Bon, le rythme de ce blog (et l’enthousiasme de son tenancier) semblant diminuer, on en vient, quand on n’a plus d’idées, à bavasser sur le sujet fort tentant de l’éternelle angoisse de la page blanche. Deux exemples.
Paris - when it sizzles (Deux têtes folles, Richard Quine 1964) est l’un de ces miracles de la comédie américaine qui, tel Un jour sans fin (Harold Ramis 1993) arrive à concilier pur plaisir de la comédie au premier degré et arrière-plan conceptuel appelant par là même un autre plaisir, plus cérébral, celui de l’exégèse sans fin.
Pitch simplissime qui appelle la littérale mise en abyme : un scénariste et sa secrétaire n’ont plus que quelques heures pour livrer le script toujours vierge d’un film commandé il y a déjà des mois. Conséquence formelle : le film qui n’arrive pas à s’écrire est celui qui se déroule sous nos yeux, work in progress perpétuellement repris, perturbé, raturé par les repentirs de ses scénaristes. Exégèse « critique littéraire oulipienne » : le film comme adaptation involontaire et par anticipation du vertigineux Si par une nuit d’hiver, un voyageur (Italo Calvino 1979) ? Exégèse « UFR de sémiologie du cinéma à Paris 8 » : le film comme manifeste d’un cinéma performatif, celui d’un cinéma où la parole dicte l’action ? Exégèse « Nouvel Hollywood » : Milieu des années 60, crise de confiance des studios, incompréhension face à la Nouvelle Vague (attaquée, pas de manière très fine dans le film) et à la « modernité cinématographique », d’où mise en crise et (dernier ?) inventaire de toutes les fictions possibles, aussi bien baroud d’honneur que joyeuse déconstruction. Le plus étonnant est que cette célébration de l’artisanat hollywoodien casse en même temps ses propres règles. A force de coq-à-l’âne et d’auto-remixes, c’est le dadaïsme s’invite à la table du storytelling. L’enjeu du film étant bien sûr de garder une cohérence scénaristique à cette pièce montée dont on se demande à chaque instant comment elle peut encore tenir. Mille-feuilles, passage en revue, revue tout court, pulp (« matière molle, informe ») fiction ? Euuhhh… Oui, peut-être.
Bon, allez, un petit extrait, le moment « comédie musicale » (au réveil après une longue nuit d’écriture). Et comme pour tout le reste du film, le charme vient aussi de la miniaturisation du genre et des morceaux de bravoure presque réduits à l’état de maquette :
Paris - when it sizzles (Deux têtes folles, Richard Quine 1964) est l’un de ces miracles de la comédie américaine qui, tel Un jour sans fin (Harold Ramis 1993) arrive à concilier pur plaisir de la comédie au premier degré et arrière-plan conceptuel appelant par là même un autre plaisir, plus cérébral, celui de l’exégèse sans fin.
Pitch simplissime qui appelle la littérale mise en abyme : un scénariste et sa secrétaire n’ont plus que quelques heures pour livrer le script toujours vierge d’un film commandé il y a déjà des mois. Conséquence formelle : le film qui n’arrive pas à s’écrire est celui qui se déroule sous nos yeux, work in progress perpétuellement repris, perturbé, raturé par les repentirs de ses scénaristes. Exégèse « critique littéraire oulipienne » : le film comme adaptation involontaire et par anticipation du vertigineux Si par une nuit d’hiver, un voyageur (Italo Calvino 1979) ? Exégèse « UFR de sémiologie du cinéma à Paris 8 » : le film comme manifeste d’un cinéma performatif, celui d’un cinéma où la parole dicte l’action ? Exégèse « Nouvel Hollywood » : Milieu des années 60, crise de confiance des studios, incompréhension face à la Nouvelle Vague (attaquée, pas de manière très fine dans le film) et à la « modernité cinématographique », d’où mise en crise et (dernier ?) inventaire de toutes les fictions possibles, aussi bien baroud d’honneur que joyeuse déconstruction. Le plus étonnant est que cette célébration de l’artisanat hollywoodien casse en même temps ses propres règles. A force de coq-à-l’âne et d’auto-remixes, c’est le dadaïsme s’invite à la table du storytelling. L’enjeu du film étant bien sûr de garder une cohérence scénaristique à cette pièce montée dont on se demande à chaque instant comment elle peut encore tenir. Mille-feuilles, passage en revue, revue tout court, pulp (« matière molle, informe ») fiction ? Euuhhh… Oui, peut-être.
Bon, allez, un petit extrait, le moment « comédie musicale » (au réveil après une longue nuit d’écriture). Et comme pour tout le reste du film, le charme vient aussi de la miniaturisation du genre et des morceaux de bravoure presque réduits à l’état de maquette :
Tout autre genre mais tout aussi créatif à partir de l’impuissance créatrice : ce courte lettre filmée d’Alain Cavalier pour l’émission Cinéma-Cinémas, durant l’écriture apparemment douloureuse de Thérèse (1986) :
Assez impressionnant moment de cinéma « brut de décoffrage » (pas un gramme de montage, dit la légende, que je veux bien croire) qui transfigure l’impuissance d’un « cinéaste » qui ne sait peut-être pas quoi dire (ou plutôt écrire) mais sait filmer. Pour qui s’intéresse au cinéma de Cavalier, on peut y voir, avant même La rencontre (1996), son manifeste de la nature morte où la figure humaine (encore présente, même sur le mode du négatif et de la noirceur dans Ce répondeur ne prend pas de messages 1979) s’efface derrière le parti pris des choses. Et en jouant carrément (et dès l'entame du film) l’analogie entre la page blanche et l’écran de cinéma, Cavalier ne formule-t-il pas à sa façon l’interrogation essentielle de Robert Bresson : "Comment se dissimuler que tout finit sur un rectangle de toile blanche suspendu à un mur ? (Vois ton film comme une surface à couvrir.)"
Sinon, dernier point commun entre ces deux extraits : le surgissement du visage filmé dans toute sa majesté (celui d’Audrey H. chez Quine ; celui d’une timide inconnue castée par Cavalier à la fin de son film). Quand on ne trouve rien à dire (ou du moins, le croît-on), autant s’appliquer à de beaux portraits ? Nous disent-ils cela, ces deux cinéastes ?
2 commentaires:
ne pas oublier que Deux têtes folles est un remake d'un film de Julien Duvivier: La fête à Henriette.
Aucun de deux films ne convainc pleinement en raison du manque de considération pour l'intrigue et les personnages que la nature même du projet semble impliquer.
Principe du film de Duvivier qui, si je ne m'abuse, a été également revisité par Guédiguian dans "A l'attaque" (2000). Mais n'ayant vu aucun de ces titres, je ne peux trop rien en dire...
Concernant le film de Quine, il est bien sûr inégal (et oserais-je même dire mineur) mais son aspect "revue de music-hall" prend pour moi le dessus sur son intrigue prétexte. Il reste tout de même là-dedans le pur plaisir de la fabrique holywoodienne qui fonctionne presque par et pour elle-même. En tous cas, c'est éminemment plus sympathique que le finalement cynique "Adaptation" de Jonze et Kaufman, qui cache derrière son apparente liberté un éloge du screenwriting formaté, sur le mode : "ne suivez pas la poésie et la folie des histoires les plus barrées, mais plutôt les conseils de Mc Kee qui vous les remettra sur les rails, pour que ça plaise".
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