La tour infernale :
Dans la palette de la mégalomanie de Rem Koolhaas, il manquait le frisson néronien, celui du spectacle fabuleux du grand incendie de Rome. C'est fait depuis l'incendie de sa tour de l'Hotel Mandarin à Beijing (la Rome d'aujourd'hui ?).
Il ne s'agit pas de se réjouir que l'oeuvre d'un architecte important (qui plus est, que l'on est toujours prêt à défendre) subisse de tels dommages, mais c'est difficile de passer outre la fascination qu'un tel spectacle procure. Qui plus est, l'incendie ayant eu lieu durant le feu d'artifice clôturant les festivités du Nouvel An chinois, la bande son crépitante ainsi que les gerbes d'étincelles en arrière-plan visibles sur les nombreuses vidéos You Tube en rajoute dans le vertige babélien.
Connaissant la démarche démiurgique de l'architecte, sa façon de surfer sur le moindre soubresaut du monde contemporain, de se penser "par delà le bien et le mal" de la logique libérale qui produit la métropole aujourd'hui, la venue de ce sinistre en pleine crise du monde libéral pourrait, à la limite, faire signe. Toucherait-on même à la fable ? Ce "conte de la tour qui brûle" pourrait même prendre part au corpus des "contes moraux architecturaux" (figurant à la fin de son manifeste inaugural New-York Délire 1978). Connaissant également chez l'architecte son art du rebond dialectique, on en viendrait presque à se demander si en plus de "l'instabilité", de la "non-forme", du "bigness" revendiqués à chacun de ses projets, la "théorie de la catastrophe" ne serait pas le nouvel outil formel et conceptuel à venir dans les prochains articles et conférences de Rem Koolhaas ? Mais Virilio, il bosse déjà avec Nouvel...
La tour du bonheur :
Un homme et une femme vivent et travaillent ensemble, 24 heures sur 24 dans une maison sans cloison, totalement vitrée sur l'extérieur. Nous pouvons tout voir de leur vie, et ce sont même eux qui l'ont choisie, cette transparence de leur quotidien. Ca ne vous rappelle rien ? Ce n'est pas le dernier programme de télé-réalité, mais plus prosaïquement un programme architectural...
... celui de la maison atelier (décrit ici de manière assez précise) à Anvers proposée par le duo Sculp(it) - Silvia Mertens et Pieter Peerlings, architectes. A première vue, je ne sais pas trop quoi penser d'un tel projet. Tout y respire la démonstration propre à faire connaître de jeunes professionnels : exploitation maximale d'une parcelle étroite, à la limite de l'inconstructible ; identification graphique par des vitrines de couleur ; parti-pris constructif simple et radical ; transparence littérale. Et en plus de tout cela, le syndrôme "machine célibataire" remis au goût du jour (quelque peu périmé déjà) d'un avatar de Loft Story : deux humains prêts à se soumettre à la règle d'une machine autiste qu'ils ont eux-même élaborée. Une règle qui résumerait la vie en un zapping de fonctions (travailler, manger, dormir, faire l'amour, se laver, bronzer, recevoir) programmées en duo dans des espaces ouverts et quasi identiques. Et puis derrière cela, cette maison ne nous offrirait-elle pas sur un plateau une ambivalente psychanalyse express du couple créateur : tout entier acquis à son travail et à sa carrière d'ailleurs, puisque pas de chambre d'enfant à l'horizon, vision d'abord séduisante par son angélisme mais dans un second temps, plus inquiétante car à la limite de l'asphyxie.
Ce qui, au final, me rend le projet sympathique (bien plus en tous cas que la quantité du même genre publiée dans Wallpaper), c'est finalement l'humour (si rare en architecture) sur lequel il débouche. A force de tout vider, de refuser les cloisons (les seules séparations sont celles des planchers), se créent des collisions restreintes dans l'espace intime. Ainsi, la douche à quelques centimètres du lit (pas intérêt à laisser traîner un bouquin par terre) ou encore plus fort (puisqu'il n'y a plus de place), la baignoire carrément sur le toit, permettant une nouvelle pratique du panorama urbain. Alors, le dadaïsme, stade suprème du radical minimal chic ?
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