Les beaux gosses : Woh l'autre, comme elle se la joue. De toute façon, son film, il est trop nul.
Deux films. Deux visions de l'adolescence. Test comparatif, composant par composant.
AFFICHE :
BP : Pose alanguie et calculée.
BG : Désarroi sincère.
CASTING :
BP : Acteurs un poil trop vieux pour être encore au lycée. Etalage de noms au générique, reproduction bourdieusienne, apologie du microcosme.
BG : Débutants inconnus qui font leur âge. Choisis au mérite républicain. Part belle donnée aux timides, aux bafouilleurs, à tous ceux qui oublient d'être acteurs d'eux-même.
SCOLARITE :
BP : Acteurs un poil trop vieux pour se retrouver encore au lycée. Incidemment, prof un poil trop jeune, indiscernable de ses élèves. Personne ne s'étonne qu'il déjeune au même troquet que ses élèves, quasiment à la même table.
BG : Il est un animal encore plus étrange que la fille: le prof ! Ah bon, y'en a qui écrivent des livres ? Ah bon, y'en a un qui habite au dessus de chez moi ? Ah bon, la dirlo, elle va au supermarché ?
MUSIQUE :
BP : Nick Drake ressassé à l'infini, mélancolie splendide à la base, mais qui en devient illustrative.
BG : Nappes de synthés Atari qui craignent à la base, mais qui cachent un vrai sens mélodique.
CODES SOCIAUX :
BP : On les connaît tous, merci, pas nécessaire de nous faire un dessin.
BG : Que c'est bon de mettre les pieds dans le plat ! (cf, l'incroyable scène de la soirée)
LA SURPRISE DE L'AMOUR :
BP : Puisque ces sentiments nous dépassent, feignons d'en être les organisateurs.
BG : Mais comment t'a réussi à pécho ?
GOUT (BON / MAUVAIS) :
BP: Bon goût à tous les étages, toutes les références qu'il faut, saupoudrées, salées, poivrées...
BG: Film trop heureux de son absence totale de bon goût et de se présenter à nous si mal sapé...
LA GRANDE FAMILLE DU CINEMA FRANCAIS :
BP : Et si la "belle personne", c'était Honoré lui-même ? Dans le sens où l'adjectif "beau/belle" désigne les pièces rapportées de la famille ("belle-fille", "beaux-parents"). En mettant en scène la captation d'héritage de la Nouvelle Vague, en s'érigeant en "grand frère" d'un cheptel de "fils et filles de", il s'assure ainsi sa place dans l'arbre généalogique du cinéma français.
BG : L'unanimisme est tel autour du film de Sattouf que le vrai "beau gosse" du cinéma français, celui dont tout le monde s'entiche, c'est bel et bien lui.
***
Par ailleurs, je ne résiste pas au fait de copier-coller ici un avis d'Axelle Ropert (pris sur une discussion Facebook et qui ne m'étaient pas spécialement destinés, bon alors, je sais bien que c'est un procédé de sale gosse mais je voulais garder trace de ces mots "de conversation", qui même s'ils sont très spontanés et ne sont pas pensés comme une véritable texte critique me paraissent les plus justes sur le film) :
"Un film teigneux, hirsute, vif mais dense, cruel mais élégiaque quelquefois comme par distraction... et à mourir de rire. Et je n'emploie pas le mot souvent, alors là j'y vais: totalement rock, c'est à dire irrécupérable (pas comme tous ces gens qui font des films simili rock pour trouver une porte d'entrée rapide dans les magazines de mode).
Par esprit rock, j'entends : minimalisme lo-fi, esprit obsessionnel et ricaneur, rapport démuni à la vie, peur des filles, aspirations obscures et visqueuses. Et le film est très loin du réalisme sociologique, il verse plutôt dans l'hyper-réalisme de la science-fiction."
On ne saurait mieux dire...
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Ce "rapport rock et démuni à la vie", je le ressens très fort dans cette petite vidéo qui retrace la chanson de geste libertine :
... surtout dans la façon dont ils récitent ce poème au début, de manière aussi empruntée et élégante que les acteurs de Sattouf. What will they become, ces beaux gosses ? Pour ma part, la question que je me suis posée en sortant de la salle. Si un film nous donne envie d'avoir plus tard des nouvelles de ses acteurs et de ses protagonistes, c'est tout de même une belle preuve de sa réussite, non ?
14 commentaires:
Comment peut-on à la fois "être irrécupérable" et faire l'unanimité ? (J'ai aimé ce film mais tout de même je ne le trouve pas si drôle...)
Rhaa! J'ai très envie de le voir mais il n'est projeté que dans la salle Gaumont que j'ai décidé de boycotter : cruel dilemme !
Joli comparatif... et très beau lapsus de l'interlocutrice : "quelquedois comme par distraction..."
