jeudi 17 juin 2010

Solitude footballistique

Au hasard de mes pérégrinations dans le supermarché virtuel des images, je tombe sur des images de Jacques Tati mimant (mais avec un infini degré de précision) les gestes d'un gardien de but. Je ne sais pas de quand date cet enregistrement, mais il m'émeut par sa simplicité même, son dénuement, son minimalisme, sa brièveté (Tati fait quelques mimes puis reprend son manteau et s'en va). Et je ne sais pas pourquoi, cette poignante solitude sur un terrain me rappelle (outre un tube d'un célèbre goal) le Zidane, portrait du 21e siècle (Gordon et Parenno 2006), surtout sa fin, en fait (à voir , à partir d'1h24) : la sortie sur carton rouge (prophétie n°1) dans un bourdonnement pré-vuvuzelesque (prophétie n°2). Ces images de Tati comme de Zidane, rendus à leur solitude, me touchent par leur façon de fixer, chez ces deux génies, leurs derniers numéros avant leurs sorties de piste.

Pour fêter ça, j'ai imaginé le match virtuel entre Tati et Zidane : c'est donc ...

Et pour rester dans le ton de la solitude et de la mélancolie footballistique, cette étonnante vidéo qui, comme son nom l'indique, refait la défaite, plan par plan :



Entre autres choses liées à la réinterprétation de ce grand moment de la tragédie sportive, ce qui impressionne dans la vidéo, c'est qu'elle saisit la grande tristesse qui advient quand le foot cesse d'être un sport d'équipe pour se concentrer sur une constellation de désarrois individuels (France-Mexique 2010 étant évidemment le reflet anti-glorieux de ce France-Allemagne 1982). Un peu plus de précisions ici.

vendredi 11 juin 2010

Futur déréglé

En ces temps de Kerviel, Goldman Sachs et autres problèmes de type grec, difficile de se refuser ce petit bonbon. A savoir une publicité de 1971 présentant la "banque du futur" et signée d'un certain... Jacques Tati. Outre ses effluves prophétiques (quant au dérèglement de la finance mondiale), on notera dans cette petite pièce, l'inflexion des décors tatiesques vers une discrète outrance : chaînon manquant entre Mario Bava et l'usine Tricatel ?


vendredi 4 juin 2010

La tirade des CNC

On le remarque discrètement au générique des films récents, mais le CNC s’appelle désormais le CNCIA (Centre National du Cinéma et de l’Image Animée) sans que d’ailleurs le logo de l’institution ne suive le changement de l’acronyme.

Qu'est-ce à dire ? Le cinéma serait donc, en 2010, une image fixe, voire une image morte ? On comprend bien qu’il s’agit là de signifier que l’action du CNC s’étend au-delà des films et des salles, jusqu'aux programmes télé, contenus web, jeux vidéos, galeries, musées, etc… mais tout de même ce rajout tautologique de « l’image animée » a au mieux des allures de pléonasme, au pire de flagrant délit de ronflante institutionnelle (on est à la limite des inventaires bureaucratiques du Roi et l’Oiseau – Paul Grimault 1980).

Somme toute, cette nouvelle dénomination reste un peu courte, jeune homme, et tel Cyrano, nous pourrions dire bien des choses encore.

Allons-y-donc pour la tirade des nouvelles appellations de la chose :

- Pataphysique exhaustif : Centre National d’aides à la production, diffusion et évaluation d’images mouvantes sur des écrans de différentes tailles, et destinées à capter l’intérêt de personnes assises ou debout et de niveau d’attention variables. (Edouard Baer – période Centre de visionnage)

- Homonymique : Chantiers Navals de la Ciotat (Luc Moullet). Lequel poursuit : "Ah, ah, je vous avais bien dit qu’on pouvait confondre. Je vous renvoie d’ailleurs à mon célèbre article Qui de Straub ou de JLG vous élève le plus ? paru non pas dans les Cahiers ou Trafic mais dans la Gazette de la nacelle élévatrice et comparant les produits de ces deux entreprises leaders sur le marché".


- Photographique : Centre National des images parfois fixes et pouvant venir indistinctement du futur ou du passé. (Chris Marker)

- Universitaire : Centre National de l’Image-Temps et de l’Image-Mouvement. (Gilles Deleuze)

- Fulgurant : Centre National des images justes. (Godard 60’s)

- Convulsif : Centre National de l’Image explosante-fixe. (André Breton)

- Désenchanté : Cimetière National des merveilleux projets restés dans les tiroirs des commissions. (Paul Vecchiali)

- Martial : Champ de bataille principal des œuvres contenant les éléments suivants : amour, haine, action, violence, en un mot émotion. (Samuel Fuller)

- Idéaliste : Centre National de tout ce qui est plus harmonieux que la vie. (Ferrand aka François Truffaut)

- Fétichiste : Centre National des images montrant les jolies choses faites par des jolies femmes. (François Truffaut)

- Crépusculaire : Centre National d’un art qui, pour feindre d’ignorer sa propre mort, se soigne avec des images en réanimation. (Godard 90-00’s)

(A poursuivre, si le cœur vous en dit chers lecteurs, dans les commentaires…)