Goal : Suwa
Défense : Bong Joon-Ho, Suzuki, Tsaï Ming Liang, Johnnie To
Milieu : Wang Bing, Jia Zhang-Ke, Hou-Hsiao-Hsien, Hong Sang-Soo
En pointe : Apichatpong et Kawase
Coach : Kiarostami.
Mon espagnol restant très limité, je suis loin d’avoir compris toutes les justifications, mais il y a des choix très judicieux comme d’autres évidemment plus discutables. De toute façon, une sélection, ça se fait et ça se refait à l’infini et puis chacun a deux, non trois métiers, le sien et critique de cinéma (Truffaut) ou plutôt, le sien, critique de cinéma et sélectionneur de son équipe.
Deux grands absents : Kitano (qui ferait un super coach en galvanisant bien comme il faut tous ces petits gars et saurait trouver les mots pour ceux, comme Kawase, qui se rendent parfois coupable d’un peu trop de tendresse) et Wong Kar Wai. J’ai bien peur que le sélectionneur n'ait pointé chez le réalisateur aux lunettes noires le syndrome Beckham : enfant prodige devenu enfant gâté, ultra doué mais trop ivre de sa propre starification au point d’en oublier lui-même ce qui faisait l’essence de son propre talent.
Suwa dans les buts. Normal, le gardien est toujours un atypique, mais très sûr de lui.
Excellents choix pour les joueurs de couloirs qui doivent conjuguer quantité de qualités a priori difficilement compatibles : polyvalents, solides, une vélocité dans les courses qui doit se combiner à la précision des centres, maestria et efficacité, infatigables et inspirés. Exactement le cinéma de Johnnie To et Bong Joon-Ho.
Bon Suzuki, je connais pas bien, mais dans la défense, il faut toujours un patriarche inamovible comme Baresi.
Tsaï Ming Liang en libéro : très bien aussi. Un temporisateur méthodique au sang plus que froid, mais toujours capable de se ménager un espace, même aussi étriqué qu’un trou dans un plancher, pour surprendre l’adversaire avec ses fantaisies personnelles.
Wang Bing et Jia Zhang-Ke en 6 et 7, aux deux postes d’organisateurs, c’est vraiment pour leur vision à la fois globale et très focalisée, leur lecture du jeu, leur capacité à deviner le placement de toute l’équipe (de toute la société). Logique de mettre Wang Bing plutôt vers la récupération arrière (la mémoire) et Jia-Zhang Ke pour réorienter le jeu vers l'avant (la nouvelle Chine qui s'éveille).
Dans le genre de ne pas y toucher, le n°8 Hong-Sang-Soo se pose là. Sans doute le joueur qui vendrait le moins de maillots, qui aurait le moins de fans, silhouette prosaïque et technique qui ne fait pas franchement rêver mais c’est toujours lui qui ferait toujours la passe décisive grâce à une faille touchante dévoilée chez l’adversaire. Derrière la carapace du joueur perso (voire narcissique disent ceux qui ne l’aiment pas), un vrai altruiste.
HHH en n°10, j’ai bien peur que son jeu ne soit devenu plus prévisible et qu’il fatigue un peu. En fait, il ferait un meneur de jeu à la Baggio époque Juve : capable de se faire totalement oublier pour mieux sortir une et une seule action qui fait basculer le match, le tout avec l’humilité non pas du travail bien fait mais du génie non ostentatoire. Il pourrait néanmoins être remplacé à la mi-temps par Im Sang-Soo (Une femme coréenne 2003) ou Lee Chang-Dong (Secret Sunshine 2007) dont le sens de la polyphonie et des relais demeure de précieux atouts de meneurs de jeu.
Finissons avec le duo de pointe Apichatpong / Kawase. Très beau choix qui fait la nique à tous les renards des surfaces et bourrins de la frappe. Ces deux-là, on les imagine inventer des tas de nouveaux gestes pendant lesquels le cours du match paraîtrait comme suspendu, comme des Panenka mais dans le cours du jeu ou des tirs en feuille morte que les adversaires regardent hypnotisés avant qu’ils ne viennent mourir dans la lucarne. Exactement comme le but de Thierry Henry contre l’Irlande en septembre 2005 et qu’à ma grande surprise, j’avais vu en direct dans un restaurant en Syrie (mais c’était le match du come-back de Zidane, ce qui explique sans doute sa diffusion dans un pays arabe) : moment complètement irréel, à la fois universel mais totalement imprégné d’une culture autre, dépaysant mais où chacun retrouve finalement ses repères, exactement comme les films d’Apichatpong et de Naomi.
Enfin pour tous ceux que ça intéresse, Arte a acquis les droits de retransmission des causeries d’avant et d’après-match du coach Kiarostami.
Enfin, le banc doit être fourni en jeunes pousses prometteuses et virevoltantes comme Katsuhito Ishii (The taste of tea 2004) encore un peu vert pour tenir tout un match, mais capable de prouesses sidérantes.
Voilà pour ma note « coming out footballistique ». Si j’en prévois d’autres, rassurez-vous, ce ne sera sans doute pas avant l’Euro 2008 (mais je ne parlerai évidemment que de l’architecture des stades, les architectes suisses constituant la dream-team de la discipline).
10 commentaires:
héhé...
je découvre votre blog et tombe directement sur ce superbe post, avec une idèe qui n'est pas de vous mais un commentaire des plus éclairés et éclairants (penser à trainer sur ce blog espagnol aussi). Je plussoie à tout cela, à l'exception de vos réserves sur ce cher n°10, à mon sens au fait de sa gloire. Certes son ballon rouge est un peu raté, mais ca reste le meilleur film avec Juliette Binoche (le seul ?). Et il a survolé les annéés 2000 avec une classe folle, ne livrant que des chefs d'oeuvre (Millenium Mambo, Café Lumière et meme le sous-estimé Three Times).
