Zoe Bell étendue sur le capot vrombissant de la Dodge de Boulevard de la mort (Quentin Tarantino), amazone à la fois alanguie et rugissante, c’est l’image la plus étonnamment érotique de l’année… mais d’un érotisme paradoxal : « non dénudé » et cependant puissamment évocateur, si ce n’est provocateur. Ravages de la suggestion et du contact des textures : le métal hurlant de la monture contre le corps ardent de la cavalière.
Cette juxtaposition et ces contrastes de postures languides et de sensations ardentes, je le trouve assez proche de l’érotisme que l’on rencontre dans la peinture de Balthus…
Cette juxtaposition et ces contrastes de postures languides et de sensations ardentes, je le trouve assez proche de l’érotisme que l’on rencontre dans la peinture de Balthus…
… et quand on dit Balthus, on pense à son disciple cinématographique Eric Rohmer…
… La Marquise d’O (1975)
… La Marquise d’O (1975)
Rohmer, justement, dont son dernier opus Les Amours d’Astrée et Céladon, explore avec autant de vice languide que de délice alangui cette fausse innocence des drapés et des étoffes masquant les chairs pour mieux révéler leur potentiel érectile. Innocence (vraiment ?) et perversion (involontaire vraiment ?) toujours dans ce petit jeu consistant à aiguiser le mauvais esprit du spectateur par la marc-dorcelisation de la production (jeunes filles v vêtues de linges diaphanes dans les vieilles pierres du château) ou par plus d’un sous-entendu grivois glissé dans le dialogue. Si l’on ajoute à cela, la fausseté calculée du jeu des comédiens (c'est donc ça, la Rohmer’s touch ?), il y a plus que jamais le frisson de croire que décidément, un film de Rohmer, ce n’est pas loin d’un film porno sans les scènes de cul. Plutôt que de regretter cette pensée, plutôt que d’en être effrayé, peut-être peut-elle nous mettre sur la piste de ce qu’il y a de si précieux dans l’histoire d’Astrée et Céladon : le danger que les cœurs purs courent à se masquer à eux-mêmes leurs désirs qui affleurent en le recouvrant d’un voile aussi hypocrite qu’une feuille de vigne sur du Michel-Ange. L’obscénité demeure sans doute dans le déni plutôt que dans le kitsch dont ses détracteurs affublent Rohmer. Et l’œuvre de l’immense Eric (de grandes chances que ce soit son dernier film) de se conclure sur un chassé-croisé où la chambre des amants filmée comme un pur labyrinthe de rideaux et de désirs devient le théâtre de charnelles retrouvailles.
Enfin, parmi mes visions DVD de l’année, souvenir ému de La guerre est finie (Alain Resnais 1965) au cours duquel on trouve une étonnante scène d’amour, où plutôt de fantasme de scène d’amour, engendré par une simple et innocente caresse (là encore « vraiment ? » s’interroge le censeur)…
… scène d’amour quasi abstraite, toute entière basée sur des réminiscences tactiles et épidermiques. Une scène qui comme, rarement au cinéma, associe contact superficiel de la peau, la persistance mémorielle et l’incontrôlable du fantasme. Là encore, pas de nu « apparemment désirable » à l’image et pourtant vertige devant cet érotisme qui touche à l’ascèse.
Possible d’ajouter à ces exemples deux autres « scènes d’amour tout habillé » : la scène de première fois cadrée sur le flot des cheveux blonds recouvrant le visage de l’adolescent de Paranoid Park (Gus van Sant) ainsi que les rapprochements et caresses d’une gaucherie assumée entre Emmanuel Mouret et Virginie Ledoyen dans Un baiser s’il vous plaît (Emmanuel Mouret). Autant d’exemples pour dévoiler une part du secret du réel érotisme cinématographique. D’abord, proposer un éventail de textures et de matières (métal de la carrosserie, drapé volage, cheveux, derme, épiderme, pull angora…) pour bien exacerber les sensations tactiles et surtout, surtout : à la chair, préférer le cutané.
2 commentaires:
J'aime vraiment beaucoup ces notes rétrospectives. Si j'ai le temps, je vais m'en inspirer avant de dévoiler mon "véritable" classement de l'année 2007.
C'est amusant que tu parles de Balthus car ce tableau m'évoque à chaque fois l'étonnant film de Joël Séria "Mais ne nous délivrez pas du mal" dont l'ami dr Devo (Matière focale) vient de parler.
Connais-tu ce film?
Ah non, connais rien de Seria... Sans doute l'une de mes prochaines découvertes. Me souviens juste d'avoir été choqué par la bande-annonce des "Deux Crocodiles" où Carmet et Marielle s'embrassaient à pleine bouche.... Mais j'étais un adolescent bien prude. Je me souviens aussi, vers mes 16 ans, d'être sorti, rouge de honte, au bout d'une demi-heure de projection de "Marquis" de Topor et Xhonneux (un revigorant hommage à Sade en marionnettes), alors qu'aujourd'hui, je suis sûr que ça ferait plus que m'intéresser. Typiquement le genre de film qui manque au cinéma français.
Sinon, comme "découverte à faire" de ma part, il y a aussi les films de Pierre Zucca qui viennent de sortir en DVD. Lui aussi paraît très inspiré par Balthus et est à l'origine du projet "Astrée et Céladon".
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