Avant de devenir l'un des architectes les plus admirés, honnis, gouroutisés (rayez les mentions inutiles) d'aujourd'hui, Rem Koolhass a eu une vie antérieure où il tâta un peu de cinéma (mais aussi du journalisme) au sein du collectif à géométrie variable « 1,2,3 etc… », qui, vu comme ça, ressemble à une bande de Beatles teintée d’esprit provo.
Première vie de Koolhass par laquelle on se plaît à éclairer la singularité de sa démarche architecturale, sa façon de présenter ses projets sous forme de BD, de story-board ou de scénario, de concevoir ses bâtiments comme de vastes réservoirs à fictions paradoxales au sein d'une fiction encore plus vaste, plus globale et plus paradoxale, celle de la métropole contemporaine en marche.
Avec le recul, les destinées glorieuses et/ou improbables de chacun des membres de ce collectif laisse rêveur et/ou songeur (selon la signification que l’on veut bien mettre derrière ces mots) . Outre Koolhass, on y retrouve Jan « twister speed tomb raider » de Bont, un certain Samuel Meyering, inventeur de la caisse à outils pliante Rolykit (ce qui lui assure sa statue dans un hall of fame du do-it-yourself), occasionnellement les futurs chep op’ Oliver Wood (Volte-face et les Jason Bourne) et Robbie Müller (celui de Wijm Wenmursch) et à la tête de cette ciné-bandeun certain René Daalder qui, durant les années 70 réalisa plusieurs films d’épouvante à Hollywood, hébergea les Sex Pistols lors de leur tournée américaine et nous dit même imdb « created this classic scene » (mais que veut bien dire created dans un tel contexte ?).
Miracle d’internet, on peut retrouver trace des films de 1,2,3 etc… tournés à la fin des années 60 (plusieurs courts et même un long (L’esclave blanche 1969). Au-delà de l’exhumation, pas sûr que d’un strict point de vue cinématographique, il y ait quelque chose de réellement passionnant dans ce que l’on voit de ces métrages potaches.
Il est tout de même un dernier projet de Koolhaas et Daalder qui sur le papier s’avère plus qu’excitant : Hollywood Tower, écrit en 1974 en collaboration avec un certain… Russ Meyer qui devait, dans ce film incarner le dernier magnat du cinéma. Je cite : « D’après Daalder, qui demanda même à Chet Baker de faire la musique, l’histoire traitait d’un moment critique dans l’histoire future de Hollywood, celui où les acteurs en chair et en os seraient rendus obsolètes par leurs substituts informatiques et les décors produits par les technologies digitales. Tout devenait artificiel. Russ Meyer « le roi du nu » incarnait l’ultime exemple d’humanité tandis qu’Edy Williams (de Beyond the valley of dolls 1970) et Tippi Hendren étaient les dernières actrices humaines de son film-dans-le-film. »
(Source : « Le film à l’envers, les années 60 de Rem Koolhass », article de Bart Loosma, revue Le visiteur, automne 2001), ici en anglais.
Hmmm... Tout porte à croire que ce fantasmatique Hollywood Tower s'inscrit comme le chaînon manquant entre ça :
et ça :
Soit "Flesh and Speed" (Faster, Pussycat ! Kill ! Kill ! Russ Meyer 1965) versus "Pixels and Speed" (Speed racer Wachowski brothers 2008)...
Soit sans doute aussi un jalon intermédiaire dans l'histoire du "bon mauvais goût" hollywoodien...
Soit enfin que c'est dans les vieux fonds de la potacherie, de la série Z, du fétichisme bis que viennent parfois se nicher les intuitions géniales et prophétiques sur le devenir du cinéma. Ils ne devaient pas être nombreux, en 1974, ceux qui prophétisaient l'avènement du virtuel et plus encore, que ce virtuel-là ne serait pas tout à fait synonyme de désincarnation, qu'il n'empêcherait pas l'expressivité des corps et l'interrogation sur ceux-ci. Ainsi, ambiguïté et inversion sexuelles ne cessent de planer sur le cinéma des Wachowski...
