Vaisseau spatial ? Origami ? Pierre mal taillée au bord du déséquilibre ? Diamant cubiste ? La forme extérieure inhabituelle de la Casa da Musica posée sur la place Boavista à Porto (Rem Koolhaas, architecte 2005) se déduit surtout par les contraintes (que pour une bonne part l’architecte s’est lui-même données) et mouvements antagonistes qui agitent l’intérieur de ce navire musical.
Si « l’architecture, c’est de la musique pétrifiée » (idée reçue n° 471) et si nombre de bâtiments dévoués à la musique jouent avec l’analogie de la grande forme symphonique (la Cité de la Musique comme illustration contemporaine à Paris), s’il faut donc trouver une analogie pour la Casa da Musica, elle serait donc plutôt à chercher du côté d’une dissonance stravinskienne qui rend tout grincement harmonieux.
La Casa de Musica ne cherche pas à ménager de transition polie. Comme Beaubourg, elle toise la ville historique en même temps qu’elle lui offre un miroir de son temps : à la fois un écrin et un défi. Comme Beaubourg encore, elle fait place nette autour d’elle, mais ne propose comme entrée qu’un trou de souris. Le piéton qui s’y aventure découvre un espace d’accueil vertical et introverti. Tout cela tient on ne sait trop comment, maintenu par de guingois piliers. Dimensions de cathédrale, mais pas vraiment de recherche de sérénité, d’autant plus que cet espace est sciemment perturbé par (ce que l’on devine être) une boîte opaque.
Cette boîte flottante, c’est la salle de concert, seul espace régulier du bâtiment, grand vaisseau coloré et (blasphème pour une salle de spectacles !) ouvert et largement translucide (mais le degré d’occultation reste évidemment modulable). Belle salle, mais pas super peuplée !
Mais dans le cours du bâtiment, la salle et sa régularité sont presque traités comme un corps étranger qu’il s’agit de contourner ou découvrir par des vues biaises avant d’y entrer. L’attention est portée sur les espaces de transition. Géométries et ambiances toujours surprenantes, larges ouvertures, véritables loges sur la ville. Exemple de cet espace acoustique accueillant des installations ou des mini-concerts. Pour voir la vidéo dans le bon sens, il vous faudra mettre l’écran de votre ordi à la verticale ou plus douloureusement tordre la tête.
Le mouvement d’ascension qui semble générer tout le bâtiment prend fin avec l’arrivée vers cet espace énigmatique, sorte d’amphithéâtre informel sous les combles, face au ciel. Là, le pliage semble se dilater, les austères parois de la Casa semblent, sous la force de la lumière, se déplier comme une corolle.
Si « l’architecture, c’est de la musique pétrifiée » (idée reçue n° 471) et si nombre de bâtiments dévoués à la musique jouent avec l’analogie de la grande forme symphonique (la Cité de la Musique comme illustration contemporaine à Paris), s’il faut donc trouver une analogie pour la Casa da Musica, elle serait donc plutôt à chercher du côté d’une dissonance stravinskienne qui rend tout grincement harmonieux.
La Casa de Musica ne cherche pas à ménager de transition polie. Comme Beaubourg, elle toise la ville historique en même temps qu’elle lui offre un miroir de son temps : à la fois un écrin et un défi. Comme Beaubourg encore, elle fait place nette autour d’elle, mais ne propose comme entrée qu’un trou de souris. Le piéton qui s’y aventure découvre un espace d’accueil vertical et introverti. Tout cela tient on ne sait trop comment, maintenu par de guingois piliers. Dimensions de cathédrale, mais pas vraiment de recherche de sérénité, d’autant plus que cet espace est sciemment perturbé par (ce que l’on devine être) une boîte opaque.
Cette boîte flottante, c’est la salle de concert, seul espace régulier du bâtiment, grand vaisseau coloré et (blasphème pour une salle de spectacles !) ouvert et largement translucide (mais le degré d’occultation reste évidemment modulable). Belle salle, mais pas super peuplée !
Mais dans le cours du bâtiment, la salle et sa régularité sont presque traités comme un corps étranger qu’il s’agit de contourner ou découvrir par des vues biaises avant d’y entrer. L’attention est portée sur les espaces de transition. Géométries et ambiances toujours surprenantes, larges ouvertures, véritables loges sur la ville. Exemple de cet espace acoustique accueillant des installations ou des mini-concerts. Pour voir la vidéo dans le bon sens, il vous faudra mettre l’écran de votre ordi à la verticale ou plus douloureusement tordre la tête.
Le mouvement d’ascension qui semble générer tout le bâtiment prend fin avec l’arrivée vers cet espace énigmatique, sorte d’amphithéâtre informel sous les combles, face au ciel. Là, le pliage semble se dilater, les austères parois de la Casa semblent, sous la force de la lumière, se déplier comme une corolle.
