le mot qui convient, si on veut, oui...

Et puis, je me suis rendu compte qu'avec mon téléphone portable posé sur l'escalator du Palais et en visant les néons, je pouvais faire comme Gaspar Noé : reproduire le célèbre Beyond the infinite de 2001 :



Bon, je m'en veux presque de prendre des cibles faciles et de ne pas parler davantage des films plus intéressants , mais j'attends un peu que ça se décante. Le cas le plus exemplaire étant celui de Tarantino, dont les deux heures et demie n'apparaissent paradoxalement que la face émergée de l'iceberg: une super bande-annonce d'une épopée démente et d'une grande complexité de lecture. Cela pourrait sonner comme une critique, mais pour moi, c'est un immense compliment. Je tenterai d'y revenir dans quelques jours. J'ai entendu '33 parler de film langien. Assez séduit par l'hypothèse, d'autant plus que le film paraît même offrir le plus beau des hommages à l'auteur de Mabuse : ni plus ni moins que lui (re)donner les armes pour que son cinéma prenne sa revanche sur le nazisme.

Sinon, ce matin, leçon d'élégance, d'invention et de discrétion avec The time that remains d'Elia Suleiman. Là encore, peut-être de plus amples développements bientôt. Ca valait le coup d'attendre sept ans.

Je me demande si les Herbes folles ne poursuit pas secrètement le plus déroutant des Resnais Je t'aime, je t'aime (1968). Il y a quarante ans, c'était "la minute sans fin" que le héros était condamné à revivre. Déjà, au niveau de la boucle temporelle, c'était un peu autre chose que Noé et son permanent fantasme d'extase et de régression. Aujourd'hui, les Herbes folles, c'est une "minute originelle" qui ne cesse d'être repoussée, fantasmée, réinterprétée... Et aujourd'hui, ce déroutant épilogue de l'enfant aspirant au devenir-chat, quand il y a quarante ans, on affirmait que "l'homme invente des milliers d'objets que pour produire les quelques objets nécessaires au chat".

8 commentaires:

B* a dit…

Bon, allez, après cette semaine d'intervention cinéphilique, la question que les français se posent : TU METS QUI EN PALME D'OR ?

(Et si c'est déjà passé : T'AURAIS MIS QUI EN PALME D'OR)

@+

Joachim a dit…

Ca vient, ça vient, les commentaires de bistro sur le palmarès...
Il y aura d'autres posts sur Cannes.
Pour moi, ça se jouait entre "The time that remains" de Suleiman et "les herbes folles" de Resnais. Viennent ensuite Tarantino et Bellochio.

TS a dit…

(bâillement)

Joachim a dit…

Bâillement pourquoi ? Parce qu'on entend toujours les mêmes choses à propos des mêmes films ?

B* a dit…

Moi je bâille pas mais je me demande si filer une palme d'or à son grand pote Haneke qui vous a filé un très beau rôle de pianiste perverse il y a quelques années, ce serait pas un copinage éhonté ?

Mais est-ce que c'est possible de faire du cinéma sans être copain avec toute la clique du cinéma ? Et comme je vois pas vraiment d'exemple de franc-tireur (ou alors disons Godard, mais c'est un dinosaure issu d'une autre ère), je me dis :

Non ce n'était pas le radeau de la méduse ce bateau, c'était des tas de yachts dans le vieux port, et ils (s')appelaient les copains d'abord.

L'instinct grégaire, en somme.

Joachim a dit…

Les histoires de "copinage" jurés-primés, c'est une vieille lune (et inévitable) qu'on retrouve dans tous les milieux et à tous les niveaux (aussi bien dans un concours lycéen qu'à Cannes ou au Goncourt). Et par rapport aux manoeuvres du milieu littéraire, j'ai tendance à penser (mais serais-je naïf) que c'est un tout petit peu (mais juste un peu) "moins pire" dans le cinéma. Cela dit, ça joue aussi dans les deux sens. L'année où la Palme semblait promise à Wong Kar Wai pour 2046, il y avait son ennemi juré Tsui Hark dans le jury, ce qui du coup lui a retiré toutes ses chances. Perversion des organisateurs ou diplomatie florentine ? Là, on entre dans des arcanes qui en dépassent beaucoup.

Ska a dit…

Je te trouve encore trop indulgent. Le Noé, c'était quand même le film le plus bête (pour rester poli) du festival... Bêtise esthétique (Ah ! les clignements des paupières dans les plans subjectifs), complaisance absolue pour les effets chocs et gratuits et bêtise extrême du propos (près de trois heures pour ça !). Un sans-faute de connerie, vraiment !

Joachim a dit…

Ah, ah, je vois qu'on a dû assister à la même "projection de fête foraine qu'on aurait raté pour rien au monde afin d'être les premiers à découvrir un film qu'on allait adorer détester". Précisément, avec quelque recul, je me demande si ce film n'est pas "trop facile à attaquer" (encore plus facile qu'Antichrist, c'est dire). En y repensant, je ne l'aime pas beaucoup plus, mais pour être honnête, je ne peux pas dire qu'il ne m'ait rien fait. Certes, c'est un film dix fois trop long, avec deux neurones dans le scénario et qui nous déballe l'énorme artillerie pour écraser une mouche, mais il dégage parfois une certaine tristesse très brute qui ne me laisse pas complètement insensible. Le majeur problème du film est qu'il n'a pas de point de vue sur le plaisir ramené à l'état d'abrutissement (défonce, dope, cul) dans lequel il fonce tête baissée et qui ne demeure que l'unique carburant de la fiction (comme de sa forme). En somme, il saute à pieds joints dans une forme de désespoir esthétisant, qui transmet parfois quelque chose de fort, mais se révèle vite une prison tant mentale qu'esthétique. En somme, le film, verrouillé de tous les côtés, oscille entre désespéré et désespérant, sans que l'on sache très bien si c'est un choix assumé. Et quoique assez étouffante et difficile à aimer, cette oscillation me touche ou m'intéresse par (très rares) fragments (peut-être à peine 5% du métrage du film). C'est déjà ça.