@Dr O : à votre place, moi j'irais le voir, l'amour du cinéma ne l'emporte-t-il pas sur toute considération morale ?
c'est marrant c'est tout le contraire pour moi! J'avais peur que La Belle Personne soit poseur, chiqué comme à peu près tout ce que faisais Honoré avant, et je l'ai trouvé étonnamment émouvant (une grosse surprise).
Et Les beaux gosses au contraire m'ont déçue, j'ai trouvé que ça ne décollait pas.
@Griffe
Bonne question... Je crois qu'"irrécupérable", c'est parce que le film ne se donne pas plus de dignité qu'il n'en a finalement, qu'il occupe bien son horizon peut-être limité et pas super ambitieux a priori, et se contente crânement et simplement de cela. A mon sens, sa valeur va au-delà de sa simple dimension de "comédie régressive" et se trouve dans cette affirmation du manque (irrécupérable ?) de goût et de maîtrise des codes sociaux.
Je ne trouve pas cela incompatible avec son indéniable succès. Quelque part, cela me rappelle un peu celui de Katerine en musique, une sorte de gentil "anti-conformisme -sans doute de surface mais bon...- consensuel et grand public" mais tout de même réjouissant, sincère et inventif (à mes yeux, peut-être pas aux vôtres).
@Doc
Même réponse que celle de Damien. Par ailleurs, toi qui es souvent déprimé par la comédie française, vraiment curieux d'avoir ton avis.
@Damien
Merci. Il me revient d'ailleurs en mémoire (je n'y avais pas pensé au moment de rédiger cette note) que tu avais aussi pondu un comparatif entre Honoré (décidément, c'est sa fête) et "Naissance des pieuvres".
@Lidell
Tout le contraire pour moi... sur la filmo d'Honoré. Au risque de me faire jeter des tomates par les précédents commentateurs (qui vouent ces films aux gémonies), je serais plutôt prêt à (un peu) défendre "Dans Paris" et "Les chansons d'amour" mais pour moi "la belle personne", c'est le comble du factice. Je ne crois à rien là-dedans. Cela dit, je reste curieux de voir son prochain film, histoire, pour ma part de fixer un peu mieux mon opinion sur ce cinéaste.
L'idée de comparer ces films est en effet judicieuse, et je ne peux que souscrire à la moitié de la note, n'ayant vu que la "Belle personne" (sans non plus y croire une seconde)
Bien vue, en effet, cette comparaison. Même si à cette âge-là, quelques années de différence (entre 14/15 ans dans Les beaux gosses et 18 ans dans La belle personne, mettons) sont un gouffre.
Bizarrement, et pour des raisons très différentes, j'ai beaucoup aimé les deux films.
Quant au succès énorme que rencontre Les beaux gosses aujourd'hui, il m'étonne vraiment. Il y a certes les trentenaires de sexe masculin à qui le film ne cesse d'adresser des clins d'oœil. Mais qu'en est-il des ados de 2009 qui vont voir ce film ? Comment le perçoivent-ils ? Il y en avait pas mal dans la salle où je l'ai vu. Et je suis presque sûr qu'aucun d'entre eux ne connaissait les BD de Satouf... En tous cas, le fait que le film marche bien est vraiment réjouissant...
Grand moment de drôlerie quand même dans La Belle Personne, quand un élève veut faire une photo avec... un moyen format (et le trépied qui va avec). Ca devait paraître tout à fait évident et naturel à Honoré...
@ Ska
Effectivement, les âges des protagonistes n'ont en effet rien à voir, mais précisément, ce qui me gêne dans le film d'Honoré, c'est que je les sens plus vieux et plus mûrs qu'ils ne le sont.
Sinon, je crois que le succès du film de Sattouf tient aussi à des perceptions qui transcendent l'âge du public (et parle aussi très fort aux plus jeunes), en particulier sur deux critères : sa justesse du rapport aux profs, personnages à la fois très proches et très éloignés de leurs préoccupations et surtout l'aspect "défouloir" du film, sa façon de rire de sujets parfois intimes dont on n'ose pas toujours parler. Quelque part, ce film a des vertus libératrices.
@Lucifer en personne
Bien vu, même si ma maigre connaissance de la technique photographique ne m'avait pas fait tiquer. Comme quoi, le film est aussi une comédie à sa manière. Mais ce n'est pas à vous que je vais apprendre que vous résidez dans les détails (comme d'ailleurs Dieu, votre confrère antagoniste).
Ah oui, c'est vraiment pertinent de comparer La belle personne, adaptation littéraire, et Les beaux gosses, film plus réaliste, presque sociologique.
Je n'y vois aucun point de comparaison (ah si : c'est du cinéma). Malgré pas mal d'erreurs voyantes, La belle personne est la plus belle surprise de cinéma, dans un genre que je n'aime pas particulièrement (les films d'amour), que j'ai eue l'année dernière. Avec Séraphine, c'est pour moi le meilleur film français de 2008.
Depuis quand le réalisme est-il un critère esthétique au cinéma ? Ne faut-il pas lorgner plutôt du projet du réalisateur et son résultat sur l'écran, traduit par de la mise en scène ?