Je vai,s dès que j'aurai le temps, fouiller un peu plu avant ce blog, mais en attendant félicitations. Rien qu'à voir le nom des libellés, je vais de toute facon etre ici chez moi. Chez moi ou je vous invite à prendre un apero à l occasion. C'est moins cosy, mais la deco devrait vous plaire...
et puis evidemment, la référence au meilleur groupe francais de tous les temps ne pouvait que me plaire...
Merci cher 33. Bien été sur votre blog dont les listes témoignent d'un goût très sûr, mais éveillent aussi des interrogations (j'ignorais qu'un nouveau DG Greene était sur le feu. Et Indiana Jones 4, vous l'avez vu dans la salle de montage ?).
Le propre des listes, c'est comme une sélection d'équipe, on peut la faire et la refaire à l'infini. Quant à HHH, désolé mais j'assume ma déception devant chaque nouvel opus depuis les sommets (il est vrai hymalayesques) du "Maître de marionnettes" et des "Fleurs de Shanghai". Et puis, la troisième des histoires de "Three Times", ça m'a vraiment paru transpirer l'antonionisme convenu. Pas vu "le ballon rouge", mais j'ai quand même peur de la carte postale. Et comme un sélectionneur doit parier sur l'avenir, c'est pour cela que je joue aussi la carte Im Sang-Soo.
Vous le dites : on doit parier sur l'avenir; c'est ce que je fais dans mon top 2008 dont je n'ai vu aucun film à l'exception de Cap Nord de Sandrine Rinaldi ;). Cela reflète seulement mes attentes pour l'année à venir.
Les deux HHH que vous citez ne sont pas mes préférés... Pour moi, il n'est jamais meilleur que lorsqu'il filme le présent, donc dans la troisième partie de Three Times. Faire du Antonioni n'est pas vraiment un soucis : c'est le cas de tous les cinéastes modernes, plus ou moins. On a certes connu HH H plus inspiré que dans ce petit film, mais, pris comme 1-une synthèse, un bilan 2-l'achèvement d'une reflexion sur l'amour et le langage à travers le temps, ça demeure brillant. Bref.
Quant à Im Sang-soo, je ne parierais pas un centime sur lui; esbrouffe totale à mon avis :x
Le ballon rouge est un peu carte postale, oui. Mais reste la fascination pour ce corps exogène (Binoche), perturbation magnétique dans le système bien réglé du taiwanais - HHH ne filme que ça : des perturbations magnétiques. Chez WKW, l'exotisme des corps américains ne produit rien d'autre que de la tautologie; chez HHH, au contraire, passé l'agacement, on reste sidéré par son adaptation à l'environnement parisien et à la plus pittoresque de ses créatures.
Bon. Ca reste quand même le pire film de HHH ;)
La parole est toujours à la défense, mais je crois que ce sont aussi les rapports de couple dans les derniers HHH que je trouve assez fabriqués et poseurs dans leur mutisme et leur dite incommunicabilité. Alors qu' "Une femme coréenne" reste par ailleurs l'un des grands films sur le couple de ces dernières années. Vraiment un très grand film, à mon avis très loin de toute esbrouffe. Bon après, c'est sûr que "le vieux jardin", le dernier Im Sang Soo est plutôt raté. Donc wait for the next opus !
Brillante analyse cher Joachim. Cette sélection est en effet peu discutable. Je pense cependant que l'entrée en jeu de Park Chan-wook en attaque dynamiserait le tout en amenant de la percution. Apichatpong et Kawase sont toujours capables de beaux gestes, mais jouent sur un faux-rythme qui ne destabilise pas assez les défenses bien en place.
Il reste le problème du meneur de jeu. Hou me fait penser un peu au Micoud de ma ville bordelaise. Il est encore capable d'éclairs (la partie muette de "Three times") mais joue en dessous de ses capacités.
Bref, aussi séduisante soit-elle (Tsai est toujours intraîtable et J. To est inarrétable une fois lancé), cette équipe peine parfois à faire oublier la dream team des années 90, celle entraînée par Imamura, avec un trio magique Kiarostami-Kitano-Wong Kar-wai, épaulé par les formidables révélations qu'étaient Tsai et Hou, sans oublier les deux chinois, serieux au marquage, Zhang Yimou et Chen kaige.
Enfin, l'important, c'est les 3 points...
Merci Ed. Effectivement, dans les années 90, cette dream team devait cumuler la stature, l'autorité et la créativité du Milan AC... mais les grandes équipes ne meurent jamais et se régénèrent.
J'ai également pensé à Park Chan-Wook mais j'ai un peu peur de son jeu agressif, de ses tacles par derrière et de ses crampons en avant. Il faudrait juste l'utiliser dans des matchs hargneux, joués sous la pluie et où "seule la victoire est belle", peu importe la manière. Au fait, pas vu "Je suis un cyborg" mais assez tenté. Quelqu'un l'a vu ?
On n'a pas fini de s'amuser à ce petit jeu-là.
Après une semaine de réflexion, la sélection de Kore Eda me semble s'imposer d'elle-même. A mon avis, à un poste typique du foot contemporain: le n°6, à mi chemin exact de la défense et de l'attaque (de la fiction et du documentaire) et nécessitant endurance (des films qui prennent leur temps) et compétitivité (mais qui provoquent au final une grande émotion). Bon, ça nécessite de faire sortir quelqu'un de cette dream team, mais ça, c'est une autre histoire.
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