Etonnant comme ce projet m’évoque le dernier Le Corbusier, celui du couvent de la Tourette (1957-59). Aucune ressemblance a priori entre les deux bâtiments, et pourtant on y retrouve la même organisation autour du contraste entre un grand volume pur et coloré (l’église chez Le Corbusier, la salle de concert ici) et des espaces inédits à l’étrangeté revendiquée, le même parcours qui vise constamment à surprendre voire à désorienter, la même phobie de la joliesse, le même usage du béton puritain, la même conjugaison de l’exploit structurel et de l’expressivité brute, la même volonté de faire sculptural avec ce matériau et de tordre cette matière ingrate pour lui faire cracher sa dignité.
Mais connaissant la constante volonté de Koolhaas de sortir de la stricte rhétorique de l’architecture, ne pourrait-on pas établir une nouvelle proximité avec un autre artiste adepte des assemblages bringuebalants et du hors-piste : Kurt Schwitters , inclassable touche-à-tout (peinture, architecture, poésie orale), DJ avant l’heure, soigneusement à l’écart de Dada et du cubisme, tout en jetant des ponts inédits entre ces deux avant-gardes ? Tout comme Schwitters, Koolhaas aime varier les pratiques (écriture, architecture, journalisme quitte à s’improviser sociologue mondial), rêve de se situer à la jonction des avant-gardes de son temps tout en revendiquant de rester totalement irrécupérable. Et peu importe, si comme avec Schwitters, il en reste beaucoup pour le traiter de cynique et de mégalo. Pour preuve de ce rapprochement, les espaces de la Casa da Musica ne ressemblent à rien de connu, sauf peut-être au...
... Merzbau de Schwitters, cet espace - sculpture (et ancètre des installations) qui colonisa d’abord son atelier avant de s’étendre de manière tentaculaire.Mais connaissant la constante volonté de Koolhaas de sortir de la stricte rhétorique de l’architecture, ne pourrait-on pas établir une nouvelle proximité avec un autre artiste adepte des assemblages bringuebalants et du hors-piste : Kurt Schwitters , inclassable touche-à-tout (peinture, architecture, poésie orale), DJ avant l’heure, soigneusement à l’écart de Dada et du cubisme, tout en jetant des ponts inédits entre ces deux avant-gardes ? Tout comme Schwitters, Koolhaas aime varier les pratiques (écriture, architecture, journalisme quitte à s’improviser sociologue mondial), rêve de se situer à la jonction des avant-gardes de son temps tout en revendiquant de rester totalement irrécupérable. Et peu importe, si comme avec Schwitters, il en reste beaucoup pour le traiter de cynique et de mégalo. Pour preuve de ce rapprochement, les espaces de la Casa da Musica ne ressemblent à rien de connu, sauf peut-être au...
Devant la Casa da Musica, peu importent finalement les appréciations subjectives, car, à la visite de ce bâtiment, se révèle enfin le projet global de Koolhaas (qu’il poursuit aussi bien dans ses projets, ses écrits que dans sa compulsion de données socio-économiques) : dans un monde marqué du signe de l’incertitude, trouver l’équilibre dans l’instabilité, rendre l’inconfortable accueillant.
2 commentaires:
Bunkeroïde !
Plus un monolithe qu’un bunker, quand même ! Toute la force du bâtiment tenant (comme chez Le Corbusier d’ailleurs) dans le contraste entre la force sculpturale brute de son aspect extérieur et la finesse de ses ambiances, espaces et lumières à l’intérieur, finesse que l’on ne soupçonnait pas à l’approche lointaine du bâtiment. Pour ma part, ce contraste et ces surprises, c’est vraiment ce que j’apprécie le plus dans une certaine architecture moderne et contemporaine. Evidemment, ensuite, tout cela est question d’expérience, de rapport personnel avec la ville et avec ce type de bâtiment. Chacun reste évidemment libre de « jouer le jeu » proposé par ce type d’architecte (provocateur j’en conviens mais d’une saine provocation), mais l’expérience de dépasser sa première impression en vaut vraiment la peine. J’ajoute enfin que souvent, les bâtiments qui cherchent à « s’intégrer », à « dialoguer du mieux possible », à « s’articuler sans déranger » se révèlent à la visite les plus fadasses et sont ceux qui vieillissent le plus vite, preuve que la ville n’est pas un tout homogène, mais aussi (et avant tout ?) un lieu de confrontation entre formes, époques, styles et écritures architecturales.
Sinon, merci de ta visite et de ton commentaire qui m’a permis de découvrir ton blog.
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