Et puis derniers points communs entre Russ et Rem: deux mégalomanes, deux offenses à la mesure et au bon goût, deux gourous, deux miroirs de la vulgarité et puisque Rem voyait en Russ, non seulement le cinéaste total mais carrément le dernier exemple d'humanité, deux qui peuvent ostensiblement proclamer, chacun dans leur domaine : "I am a legend"...
eh bien merci pour la découverte : je ne connaissais absolument pas, même si le mouvement "provo" m'intéresse bien évidemment et que je recherche depuis longtemps le livre qu'Yves Frémion lui a consacré.
Pour tout dire, je ne connais pas non plus grand-chose de ce mouvement, mais rétrospectivement, il éclaire pas mal de contradictions de l'oeuvre de l'architecte Koolhaass dont on ne sait trop s'il célèbre ou s'il détourne (voire tourne en dérision) la frénésie de la métropole contemporaine. Sinon, je ne voudrais pas te titiller, mais j'y ai aussi retrouvé, dans cette démarche, une certaine parenté avec un cinéaste qui te hérisse : Paul Verhoeven, dont j'ai très envie de découvrir les films hollandais. Proximité qui, à mon sens, va au-delà du simple voisinage géographique : travail sur le mauvais goût, revisitation du film d'anticipation et en contrebande, sous-texte politique sur le désir et son refoulement par la société...
Les films hollandais de Verhoeven sont des ovnis. En les regardant, on ne peut même plus se poser la question de savoir s'ils sont bons ou mauvais, car ils sont hors concours et plutôt drôles. C'est plutôt filmé avec les pieds, non-pro et ça n'a pas de sens. "Turkish Delight" est par exemple un film fou à voir au moins une fois. Pour se marrer.
"365 jours ouvrables", c'est un peu plus encourageant qu' "à chaque jour suffit sa peine". C'est surtout le titre d'une (la meilleure ?) chanson de Diabologum , groupe fort inégal mais excitant dans son avidité de découverte et dans les quelques mots d'ordre lancés dans leurs chansons: "A découvrir absolument" ou "L'art est dans la rue", slogans avec lesquels on ne pouvait être que d'accord. Et puis pour avoir mis en musique rageuse le monologue final de Françoise Lebrun dans "La maman et la putain", il sera immensément pardonné à ce groupe. Je retrouvais aussi dans ces compositions une certaine impatience adolescente et désordonnée et surtout une envie de faire partager ses dernières découvertes en musique en art, en cinéma ou en littérature. A sa manière, ce blog tente la même chose. D'abord en tentant d'établir des "passerelles" entre différentes oeuvres et / ou évènements. Ensuite, en essayant de faire découvrir des films rares qui me tiennent à coeur ("films inconnus"). Enfin , mes textes et mes photos interrogent mes expériences autour de mes deux terrains de jeu et chantiers de réflexion favoris: la ville dans laquelle j'évolue et le cinéma que mes yeux préfèrent.
3 commentaires:
eh bien merci pour la découverte : je ne connaissais absolument pas, même si le mouvement "provo" m'intéresse bien évidemment et que je recherche depuis longtemps le livre qu'Yves Frémion lui a consacré.
Pour tout dire, je ne connais pas non plus grand-chose de ce mouvement, mais rétrospectivement, il éclaire pas mal de contradictions de l'oeuvre de l'architecte Koolhaass dont on ne sait trop s'il célèbre ou s'il détourne (voire tourne en dérision) la frénésie de la métropole contemporaine.
Sinon, je ne voudrais pas te titiller, mais j'y ai aussi retrouvé, dans cette démarche, une certaine parenté avec un cinéaste qui te hérisse : Paul Verhoeven, dont j'ai très envie de découvrir les films hollandais. Proximité qui, à mon sens, va au-delà du simple voisinage géographique : travail sur le mauvais goût, revisitation du film d'anticipation et en contrebande, sous-texte politique sur le désir et son refoulement par la société...
Les films hollandais de Verhoeven sont des ovnis.
En les regardant, on ne peut même plus se poser la question de savoir s'ils sont bons ou mauvais, car ils sont hors concours et plutôt drôles.
C'est plutôt filmé avec les pieds, non-pro et ça n'a pas de sens.
"Turkish Delight" est par exemple un film fou à voir au moins une fois.
Pour se marrer.
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