Et merde alors, mais la séquence où Léa et Louis tombent amoureux sur l'air de la Callas, c'est un pur moment de cinéma, comparable à Silencio dans Mulholland Drive : l'émotion surgit de manière inexplicable, elle nous prend aux tripes, l'espace d'un instant.
A la limite, comparer Entre les murs et Les beaux gosses (et encore) mais là, à part se foutre facilement de la gueule du film d'Honoré, je vois pas...
Ah Julien, merci ! Un peu de cinglante contradiction, ça fait du bien !
Mais les comparaisons improbables, c'est mon dada... une gymnastique intellectuelle à laquelle je prends plaisir (et je ne suis pas le seul, je crois) et pour moi, d'autres comparaisons plus évidentes (Les beaux gosses versus Entre les murs ou L'esquive ou LOL que je n'ai pas vu) m'intéressent moins a priori.
Cela dit, je ne suis pas sûr que les films de Sattouf et d'Honoré soient si éloignés: deux cinéastes qui viennent de l'écrit (et ça compte dans leur façon d'aborder la narration), deux façons de peindre la naissance des sentiments, deux peintures du lycée comme une cour (voire une basse cour?) avec leurs règles, leurs rites, leurs classes, leurs aristocraties (ceux à qui on parle et ceux à qui on ne parle pas)... Ca fait quand même plusieurs prismes de convergence.
Effectivement, comme vous, je pense que le réalisme en lui-même n'a aucune valeur au cinéma. Il n'empêche qu'on peut ignorer le réalisme, on se coltine toujours la question de la vérité, et pour le coup, "la belle personne" me paraît en manquer singulièrement. Vous citez la scène du coup de foudre sur la Callas mais pour moi, c'est quand même horriblement "ton sur ton" cette façon d'accorder "grande musique sur grands sentiments". Pour moi, c'est du (mauvais) théâtre, ça ne respire pas, ça ne me touche pas... Bon ensuite, libre à vous... Je ne tiens pas à vous faire changer d'avis, mais je préfère le mauvais goût assumé de Sattouf. Peut-être d'ailleurs parce que ma propre adolescence (avec son bon goût balisé, son éducation bienséante) a davantage ressemblé à celle de "la belle personne" qu'à celle des "beaux gosses" et que si c'était à refaire... Ailleurs, l'herbe étant toujours plus verte...
Quoi qu'il en soit, je persiste à penser que la confrontation de ces deux films en dit quand même beaucoup sur des questions qui dépassent même ces deux films, à savoir la représentation de la jeunesse dans le cinéma français, sur le travail d'un (jeune) réalisateur avec des (jeunes) acteurs, sur un certain bon goût du cinéma d'auteur...
Merci de votre visite en tout cas et n'hésitez pas à apporter d'autres contributions... contradictoires ou non.
Ah, pardon, j'ignorais votre dada.
Mon adolescence à moi, elle a plutôt été rythmée par Flaubert, Balzac, Stendhal, Zola... Vous comprendrez donc que je puisse adhérer à la vision littéraire d'Honoré et à son film mal foutu, qui tourne en vase clos, mais qui fait la part belle au romantisme et au sentiment amoureux.
Peut-être que, sans Léa Seydoux, je l'avoue, le film n'aurait pas eu un tel impact sur moi mais je n'en suis pas sûr : je ne supporte pas Louis Garrel et là, Ô miracle, sa prestation ne m'a pas déplue.
Moi aussi, mon adolescence (disons jusqu'à 17 ans) fut plus Folio que CD et plus ciné-club que jeux vidéos.
C'est vrai que filmer l'éveil à la littérature me parait particulièrement difficile. Comme ça, spontanément, l'exemple le plus beau et le plus frappant reste l'irruption des passages de Balzac dans "les 400 coups" où l'on sent vraiment la révélation et le plaisir de la lecture.
Quant à Honoré, je sentais davantage son tropisme littéraire dans les dialogues assez charmeurs de "Dans Paris". Et puis, je sentais aussi dans ses réminiscences de Salinger (le film est une adaptation à peine masquée de "Franny et Zooey"), un hommage sincère à un bouquin sans doute découvert au lycée, un hommage à un livre fétiche, un livre talisman, ce genre de livre qu'on rencontre tous dans ces années-là et qui nous paraissent plus que de la littérature, des vrais guides.
Ah, oui, c'est tout à fait pertinent ce rapprochement avec La Belle Personne. Le "bon" goût contre le mauvais... Et Honoré en beau-fils du cinéma français, c'est tout à fait ça, également.
Plus j'y pense et plus je me dis que Les Beaux Gosses seront peut-être Le Péril Jeune des années 2000. La Belle Personne, c'était déjà, avant sa sortie, de l'histoire ancienne.
Juste un bémol sur la musique du film de Sattouf qui m'a fait penser à celle du fabuleux Steak de Dupieux mais alors en mal dégrossie !
Salutations,
Raphaël (que vous avez du croiser à l'expo Tati)
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